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DIXIEME
CONGRES DES NATIONS UNIES POUR LA PREVENTION DU CRIME ET
LE TRAITEMENT DES DELINQUANTS
Information de base No1
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Lutter contre la criminalité
transnationale organisée
A l'ère nouvelle de la mondialisation, les frontières
se sont ouvertes, les barrières commerciales sont tombées
et l'information se propage à toute allure autour du monde
par le simple fait d'appuyer sur un bouton. Le commerce est en effervescence...tout
comme la criminalité transnationale organisée.
Des fortunes se construisent grâce au trafic de drogues, à
la prostitution, aux armes à feu illégales et à
une multitude d'autres délits transfrontaliers. Chaque année,
les criminels organisés blanchissent d'énormes sommes
d'argent par le biais de processus illégaux.
"Il n'y a jamais eu auparavant autant de
perspectives économiques pour autant de gens. Et jamais auparavant
n'y a-t-il eu autant d'occasions offertes aux organisations criminelles
d'exploiter le système", a déclaré Pino
Arlacchi, directeur exécutif du Bureau des Nations Unies
pour le contrôle des drogues et la prévention du crime
(BCDPC).
Autrefois perçue comme une menace locale
ou tout au plus régionale, la criminalité organisée
s'est muée en un commerce transnational hautement sophistiqué.
Comme le remarque le Rapport mondial des Nations Unies sur le crime
et la justice pénale de 1999: "A l'échelle de
la criminalité organisée des années 90, Al
Capone fait figure de petite frappe avec un horizon restreint, des
ambitions limitées et un simple fief local."
Les nations s'accordent aujourd'hui à
penser qu'une coopération internationale urgente est nécessaire
afin d'endiguer cette menace grandissante. Ce problème constituera
un point clé de l'ordre du jour du Dixième Congrès
pour la prévention du crime et le traitement des délinquants,
qui doit se tenir en avril à Vienne.
Les délégués examineront
aussi les avancées du projet de convention des Nations Unies
contre la criminalité transnationale organisée, ainsi
que de ses trois protocoles visant à combattre le trafic
d'armes à feu illégales et d'êtres humains,
en particulier de femmes et d'enfants, de même que le trafic
et le transport illicites de migrants (cf. Fiche technique no.1).
Imiter le commerce "légal"
Les groupes criminels de grande envergure peuvent imiter les commerces
légitimes en forgeant des alliances multilatérales
afin d'étendre leur portée et de réaliser des
profits. Les triades d'Hong Kong et les yakusas japonais commercialisent
des produits de synthèse et pratiquent le trafic de femmes
et d'enfants à des fins d'esclavage sexuel à l'échelle
mondiale. Selon la police nationale colombienne, les puissants cartels
de la drogue du pays "traitent" avec la mafia russe et
les groupes criminels d'Europe de l'Est.
Comme c'est le cas dans le monde des affaires
légales, les groupes criminels les plus importants peuvent
également se diversifier en un vaste éventail de "produits",
empruntant les mêmes routes, réseaux et jusqu'aux mêmes
responsables corrompus pour transporter personnes et marchandises.
L'une des organisations les plus puissantes au monde - les yakusas
japonais - pratique le trafic de drogues, dirige des réseaux
de prostitution, se livre au trafic d'armes et est spécialisée
dans la corruption, selon les sources de l'ONU.
Et, tout comme les sociétés légitimes
s'orientent vers les niches du marché des marchandises, de
nouveaux groupes criminels organisés émergent soudainement
là où il y a des profits à réaliser.
Au Mexique, des criminels organisés ont
émergés, ils dirigent des réseaux de trafic
de drogues de grande envergure, un domaine criminel autrefois monopolisé
par les cartels colombiens. Selon une étude de la Drug Enforcement
Administration américaine de 1999, quelque 29% de l'héroïne
consommée aux Etats-Unis entrent dans le pays par les mains
des criminels organisés mexicains.
De nouveaux groupes ont également fait
leur apparition en Europe de l'Est et dans les pays de l'ancienne
Union soviétique, où la fin de la guerre froide et
l'effondrement du contrôle étatique ont constitué
une invitation ouverte à la criminalité organisée.
Les groupes criminels ont rapidement tiré profit des démocraties
en difficulté, de lois précaires ou non existantes,
de forces de police mal équipées et d'un marché
aux forces incertaines.
Criminalité d'après guerre froide
Le nombre de groupes criminels recensés en Russie a augmenté
entre 1990 et 1997, passant de 785 au nombre astronomique de 9000,
avec un nombre de membres associés de plus de 100000, selon
le Ministère de l'intérieur du pays. A Moscou, quelques
189 organisations criminelles étaient actives en 1996, 23
d'entre elles ayant des ramifications à l'étranger.
Le ministère estime qu'environ 40000
commerces russes sont contrôlés par la criminalité
organisée; on trouve parmi ceux-ci des cabinets d'avocats,
des banques et d'autres commerces à même de blanchir
de l'argent, beaucoup ont des liens avec l'étranger.
Les groupes criminels organisés ont également
mis en place des affaires dans plusieurs pays d'Europe centrale,
où d'énormes sommes d'argent sont réalisées
à partir des armes, de la prostitution, de l'extorsion, du
vol de voitures, du marché noir d'essence et de cigarettes.
