Bureau du Conseiller spécial pour la prévention du génocide

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L'action du Bureau

Analyse de situation

Le Bureau du Conseiller spécial pour la prévention du génocide recueille des informations chaque fois qu’il y a risque de génocide – au regard des huit considérations du cadre d’analyse ENPDF – mais également chaque fois qu’il y a un risque de crime de guerre, de nettoyage ethnique ou de crime contre l’humanité. Il se consacre à des questions délicates et le fait souvent avec discrétion. Néanmoins, les conseillers spéciaux peuvent être amenés à alerter l’opinion publique s’ils peuvent réduire ainsi le risque de génocide et de crimes connexes, ou servir la paix et la stabilité. Cela se traduit par la publication de déclarations ou par la tenue de séances d'informations, sur demande du Conseil de sécurité.

2011-2012 : Syrie

Entretien avec Adama Dieng, 5 avril 2013

Ayant appris que les forces de sécurité auraient commis des violations des droits de l’homme en mars 2011, le Bureau a commencé à suivre la répression violente qui s’abat dans ce pays sur les opposants qui manifestent. La population civile semble être la principale cible des attaques systématiques et généralisées dont se seraient rendues responsables la police, l’armée et autres forces de l’ordre. Dans les villes qui sont le théâtre de contestations, il y aurait eu des morts parmi les manifestants, mais également des arrestations massives, des mises en détention arbitraires, des disparitions et d’autres graves violations des droits de l’homme. Les informations disponibles donnent à penser aux Conseillers spéciaux que, par leur ampleur et leur gravité, ces violations sont susceptibles d’être qualifiées de crimes contre l’humanité.

Le 2 juin EN PDF et le 21 juillet EN PDF 2011, les Conseillers spéciaux se sont publiquement déclarés préoccupés par les informations persistantes selon lesquelles les forces de sécurité syriennes seraient responsables de violations systématiques et généralisées des droits de l’homme. Ils ont joint leurs voix à celle de la communauté internationale pour appeler à la fin des violences, réclamer l’ouverture d’une enquête indépendante sur les faits et demander au gouvernement de laisser l’aide humanitaire accéder aux régions dont il s’agit. Le 10 février 2012, Les Conseillers spéciaux se sont déclarés gravement préoccupés par les nouvelles faisant état de tensions croissantes entre les communautés religieuses en Syrie. Ils exhortent toutes les parties à prendre des mesures d’urgence pour faire en sorte que les droits de l’homme de toutes les personnes soient respectés et défendus, quelle que soit leur religion ou leur affiliation politique.

Edward Luck

Edward Luck sur la situation en Syrie, 13 février 2012 EN

Le 15 mars 2012 EN PDF, les Conseillers spéciaux Deng et Luck ont fait part de la profonde préoccupation que leur inspirent les attaques de plus en plus violentes perpétrées par le Gouvernement syrien contre sa population et l’aggravation des divisions sectaires. Le fait que la communauté internationale ne répond pas d’une voix unanime en vue de protéger la population syrienne a encouragé le Gouvernement à poursuivre dans cette voie. Réitérant leurs appels à mettre fin à la violence, les conseillers spéciaux ont engagé la communauté internationale à agir collectivement pour protéger la population qui risque de subir de nouvelles atrocités.

Dans une déclaration du 20 décembre 2012 EN, le Conseiller spécial Adama Dieng a mis en garde contre le risque croissant de violences confessionnelles en Syrie. Craignant que des groupes entiers de population payent pour les crimes commis par le Gouvernement syrien, le Conseiller spécial a averti que les Alaouites et autres minorités perçues comme associées au régime, à ses forces de sécurité, ses milices et ses alliés, risquaient d’être victimes de représailles à grande échelle. M. Dieng a exhorté toutes les parties à se conformer au droit international humanitaire et des droits de l’homme et à condamner les discours de haine susceptibles d’inciter à la violence contre tel ou tel groupe de population.

2011 : Jamahiriya arabe libyenne

Dans une déclaration du 22 février 2011, les Conseillers spéciaux ont dit s’inquiéter des informations selon lesquelles l’armée, les mercenaires et l’aviation auraient lancé des attaques systématiques contre la population civile en Jamahiriya arabe libyenne. Ils ont précisé que, si la nature et l’ampleur de ces attaques étaient confirmées, ces graves violations du droit international des droits de l’homme et du droit international humanitaire pourraient constituer des crimes contre l’humanité. Le Bureau a invoqué le principe de la responsabilité de protéger et rappelé que le Gouvernement libyen s’était engagé à protéger la population en prévenant le génocide, les crimes de guerre, le nettoyage ethnique et les crimes contre l’humanité, y compris l’incitation à les commettre.

