*************************************************************************** The electronic version of this document has been prepared at the Fourth World Conference on Women by the United Nations Development Programme (UNDP) in collaboration with the United Nations Fourth World Conference on Women Secretariat. *************************************************************************** AS WRITTEN QUATRIÈME CONFÉRENCE MONDIALE SUR LES FEMMES Beijing, China - 4-15 Septembre 1995 DISCOURS DE LA REPRESENTANTE DE LA CONFERENCE DES NATIONS UNIS POUR LE COMMERCE ET LE DÉVELOPEMENT (CNUCED) MADAME CHAFIKA MESLEM Directrice de la Division de la Coopération économique entre pays en développement et des programmes spéciaux 1. L'honneur revient à votre grand pays d'accueillir la quatrième Conférence Mondiale sur les Femmes, chargée de faire le bilan de deux décennies de lutte pour l'égalité, le développement, et la paix. Ces trois objectifs ont été les catalyseurs d'une dynamique unique qui a permis aux femmes de sortir de l'anonymat, de l'indifférence et de poser le problème de la discrimination atavique dont elles sont encore victimes comme un problème mondial que les hommes et les femmes devaient ensemble résoudre. 2. Cette Conférence se tient en cette année qui fête le cinquantième anniversaire de l'Organisation des Nations Unies. Déjà à l'aune de sa naissance, des hommes ont rêvé qu'elle parviendrait à instituer une paix mondiale et durable dans laquelle tous les peuples, hommes et femmes, jouiraient de l'égalité des droits, du respect, de la justice, de la paix et du bien-être. 3. Ces mêmes utopies ont fait rêver aussi les femmes qui, en 1975 à Mexico, ont cru qu'en une décennie la discrimination serait éliminée. Depuis lors, Copenhague 1980, Nairobi 1985, ont renouvelé les mêmes espérances; mieux encore, les Stratégies Prospectives de Nairobi avaient fixé pour l'an 2000 l'égalité complète entre hommes et femmes. 4. Qu'en est-il aujourd'hui? Cette Conférence évaluera sans complaisance, j'en suis convaincue, les résultats de ces vingt années. En tant que représentante de la CNUCED, mais surtout en tant que femme qui a contribué modestement au niveau gouvernemental puis au sein de l'organisation des Nations Unies à oeuvrer pour la promotion de la femme, je voudrais joindre ma réflexion à la vôtre et croire que nos espérances ne seront pas vaines pour les deuxième et troisième générations qui nous succéderons. 5. L'égalité des droits est inscrite dans la Charte, mais, par la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination contre les femmes, ratifiée à ce jour par plus de 143 pays, ce principe a force de loi. Mais combien de ces pays qui l'ont ratifiée l'appliquent correctement et ont révisé leurs lois nationales pour être conformes aux dispositions de la Convention? Je ne dresserai pas la liste des inégalités persistantes, elle serait trop longue; je me contenterai d'illustrer mon propos par l'exemple des femmes dans les pays les moins avancés, dont les indicateurs sont particulièrement flagrants à cet égard. 6. Ces femmes continuent à n'avoir accès ni à une éducation suffisante ni à un minimum de santé. Soixante-cinq pour-cent de la population vit au- dessous du seuil de pauvreté et leur situation socio-économique est bien plus dramatique que celle des hommes. Au début de cette décennie le taux d'alphabétisation des femmes des pays les moins avancés n'atteignait que 36 pour-cent alors que celui des hommes s'élevait à 59 pour-cent. L écart s'élargit dès que l'on passe à des niveaux d éducation plus élevés. Ainsi le rapport femmes-hommes pour le taux de scolarisation est-il de 79 pour- cent, et il tombe pour l'éducation secondaire à 58 pour cent. Ces exemples illustrent amplement le décalage entre les hommes et les femmes, même dans la pauvreté. Autres indicateurs révélateurs: I espérance de vie des femmes dans les pays les moins avancés est de dix ans inférieure à celle des femmes des autres pays en développement et la mortalité maternelle y est deux fois plus élevée. Les indicateurs présentés dans le récent rapport sur le développement humain par le PNUD corroborent cet état de fait. 7. En matière de développement nous avons fait des progrès au moins dans la rhétorique. En effet le rôle des femmes comme acteurs clé du développement est reconnu. On est devenu