La région constitue également un des principaux points
d'entrée de l'héroïne en Europe occidentale.
Et, de même que les pays de l'ancienne Union soviétique,
il s'agit du foyer régional connaissant la croissance la
plus rapide en matière de trafic d'êtres humains.
Environ 175000 clandestins, dont beaucoup sont
des femmes et des enfants, quittent chaque année ces nations
pour l'Europe de l'Ouest et les Etats-Unis, selon l'Organisation
internationale pour les migrations (cf. "Le nouveau traité
mondial de lutte contre l'esclavage sexuel des femmes et des filles",
DPI/2098).
Prendre des mesures énergiques au niveau local
Bien que la criminalité transnationale organisée
soit devenue de plus en plus sophistiquée, les responsables
du respect de la loi à travers le monde ont réalisé
des progrès en arrêtant les chefs de bandes et en fermant
les réseaux:
- La Colombie a démasqué deux cartels de cocaïne
extrêmement puissants dans les villes de Cali et de Medellin
et emprisonné leurs principaux chefs.
- Les revenus de l'exportation de substances illicites de tout
type en Colombie ont diminué de moitié - d'un chiffre
record de quatre milliards de dollars en 1984 à deux milliards
en 1996, selon une étude récente;
- Les responsables du respect de la loi, assortis d'un ambitieux
programme de développement alternatif ont démantelé
les cartels de la drogue en Bolivie, faisant passer l'économie
de la coca des 9,2% du produit national brut (PNB) il y a dix
ans aux 3% actuels;
- En Asie du Sud-Est, certains des barons de la drogue les plus
renommés de l'ancien Triangle d'or ont négocié
avec les gouvernements leur retrait du commerce de la drogue;
- En Italie, les responsables du respect de la loi et le grand
public se sont ligués pour anéantir la mafia. Le
bastion de la mafia de Palerme, en Sicile, n'a signalé
en 1998 que sept homicides et aucun meurtre dans la mafia, contre
200 en 1992.
En dépit de ces succès locaux,
la criminalité transnationale continue d'étendre ses
tentacules à travers le monde, échappant aux responsables
du respect de la loi en se cachant dans des pays "sûrs"
ou en changeant le tracé des routes du trafic, passant d'une
nation à une autre lorsqu'une piste devient dangereuse. Les
nations se sont entendues sur le fait qu'il est nécessaire,
pour mettre un terme à cette menace planétaire, qu'une
action soit menée au niveau international.
"Avec la croissance d'une criminalité
internationale, aucun pays ne peut réussir seul. Nous savons
que la combinaison de la corruption, de la criminalité organisée
et du blanchiment d'argent, ce qui est appelé "capitalisme
de copinage",peut bouleverser les systèmes politique,
économique et social", a déclaré M. Arlacchi.
Regrouper les forces au niveau international
La communauté internationale dispose déjà
d'importants traités internationaux en vigueur contre le
trafic de drogues et le blanchiment d'argent, y compris la Convention
des Nations Unies contre le trafic illicite de stupéfiants
et de substances psychotropes, de 1988. Et, en 1998, l'Assemblée
générale des Nations Unies a tenu une session spéciale
sur les drogues, lors de laquelle elle a adopté de nouvelles
stratégies pour éradiquer aussi bien l'offre que la
demande de substances illicites.
Au cours de l'année écoulée,
le Bureau des Nations Unies pour le contrôle des drogues et
la prévention du crime a lancé trois programmes mondiaux
qui visent à aider les nations à étudier et
combattre la corruption et le trafic d'êtres humains, de même
qu'à collecter des données sur la criminalité
organisée à travers le monde.
Mais il manque jusqu'à présent
un puissant instrument international pour lutter contre toutes les
formes de criminalité transnationale organisée. Ce
manque va prochainement être comblé par la convention
envisagée contre la criminalité transnationale organisée
et ses trois projets de protocoles pour contrôler les armes
à feu illégales et contrer le trafic de personnes,
de même que le trafic et le transport illicites de migrants.
Le traité a deux objectifs principaux.
Le premier est d'éliminer les différences, au sein
des systèmes législatifs nationaux, qui ont bloqué
l'assistance mutuelle par le passé. Le second est de mettre
en place des normes pour les législations nationales, de
façon à ce qu'elles puissent lutter avec efficacité
contre la criminalité organisée. (cf. Fiche technique
no 1)
La nouvelle convention cherche également
à s'attaquer aux causes profondes de la criminalité
transnationale, le profit. Elle comprendra des mesures fortes qui
permettront aux responsables du respect de la loi de confisquer
les avoirs criminels et de prendre des mesures énergiques
en matière de blanchiment d'argent. Elle lancera aussi un
appel en faveur de la protection des témoins.
"Pour lutter contre la criminalité
transnationale organisée, un nouvel état d'esprit
doit être créé qui comprenne et qui soit capable
d'ériger une résistance organisée", a
déclaré M. Arlacchi. "La communauté internationale
doit surtout agir de façon plus efficace que les organisations
criminelles qui la menacent."
Publié par le Département de l'information
de l'ONU
DPI/2088/F
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