Rapport du Secrétaire
général
au Comité préparatoire de la réunion internationale
de haut niveau
chargée d'examiner la question du financement du développement
à l'échelon intergouvernemental
A/AC.257/12 (18 décembre
2000)
Introduction
1.
À l’aube du XXIe siècle, le système des Nations Unies
ne devrait rien épargner pour mener à bien la mission que
lui ont confiée les participants au Sommet du Millénaire,
c’estàdire délivrer plus d’un milliard d’hommes, de femmes
et d’enfants de « la misère, phénomène abject
et déshumanisant ». Lors de ce sommet, les dirigeants sont
également convenus que l’on ne pouvait laisser aux seules forces
du marché le soin de gérer les bénéfices issus
de la mondialisation – croissance rapide et soutenue, meilleur niveau
de vie, emplois plus nombreux, retombées des progrès technologiques
– et qu’il fallait une action concertée aux niveaux national et
international. Il serait souhaitable de canaliser la mondialisation et
les forces du marché et de les mettre au service d’un développement
durable où l’homme occupe une place centrale. Les gouvernements,
les organisations internationales, les entités privées et
la société civile ont tous un rôle à jouer
dans un esprit de véritable coopération.
2.
On ne peut que se féliciter de l’occasion qui est donnée
au système des Nations Unies de consacrer un débat approfondi
à la question du financement du développement. Les années
90 ont été témoins de bouleversements considérables
dans le monde de la finance, qui ont eu une incidence notable sur le développement
partout dans le monde. La situation a évolué par bien des
aspects et certaines hypothèses ne méritent plus qu’on leur
accorde le même crédit. De nombreux pays ont certes bénéficié
de la nouvelle économie mondiale, notamment de l’accélération
de la croissance et de l’amélioration du niveau de vie, mais l’opinion
publique tend désormais à se focaliser sur les méfaits
de la mondialisation. La coopération internationale en faveur du
développement s’adapte bien trop tardivement aux nouvelles conditions.
Les différents acteurs de la communauté internationale se
sont fixé des objectifs communs : stimuler la croissance économique,
assurer l’insertion des laissés pour compte de la mondialisation
tout en multipliant les débouchés créés par
celleci et faciliter la lutte contre la pauvreté. Dans ce domaine
et dans d’autres encore, tels que l’assistance humanitaire en situation
d’urgence et la répartition des « biens collectifs mondiaux
», la disponibilité de moyens financiers dans les secteurs
public et privé revêt une importance cruciale.
3.
Le développement est tributaire de plusieurs facteurs. Plusieurs
conférences des Nations Unies ont permis de dégager un ensemble
de buts, d’objectifs et d’orientations sectorielles et de donner corps
à la volonté de renforcer les capacités de développement,
de promouvoir le transfert de technologie et de mobiliser des ressources
financières additionnelles en faveur du développement. L’ensemble
de ces éléments constitue un cadre de programmation concerté,
dont les grandes lignes ont été présentées
dans l’Agenda pour le développement adopté par l’Assemblée
générale en 1997 (résolution 51/240, annexe). Plus
récemment, les chefs d’État et de gouvernement qui participaient
au Sommet du Millénaire ont donné leur aval à un
ensemble d’objectifs clefs mûri lors des conférences des
Nations Unies consacrées au développement et à l’environnement
(voir la résolution 55/2 de l’Assemblée générale).
Largement inexploités, la créativité et le talent
des populations des pays en développement euxmêmes sont le
principal moteur du développement; en tirer parti passe par des
investissements dans les domaines de l’éducation, de l’infrastructure,
de la santé publique et d’autres services sociaux de base, et par
le développement de la production. La réunion de haut niveau
chargée d’examiner la question du financement du développement
n’a pas pour objet de remettre en question les objectifs et les modes
de développement, mais d’examiner les modalités de financement
envisageables.
4.