conscient que les politiques et les programmes qui ne prennent pas ce rôle en compte sont voués à l'échec. On a également admis que les femmes doivent prendre part à l'élaboration des plans, programmes et stratégies de développement au niveau national et international. Cette démarche permet d'intégrer d'une façon cohérente les mesures pour établir l'égalité des sexes et de formuler des politiques qui prennent également en compte la conception des femmes dans la solution des problèmes de société. Cette approche implique d'autre part de détenir un pouvoir décisionnel, un pouvoir politique que les femmes n'ont pas encore acquis proportionnellement à leur nombre. 8. Les différentes dimensions du rôle des femmes ont été reconnues également, mais l'articulation entre leur rôle économique et politique et leur rôle social demeure au coeur des inégalités flagrantes avec les hommes, en termes de statut et de pouvoir. Les mesures pour y remédier demeurent très insuffisantes car elles n'entrent pas dans un plan global qui implique la refonte complète des politiques socio-économiques. 9. Au cours des cinq dernières années, des changements importants sont intervenus permettant aux forces du marché de prédominer, réduisant le rôle de l'Etat pourtant incontournable quand il s'agit d'élaborer et d'appliquer les politiques nécessaires qui répondent aux besoins et préoccupations des femmes. 10. Les effets inégaux de la globalisation et de la libéralisation sur les différentes sociétés requièrent une réflexion et un débat sur le concept même du développement. La question "femmes et développement" se pose en termes de "relations sociales de sexe" - c'est-à-dire entre hommes et femmes, ce que les anglo-saxons appellent "gender", expression difficile à traduire dans d'autres langues, qui a conduit à une distorsion du contenu de ce concept même. En prenant en ligne de compte ce concept, on ouvrira le vrai débat sur le type de développement économique et social poursuivi par les sociétés. 11. La fin de la bipolarisation a écarté le spectre d'une troisième conflagration mondiale mais n'a pas ramené la paix. Hélas, non! Les conflits régionaux se multiplient, générés non seulement par la misère, le sous développement, l'absence de démocratie, mais également par les extrémismes religieux qui nous font revivre la barbarie de l'époque de l'inquisition et, plus proche de nous, celle du nazisme. Les cohortes de femmes et d'enfants déplacés, chassés de leur maison, le regard hagard ou suppliant, les femmes violées et égorgées, sont les images quasi quotidiennes que les médias diffusent. 12. A l'approche du troisième millénaire, alors que nous avons cru à la Paix et avons tant espéré avec la fin de l'apartheid, nous constatons avec une profonde tristesse et une révolte contenue, que les grands principes d'égalité, de développement et de paix qui ont flotté au gré du vent cette année à Genève à l'occasion du Cinquantième anniversaire, ont été fort bien présentés mais n'ont en fait soutenu qu'un discours rhétorique ne reflétant pas la réalité. 13. Alors, que faire? Et quel rôle peut jouer la CNUCED? Cette Quatrième Conférence doit répondre à toutes ces attentes en proposant des mesures concrètes, pragmatiques, que les gouvernements, le système des Nations Unies dans son ensemble, les organisations nongouvernementales - en un mot toute la communauté internationale - devraient mettre en oeuvre. 14. La problématique des femmes doit cesser de demeurer un monologue entre femmes. Il est urgent et indispensable d'y associer les hommes. Un progrès de la condition des femmes n'est pas une détérioration de celle des hommes, c'est un progrès de toute l'humanité. Les femmes jouent un rôle déterminant non seulement dans l'éducation et la santé des enfants, mais également dans tous les autres domaines. Une responsabilité partagée entre hommes et femmes dans tous ces domaines s'impose pour essayer de construire un monde équilibré. La participation à toutes les décisions est cruciale et servira les intérêts de la société dans son ensemble et à tous les niveaux. 