Le Bureau continue de suivre attentivement l’affaire libyenne mais aussi l’action menée par la communauté internationale pour mettre en œuvre les résolutions 1970 et 1973 (2011) du Conseil de sécurité.

En octobre 2011, la Coalition internationale pour la responsabilité de protéger s’est entretenue avec M. Edward Luck sur la responsabilité de protéger et la situation en Jamahiriya arabe libyenne dans le cadre d’une rencontre informelle dont l’enregistrement vidéo peut être consulté en ligne (partie 1 EN et partie 2 EN).

2011-2012 : Soudan et Sud Soudan

Depuis que le Soudan du Sud a accédé à l’indépendance en juillet 2011, le Gouvernement du Soudan mène une campagne militaire dans les zones de transition qu’il pense alliées au nouvel État. Il a dissout l’administration civile d’Abyei et du Nil Bleu et placé les deux régions sous commandement militaire. Les combats opposant les Forces armées soudanaises (FAS) et l’Armée populaire de libération du Soudan-Nord (SPLA-N) dans les régions d’Abyei, du Kordofan méridional et du Nil Bleu ont provoqué la mort et le déplacement forcé de civils. Selon le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, l’armée soudanaise a délibérément pris pour cible la population civile du Kordofan méridional et du Nil Bleu, commettant des violations des droits de l’homme si graves qu’elles pourraient être qualifiées de crimes contre l’humanité et de nettoyage ethnique.

Abyei, Sudan

La ville de Abyei après les combats
(Photo ONU/Stuart Price)

La région d’Abyei reste particulièrement exposée aux violences, et c’est la stabilité du pays tout entier qui est en péril car, comme le prévoit l’Accord de paix global de 2005, un nouveau référendum doit permettre aux habitants d’Abyei de choisir de se rattacher soit au Soudan soit au Soudan du Sud. Les parties ne s’étant pas mises d’accord sur les modalités de cette consultation, le référendum n’a pas encore eu lieu. Le Bureau reste attentif au risque de représailles qui menace les Soudanais du Sud vivant dans le Nord, au conflit non résolu du Darfour et à l’avenir du Kordofan méridional et du Nil Bleu, où, l’Accord de paix global prévoit des consultations populaires.

En consultation étroite avec les partenaires des Nations Unies, le Bureau continue d’évaluer le risque de génocide, de crimes de guerre, de nettoyage ethnique et de crimes contre l’humanité au Soudan et de recommander certaines mesures de prévention.

Dans une déclaration du 16 mars 2011 PDF EN, le Conseiller spécial pour la prévention du génocide et le Conseiller spécial pour la responsabilité de protéger se sont inquiétés de la montée des tensions à Abyei et ont engagé les parties à donner sauf-conduit aux forces de maintien de la paix et au personnel de la Mission des Nations Unies au Soudan, pour que celle-ci accomplisse son mandat et pourvoir, notamment, à la sûreté des civils, des déplacés et autres groupes vulnérables.

Du 25 au 29 juillet 2011, quelque temps après l’accession à l’indépendance du Soudan du Sud, le Bureau a organisé des séminaires à Djouba à l’intention du personnel de l’ONU, des associations locales et des officiels du Soudan du Sud (membres de la Commission des droits de l’homme du Soudan du Sud, institutions judiciaires, Ministère de la justice), de représentants de l’Armée populaire de libération du Soudan. Le programme de formation du Bureau a pour vocation d’aider les États en situation de sortie de crise.

Le 7 septembre 2011PDF EN, les Conseillers spéciaux Francis Deng et Edward Luck ont rendu publique une déclaration sur la situation régnant dans le Kordofan méridional et le Nil Bleu. Ils ont rappelé au Gouvernement du Soudan qu’il avait la responsabilité de protéger ses habitants – quelles que soient leur appartenance ethnique, leur religion ou leur affiliation politique – du génocide, des crimes de guerre, du nettoyage ethnique et des crimes contre l’humanité; ils ont appelé à la cessation immédiate des violences.

2011 : Crise électorale en Côte d’Ivoire

Conférence de presse du 19 janvier 2011

Conférence de presse du 19 janvier 2011.