Les transferts entre les marchés financiers et les activités
de développement se font principalement par les mécanismes
d’épargne et d’investissement. On estime que les sommes épargnées
et investies en 2000 ont atteint 7,5 billions de dollars, et une bonne
partie de ces sommes ont transité par les marchés financiers
nationaux. Les transferts nets entre les pays ayant des ressources excédentaires
et les pays demandeurs ont représenté quelque 450 milliards
de dollars, les ÉtatsUnis ayant absorbé environ les trois
quarts de cette somme. Les transferts bruts transfrontières sont
cependant bien plus élevés. Par exemple, plus de 1,5 billion
de dollars se négocieraient tous les jours sur le marché
des changes.
5.
En 2000, quelque 23 % des investissements mondiaux sont allés aux
pays en développement, soit un montant de 1,7 billion de dollars.
Une petite partie de ces investissements provient habituellement d’apports
nets de l’étranger, que ce soit sous forme d’investissements publics
à des conditions de faveur, d’investissements privés ou
d’investissements aux conditions du marché. En 2000, on a cependant
assisté à un transfert net de ressources en provenance des
pays en développement, en partie parce que les investisseurs continuent
à se détourner des pays en crise et parce que les pays exportateurs
de pétrole empruntent moins. Dans les années 90, les investissements
privés n’ont de manière générale cessé
d’augmenter, bien qu’ils aient surtout bénéficié
à un petit groupe de pays en développement, tandis que l’aide
publique au développement stagnait jusqu’à une période
très récente. Par ailleurs, les pays en transition et les
pays en développement qui ont bénéficié d’investissements
privés importants ont été particulièrement
touchés par les crises de confiance et les inversions soudaines
des flux de capitaux. La crise du peso mexicain dans les années
19941995 et les crises financières qui ont frappé l’Asie,
l’Amérique latine et la Fédération de Russie en 1997
et 1998 témoignent de cet état de fait.
6.
La diminution de l’aide publique au développement pendant les années
90 a eu des conséquences particulièrement fâcheuses.
Elle est en effet intervenue à une époque où il aurait
fallu que l’aide augmente notablement parce que : a) au fil des grandes
conférences des Nations Unies, un cadre de programmation clair
se dégageait en faveur de la coopération pour le développement;
b) un nombre croissant de pays mettaient en chantier d’importantes réformes
économiques ainsi qu’une refonte du système politique; c)
la situation budgétaire des pays donateurs se redressait sensiblement
et l’inflation diminuait.
7.
La réunion de haut niveau chargée d’examiner la question
du financement du développement à l’échelon intergouvernemental
est un maillon de la chaîne mise en place pour donner suite aux
textes issus du Sommet du Millénaire, pendant lequel les dirigeants
mondiaux ont adopté un ensemble d’objectifs de développement
cruciaux et sont convenus de tout faire pour assurer le succès
de la réunion consacrée à la question du financement
du développement. Les dirigeants ont pris l’engagement de défendre
les principes d’égalité, de solidarité et de justice
sociale. Ils ont déclaré être convaincus que le principal
défi qu’ils devaient relever aujourd’hui était de faire
en sorte que la mondialisation devienne une force positive pour l’humanité
tout entière et ont reconnu que les pays en développement
et les pays en transition devaient surmonter des difficultés particulières
pour faire face à ce défi majeur. La mondialisation ne serait
donc profitable à tous, de façon équitable, que si
un effort important et soutenu était consenti pour bâtir
un avenir commun fondé sur la condition que nous partageons tous
en tant qu’êtres humains, dans toute sa diversité (voir la
résolution 55/2 de l’Assemblée générale, par.
5).
8.
Les investissements, tant par les montants qui y sont consacrés
que par les utilisations qui en sont faites, sont peutêtre le facteur
qui influe le plus sur le rythme et les conditions de la croissance économique.
Toute fluctuation risque de déstabiliser le processus de développement.