15. Un travail de recherche devra être poursuivi par les universitaires et les organisations internationales qui étudient la nature de nos économies, afin de comprendre les véritables conséquences des politiques socio-économiques sur les femmes et les hommes et de promouvoir les ajustements qui s'imposent au fur et à mesure. En effet, le passé a donné trop d'exemples de décisions prises avec les meilleures intentions du monde qui se sont révélées inefficaces ou pire, ont entraîné des effets pervers sur les résultats obtenus. Enfin, il faut oeuvrer ensemble pour accélérer le processus de changement, et il faut le faire notamment à travers des actions affirmatives visant à ce que la dignité, la liberté et le bien-être ne soient pas l'apanage de quelques privilégiés, mais de tous les membres de la société y compris les femmes. 16. La CNUCED a répondu à l'appel lancé aux organisations internationales d'insérer dans leur programme de travail la question des femmes dans le développement et d'y intégrer la notion de genre. La huitième Conférence de la CNUCED qui s'est tenue à Cartagène en 1992 a décidé dans ses nouvelles orientations "d'accorder une importance particulière à la mise en valeur des ressources humaines, en particulier pour ce qui est des femmes". Elle l'a fait plus spécifiquement dans les domaines que sont les pays les moins avancés, l’atténuation de la pauvreté, la science et la technologie, et la coopération économique entre les pays en développement. Depuis deux ans, elle a créé au sein de son secrétariat un point focal pour les femmes. 17. La CNUCED est chargée du contrôle, du suivi et de l'examen au niveau global du Programme d'Action pour les années 90 en faveur des pays les moins avancés, programme adopté par la Conférence de Paris en septembre 1990. L'un des cinq principaux objectifs sur lesquels le suivi au niveau global de ce programme doit être axé, est précisément la participation des femmes à la mise en oeuvre du programme. Les réalisations en vue d'atteindre cet objectif seront examinées lors de l'examen à mi-parcours de ce Programme au cours d'une réunion à haut niveau à New York à la fin de ce mois (de 26 septembre au 5 octobre 1995). Le projet de texte pour cette réunion comporte, en plus d'une évaluation des progrès réalisés, un certain nombre de recommandations. Ces dernières, concernant les femmes, se fondent sur les résultats des travaux (préparatoires) du groupe d'experts (préparatoire) sur les femmes dans le développement des PMA, qui s'est réuni à Niamey au Niger au début de cette année. 18. Les Ministres et experts qui participaient à la réunion de Niamey ont unanimement convenu d'attirer, par une Déclaration forte, l’attention de la communauté internationale sur la gravité des problèmes spécifiques aux femmes des pays les moins avancés et sur la nécessité d'adopter des mesures urgentes au niveau national et international, en vue de promouvoir leur participation à part entière dans le processus de développement, aussi bien en tant qu'agents du processus que bénéficiaires de ses résultats. Es ont fait de leur pleine participation une condition du développement durable dans ces pays. La Déclaration comporte vingt types d'actions prioritaires et pratiques adressées aux gouvernements concernés, aux ONGs et aux agences d'aide. Elle concernent des domaines aussi variés que l'éducation, la population et la santé, I 'agriculture, l’environnement, les petites et moyennes entreprises, la planification nationale, les droits de la femme, la violence contre les femmes, les femmes réfugiées, les réseaux et les modes de soutien international. Je souhaiterais que cette Conférence prenne note de la Déclaration de Niamey comme signe de l’attention qu'elle porte aux plus défavorisées d'entre les femmes et que, dans la mise en oeuvre de la Plate-forme de Pékin, un soutien particulier soit apporté à la mise en oeuvre des recommandations de la Déclaration de Niamey. 19. Dans son mandat relatif à l’allégement de la pauvreté, la CNUCED s'est orientée dernièrement sur le rôle que pouvaient jouer, dans ce domaine, les petites et micro-entreprises tournées vers l'exportation, ainsi que les producteurs de produits d'exportation agricole non traditionnels. Les recherches ont aussi porté sur la manière de rendre l'aide au développement plus efficace afin qu'elle puisse atteindre les populations les plus démunies. Etant donné que les femmes assurent une grande partie de la production agricole et fournissent la main d'oeuvre de base de nombres de petites entreprises exportatrices, elles sont évidemment au centre de la réflexion et des propositions. II ressort de ces analyses que leur statut serait amélioré et la production deviendrait plus compétitive si l'action concertée des gouvernements, des organisations nongouvernementales et de l'aide se centrait sur l'éducation, la santé, l’accès au crédit et aux autres services. 