Une grave crise a éclaté à la suite du scrutin présidentiel du 28 novembre 2010 en raison du refus de l’ancien Président Laurent Gbagbo de transmettre le pouvoir à Alassane Ouattara, considéré par la communauté internationale comme le vainqueur des élections. En Côte d’Ivoire, l’affiliation politique est historiquement liée à l’identité ethnique, nationale et religieuse. L’ancien Président a fait appel aux troupes loyalistes, à des paramilitaires et à des mercenaires pour s’accrocher au pouvoir et attaquer les partisans supposés d’Alassane Ouattara. Si la violence est essentiellement restée de nature politique, on a signalé que des civils avaient été pris pour cible, en raison de leur appartenance ethnique ou religieuse ou de leur nationalité supposée, notamment par les forces et les fidèles de Gbagbo. Par leurs incitations à la violence, des dirigeants pro-Gbagbo ont joué un rôle marquant dans le conflit. Leurs agissements ont eu pour effet d’exacerber le risque d’atrocités. Laurent Gbagbo a été arrêté le 11 avril 2011, et le Président Alassane Ouattara a alors pris ses fonctions. Une enquête a été ouverte sur les violations des droits de l’homme commises pendant la crise (meurtres, viols, disparitions forcées, usage excessif de la force et incitation à la violence), en vue d’établir les faits et de déterminer les responsabilités. La Cour pénale internationale a également ouvert une enquête et engagera des poursuites contre ceux qui portent la plus grande responsabilité dans les crimes et les violations les plus graves qui ont été commis.

Les Conseillers spéciaux Francis Deng et Edward Luck ont à deux reprises (le 29 décembre 2010 PDF EN et le 19 janvier 2011 PDF EN) attiré l’attention sur les risques de génocide, de crimes de guerre, de nettoyage ethnique et de crimes contre l’humanité en Côte d’Ivoire, et rappelant à toutes les parties la responsabilité qui leur incombait de prévenir cette éventualité, y compris l’incitation à les commettre. Ils gardent la situation à l’examen, en concertation étroite avec les partenaires des Nations Unies.

2010 : Tension entre groupes en Guinée

En mars 2010, le Conseiller spécial Francis Deng s’est rendu en Afrique de l’Ouest. Il est passé en Guinée à l’invitation du Gouvernement de transition de ce pays. Les tensions interethniques montaient depuis la répression violente de la manifestation d’opposants organisée par le Forum des forces vives le 28 septembre 2009. Le Bureau du Conseiller spécial a cherché à déterminer dans quelle mesure ces tensions risquaient de mettre en danger la paix et la stabilité en Guinée et de provoquer des violences génocidaires, en particulier pendant et après les élections de 2010. Le Conseiller spécial a jugé que le risque de violences génocidaires était réel mais modéré. Ses conclusions PDF EN ont été rendues publiques en juin 2010.

Le Conseiller spécial s’est fondé sur les recherches de ses collaborateurs venus aussi à Conakry et en Guinée forestière. Des consultations ont été organisées avec les principaux interlocuteurs : chefs religieux, conseils des anciens (des quatre régions du pays), experts issus de la société civile, associations féminines, Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest et équipe de pays des Nations Unies. M. Deng a discuté de la situation avec le Gouvernement de transition, en particulier avec le Premier Ministre, Jean-Marie Doré, et plusieurs de ses ministres.

Le 3 novembre 2010, avant le second tour de l’élection présidentielle qui devait avoir lieu le 7 novembre, le Secrétaire général a mis en garde les dirigeants politiques contre toute exploitation politique des clivages ethniques, religieux ou autres, et réaffirmé que ceux qui attisaient les brandons de la violence ou provoquaient des atteintes aux droits de l’homme auraient à rendre des comptes. Il a également rappelé au Gouvernement de transition qu’il lui incombait d’assurer la sécurité des Guinéens, toutes ascendances religieuses et affiliations politiques confondues.

Le Bureau et les organismes des Nations Unies qui sont ses partenaires veillent ensemble à ce que le système des Nations Unies aide le Gouvernement à améliorer les relations entre groupes et la cohésion nationale.

2010 : Violences entre groupes au Kirghizistan

soldats et enfants dans un camion militaire

Des soldats kirghizes mettent à l'abri une famille dans une région sécurisée de Osh durant des affrontements violents entre Ouzbeks et Kirghizes en juin 2010. (Photo ONU/EPA)

En avril 2010, la destitution du Président Kourmanbek Bakiev a mis en évidence les tensions ethniques qui traversent le Kirghizistan, en particulier entre Kirghizes et Ouzbeks dans le sud du pays. Le 10 juin 2010, des violences ont éclaté dans le sud, provoquant des massacres, des destructions matérielles et des déplacements massifs. Dans une déclaration du 15 juin 2010 sur la situation dans le pays PDF EN, les Conseillers spéciaux Francis Deng et Edward Luck ont dit que les violences ayant poussé les Ouzbeks à fuir en masse le sud du pays pourraient être, par leur ampleur et leur caractère systématique, constitutives de nettoyage ethnique; ils ont appelé le Gouvernement intérimaire à respecter, avec l’aide de la communauté internationale, l’obligation qui lui était faite de protéger la population.