La part des investissements publics est cruciale si l’on veut atteindre
certains objectifs de développement autour desquels un consensus
s’est établi. Une politique publique visant à financer le
développement doit donc avant tout soutenir un développement
équitable et durable dans les pays en développement, atténuer
le risque de crises structurelles et mobiliser les ressources nécessaires
à la réalisation des objectifs de développement prioritaires.
9.
La capacité des pays en développement à investir
et à asseoir solidement la croissance dépend bien sûr
en grande partie de l’épargne intérieure et des flux de
capitaux, mais les capitaux étrangers sont un complément
indispensable. La part des capitaux privés dans les investissements
extérieurs ne cesse de grandir. Les pays à revenu intermédiaire
notamment doivent pouvoir compter sur des apports de capitaux privés
stables s’ils veulent éviter un essoufflement de la croissance
économique. Dans la mesure où les flux de capitaux privés
semblent voués à augmenter rapidement, il faudrait aider
les pays en développement et les pays en transition à attirer
les investisseurs privés étrangers et encourager un plus
grand nombre de pays à appliquer des politiques de nature à
rassurer les marchés financiers internationaux et à inciter
ces derniers à mettre leurs moyens financiers, administratifs et
techniques au service du développement.
10.
Du fait de la volatilité des économies, il importe d’adopter
des modes de planification budgétaire à moyen terme, qui
suivent de près les cycles d’expansion et de récession.
Les plans budgétaires à moyen terme sont l’un des instruments
qui permettent de réagir aux changements de tendances. Il faut
également garantir une plus grande sécurité financière
aux ménages et aux individus. Les agrégats macroéconomiques
ne rendent pas compte des difficultés que traversent les hommes,
les femmes et les enfants aux prises avec l’insécurité financière.
La réunion chargée d’examiner la question du financement
du développement semble tout indiquée pour que l’on étudie
de manière approfondie comment mettre les ménages à
l’abri de crises sur lesquelles ils n’ont aucun contrôle.
11.
Dans le cas des pays les moins avancés et des autres pays à
faible revenu, le financement extérieur se compose pour l’essentiel
de fonds publics, l’aide publique au développement représentant
pour nombre de pays la principale, voire l’unique source, d’investissements
étrangers. Les investisseurs privés décideront peutêtre
d’accentuer rapidement leur présence, mais dans l’intervalle, l’aide
publique au développement est encore cruciale dans nombre de pays
où la pauvreté frappe un pourcentage élevé
de la population. À une époque où l’économie
des pays industrialisés est florissante et où les pays en
développement ont entrepris des réformes politiques, il
semble possible non seulement d’augmenter notablement l’aide et de mieux
cibler l’assistance mais aussi de faire reculer la pauvreté et
d’accélérer le rythme de développement de manière
sensible. Le moment est venu pour les pays donateurs de s’attacher résolument
à redynamiser l’aide publique au développement en consacrant
0,7 % de leur produit national brut (PNB) à ce mécanisme,
comme ils en ont de nouveau pris l’engagement. Une campagne au niveau
mondial faciliterait la réalisation de cet objectif selon un calendrier
précis.
12.
Pour de nombreux pays en développement et pays en transition, le
fardeau de la dette entrave considérablement leur capacité
à lutter contre la pauvreté et leur action en faveur du
développement. Si l’allégement de la dette n’est qu’un instrument
d’assistance financière parmi tant d’autres, il importe de reconnaître
que dans certains cas l’endettement est tel que le développement
devient impossible, ce qui appelle une réponse urgente.
13.
À l’heure actuelle, les pays en développement et les pays
en transition doivent compter essentiellement sur leurs ressources intérieures.