20. La CNUCED est aussi le secrétariat de la Commission des Nations Unies sur la Science et la Technologie au service du développement. Cette commission a récemment communiqué au Conseil économique et social des Nations Unies (ECOSOC) les conclusions du travail accompli au cours des deux dernières années. J ai le plaisir de signaler que l'ECOSOC a accepté toutes les recommandations de la Commission concernant les genres, la science et la technologie au service du développement, y compris celles qui préconisent, au sein du système des Nations Unies, une amélioration des interventions dans ces domaines. La commission formule également à l'adresse des gouvernements nationaux une recommandation proposant l adoption d une "Déclaration d'intention" en la matière. Cette déclaration énonce six principes d'équité au regard de la science, de la technologie et des genres. Dans le souci d'apporter une contribution utile à la Conférence de Beijing, la Commission des Nations Unies sur la Science et la Technologie au service du développement a retenu le thème de l égalité des genres pendant la période 1993-1995. 21. Dans tous ces domaines la CNUCED a des mandats très clairs émanant des organes intergouvernementaux tels que le Conseil du Commerce et du Développement, ses commissions permanentes et ses conférences internationales. Elle continuera donc à poursuivre ses efforts pour contribuer à l'amélioration du statut de la femme et à la promotion de son rôle dans le processus de développement, dans son ensemble, et plus particulièrement celui des pays les moins avancés et des populations les plus pauvres, à travers ses différents programmes. La CNUCED envisage d'examiner notamment dans le cadre d'études par pays, la participation des femmes dans le processus de décision dans les politiques concernant la science et la technologie ainsi que toutes les innovations qui en découlent. 22. D autres domaines existent dans lesquels la CNUCED pourrait aussi être appelée à mener des travaux. Il s agit de la production des produits de base et du commerce intérieur de certaines régions du monde, particulièrement en Afrique où les femmes jouent un rôle déterminant. II serait utile d'identifier le degré de leur participation dans ces domaines et d examiner dans quelle mesure ce rôle traditionnel pourra survivre dans le processus général de globalisation et de libéralisation. 23. J'ajouterai que dans ses projets d'assistance technique, la CNUCED s'efforce de plus en plus d'assurer un taux élevé de participation des femmes. Par exemple, dans le cadre du programme d’assistance technique au peuple Palestinien dont la CNUCED serait chargée, il est envisagé d'encourager la participation des femmes palestiniennes à tous les niveaux du commerce et des activités d’investissement. Madame le Président, 24. Mon exposé serait incomplet si je ne signalais pas les efforts non- négligeables mais insuffisants de la CNUCED pour augmenter la proportion des femmes dans les postes de responsabilité de son secrétariat. Aux cours de ces deux dernières années les statistiques se présentent comme suit: - au niveau D.1-D.2, nous comptons 33 hommes pour 3 femmes (9.1 pour- cent); - au niveau P.1-P.5, nous avons 224 hommes pour 50 femmes (18.2 pour- cent); et - à celui du personnel des services généraux, 196 dont 76 pour-cent de femmes. Plus que jamais la solution des problèmes de notre société, quelqu'en soit leur technicité, leur spécificité, requière l'adhésion et la participation de toutes les énergies, celles des femmes et celles des hommes, pour trouver des solutions aux problèmes porteurs de conflits, de violence, de misère morale et matérielle. 26. La Plate-forme de Pékin sera l'instrument du troisième millénaire pour réaliser l'égalité des chances entre hommes et femmes. Cet instrument doit être clair, accessible aux décideurs, mais aussi aux catégories sociales de tous niveaux pour mettre en oeuvre concrètement et avec la participation de tous, des politiques visant à la Paix, la justice et le bien-être.