La situation reste préoccupante pour la population ouzbèke et les autres minorités du Kirghizistan, qui sont encore l’objet d’actes de discrimination, de tracasseries et de marginalisation. Tant que ses causes profondes n’auront pas disparu, le risque est grand que la violence ne reprenne. Le 27 et le 29 mars 2011, le Bureau a organisé au Kirghizistan un séminaire à l’intention des équipes de pays des Nations Unies et de la société civile d’Asie centrale. La formation portait sur le génocide et les aspects sociohistoriques de la violence de masse. Il s’agissait, à partir d’exemples historiques et contemporains, de présenter les mesures de prévention qui peuvent atténuer le risque de génocide en temps normal et lorsqu’une crise est imminente.

En février 2012, le Bureau a appuyé une formation en ligne grâce à laquelle les organisations de la société civile œuvrant au Kirghizistan ont appris à utiliser un système de cartographie sur Internet mis au point par la société Ushahidi, qui permet de localiser les incidents susceptibles de constituer des indicateurs précurseurs d’atrocités dans le pays. Cette formation avait pour objectif de doter ces organisations des moyens et des outils leur permettant de suivre les situations qui risquent de déboucher sur un génocide ou des crimes apparentés, d’améliorer la communication et l’échange d’information et d’avertir les acteurs concernés afin qu’ils puissent réagir promptement. En coopération avec ses partenaires régionaux et internationaux, le Bureau continue à aider le Gouvernement à assurer la sécurité de la population kirghize et à renforcer ses capacités d’alerte rapide et d’intervention.

2009 : Violences entre groupes au Sri Lanka

En janvier 2009, l’armée sri-lankaise a lancé une grande offensive contre les Tigres de libération de l’Eelam tamoul, qui s’est soldée par la défaite militaire des rebelles en mai 2009, et a mis fin à un conflit qui durait depuis 26 ans. L’opération aurait fait des milliers de morts parmi les civils, et les deux parties se seraient rendues coupables de violations du droit international des droits de l’homme et du droit international humanitaire. Le 15 mai 2009, dans une déclaration publique sur la question et dans une tribune libre publiée dans la press Lien externe EN, le Conseiller spécial a rappelé leurs obligations aux parties en les exhortant à les respecter.

Situation au Nord-Kivu (2008)

Des civls sur un chemin

Des habitants vaquent à leurs occupations quotidiennes, Nord Kivu, République démocratique du Congo, 23 juin 2008. Photo ONU

Après avoir appris que des violences sur fond d’oppositions ethniques auraient été perpétrées en République démocratique du Congo, le Bureau a décidé en janvier 2008 d’observer la situation et de s’informer auprès des organismes des Nations Unies, des organisations non gouvernementales et d’autres sources publiques ou privées. Constatant que la situation régnant dans plusieurs provinces relevait éventuellement de son mandat, le Conseiller spécial a décidé se rendre au Nord-Kivu pour y concentrer son action alors que la situation s’y dégradait de façon alarmante depuis octobre 2008. C’est dans cet esprit qu’entre le 22 novembre et le 5 décembre 2008, il a fait une tournée dans la région des Grands Lacs, qui l’a conduit en Ouganda, au Rwanda, au Burundi et en République démocratique du Congo.

Dans le rapport qu’il a adressé le 5 mars 2009 au Conseil de sécurité [S/2009/151] par l’intermédiaire du Secrétaire général, le Conseiller spécial a souligné comme d’autres avant lui que le conflit qui ravageait l’est de la République démocratique du Congo avait des causes essentiellement politiques et économiques et non identitaires. Néanmoins, le conflit s’étant accompagné d’une polarisation ethnique extrême et de l’exacerbation des haines interethniques, le risque était élevé à la fin de l’année 2008 que certaines ethnies ne soient prises pour cibles au Nord-Kivu. En particulier, plusieurs groupes ont parlé de « génocides », soit du passé ou soit en cours, y trouvant des raisons d’en prédire de nouveaux dans la région, en particulier contre les Tutsis, qui sont les principaux auteurs d’atrocités de masse aux yeux de la population. Les massacres à motivation ethnique commis par des groupes armés et l’hystérie génocidaire de la population civile sont probables, et seront dangereux par la gravité de leurs répercussions à l’échelle régionale.

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