En l’absence d’une politique de mobilisation judicieuse, il ne peut y
avoir ni croissance soutenue ni développement durable. Il convient
d’accorder toute l’attention voulue aux politiques nationales et aux stratégies
de mobilisation de ressources si l’on veut canaliser et employer les ressources
intérieures à bon escient. Par ailleurs, des politiques
avisées, allant dans le sens du développement, facilitent
grandement la mobilisation de ressources extérieures stables, lesquelles
peuvent alors servir à compléter les ressources intérieures,
l’objectif étant de parvenir à une plus grande efficacité
et à une croissance plus soutenue. Il convient en outre d’encourager
les transferts de technologie et de connaissances, l’assistance technique
et le renforcement des capacités.
14.
Par leurs politiques budgétaires, monétaires et commerciales
et leurs autres politiques macroéconomiques, les pays, notamment
les pays industrialisés, influencent à plus d’un titre les
perspectives de développement des autres pays. Les politiques commerciales
comptent parmi les facteurs dominants. La croissance rapide des marchés
mondiaux ouvre des débouchés aux produits des pays en développement
et des pays en transition, et l’on peut en attendre des effets très
largement supérieurs à ceux issus de l’assistance financière
directe, à condition que ces pays augmentent et diversifient leur
production. On devrait donner la priorité à une politique
cohérente et homogène jouant sur ces deux tableaux.
15.
L’importance des institutions internationales croît à mesure
que l’intégration économique progresse. Le mandat des institutions
existantes s’élargit et de nouvelles institutions et instances
voient le jour. Il serait souhaitable que les organisations internationales
adoptent des modes de gouvernance qui confortent les objectifs de financement
du développement. Il faut notamment veiller à ce que les
pays en développement et les pays en transition puissent faire
connaître leurs vues dans toute instance où se décident
les politiques qui influent sur les perspectives de développement.
16.
Comme l’on reconnu les dirigeants qui ont participé au Sommet du
Millénaire, cet effort doit produire des politiques et des mesures,
à l’échelon mondial, qui correspondent aux besoins des pays
en développement et des pays en transition et sont formulées
et appliquées avec leur participation effective. […] En conséquence,
ils ont décidé de créer – aux niveaux tant national
que mondial – un climat propice au développement et à l’élimination
de la pauvreté. La réalisation de ces objectifs suppose,
entre autres, une bonne gouvernance dans chaque pays. Elle suppose aussi
une bonne gouvernance sur le plan international et la transparence des
systèmes financier, monétaire et commercial (voir la résolution
55/2 de l’Assemblée générale, par. 5, 12 et 13).
17.
Le présent rapport a pour objectif de nourrir la réflexion
des participants à la réunion intergouvernementale. Il est
soustendu par le paragraphe 3 de la résolution 54/196, dans laquelle
l’Assemblée a décidé que la réunion intergouvernementale
de haut niveau qui aurait lieu en 2001 porterait sur les problèmes
nationaux, internationaux et systémiques relatifs au financement
du développement, abordés selon une approche intégrée
dans la perspective de la mondialisation et de l’interdépendance,
que, par là même, le développement serait également
étudié sous l’angle de ses aspects financiers, et que, dans
ce contexte général, la réunion devrait aussi porter
sur la mobilisation de ressources financières en vue de la mise
en oeuvre intégrale des résultats des grandes conférences
et réunions au sommet organisées par l’Organisation des
Nations Unies au cours des années 90 et de celle de l’Agenda pour
le développement, particulièrement en ce qui concerne l’élimination
de la pauvreté.
18.
Les points qui doivent être abordés dans le cadre de l’examen
de la question du financement du développement sont étroitement
imbriqués et se recoupent inévitablement. Il est donc indispensable
de garder à l’esprit les différentes interactions. Soucieux
d’examiner la question de manière exhaustive, le Comité
préparatoire a proposé, au titre de l’ordre du jour provisoire
qu’il a adopté dans sa décision 1/1 du 1er juin 20001, d’articuler
les débats autour de six thèmes; les chapitres Ier à
VI du présent rapport reprennent l’intitulé de ces thèmes.
Les recommandations devant être examinées par le Comité
préparatoire figurent en caractères gras dans des encadrés.
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