*************************************************************************** The electronic version of this document has been prepared at the Fourth World Conference on Women by the United Nations Development Programme (UNDP) in collaboration with the United Nations Fourth World Conference on Women Secretariat. *************************************************************************** AS WRITTEN Quatrième Conférence mondiale pour les femmes Beijing, 4 -15 septembre 1995 Pour un nouvel ordre démocratique Je représente Choisir la Cause des femmes, ONG fondée en 1971 par S. de Beauvoir, un groupe de femmes célèbres, un prix Nobel de sciences et moi-même. Nos objectifs: droit pour les femmes de disposer de leur corps, égalité dans tous les domaines, professionnel, social et politique. Choisir qui a des sections correspondantes en Afrique, en Amérique latine et en Europe, participe également aux actions pour un développement égalitaire entre les hommes et las femmes, un nouvel équilibre entre pays riches et pays pauvres et enfin, pour la paix et le désarmement dans le monde. C'est dire si nous partageons totalement les objectifs de cette Conférence. * * Malgré des progrès certains et des acquis que l'on pensait irréversibles, une dynamique de remise en cause des droits des femmes - et même une régression - semble s'être dessinée lors des travaux préparatoires à l'élaboration de la plate-forme. Lorsque les historiens et les sociologues du 3ème millénaire, - c'est-à- dire demain -, en feront la lecture et l'exégèse, nul doute qu'ils s'interrogeront - s'indigneront ? - sur cette étrange logique, contradictoire et injuste. Pourquoi ces crochets, ces réserves, ces rejets éventuels donc, pour des libertés élémentaires et - enfin ! - consacrées des femmes ? Pourquoi, après cette impressionnante panoplie de conventions, proclamations, résolutions etc.. ratifiées par presque tous les états membres de l'Onu 1, l’universalité des droits pourrait-elle être encore déniée aux femmes, aujourd'hui en 1995 ? Après les promesses de Mexico, Copenhague, Nairobi, les femmes continuent, dans le monde rural en particulier, d'être les 2/3 des analphabètes et les 3/4 des pauvres dans le monde Où vont donc les crédits nationaux et internationaux, les aides des organisations mondiales - hélas - soumises à des coupes sévères - pour promouvoir l'éducation des deux sexes et lutter contre le déséquilibre des richesses entre eux ? La moitié de l'humanité - les femmes - serait-elle la laissée pour compte de ces accords discutés, marchandés et conclus entre les seuls hommes au pouvoir ? * * Je me permettrais d'insister seulement sur deux points: 1er point: Le droit des femmes de disposer d'elles-mêmes et de choisir leur maternité- donc éducation sexuelle, contraception, et, comme ultime recours, l’avortement - constitue un droit fondamental, la liberté élémentaire qui met fin à un esclavage millénaire, celui des grossesses accident et des avortements clandestins. Ce droit ne saurait être remis en cause. Le choix appartient à la femme car donner la vie est un acte de responsabilité et de lucidité. On ne procrée pas Par hasard, par erreur ou par oubli de son contraceptif. II faut barrer la route à la fatalité physiologique. On ne procrée pas, ou on n'avorte pas, par ordre des gouvernements. La femme n'est ni une bête de reproduction, ni un paramètre des courbes démographiques, manipulable selon que la courbe se fait ascendante ou descendante. L'intrusion, dans ce débat, de diktats religieux, qu'ils viennent d'Etats membres de l'Onu ou d"'Etats spécialisés" (j'insiste sur les guillemets) n’ayant à l'Onu qu'un statut d'observateur, doit être, par principe, rejetée. Que les règles de cette conférence attribuent à ces derniers des privilèges particuliers, ne leur confèrent pas pour autant compétence en la matière. D'où leur viendraient la connaissance, l’expérience, l’approche concrète de la vie des femmes et de leur sexualité ? La loi civile ne peut se confondre avec la loi religieuse. Si cela était, la démocratie même serait en danger. en sa liberté de pensée et de croyance. Celles qui croient au ciel, celles qui n'y croient pas, sont d'abord des citoyennes d'un monde où nul ne peut imposer sa foi ou son absence de foi à l'autre. Principe et pratique que combattent les intégrismes de toutes les religions, allant dans certains pays jusqu'à assassiner des femmes parce que femmes refusant leurs ordres. Je pense ici à nos soeurs algériennes et je veux leur dire notre admiration et notre affectueuse solidarité pour leur combat. 2ème point: Mon deuxième point se résume en une question: "Que représente la démocratie pour les femmes ?" Les problèmes évoqués - égalité, paix, développement, éducation, nucléaire, partage des richesses etc ... - sont, dans une démocratie, du ressort des parlements. Qui les évoque ? Qui en débat ? Qui décide de leurs solutions ? 90 % d'hommes et 10 % de femmes dans le monde. Ces femmes que l'on entend à peine, elles représentent pourtant la moitié de la population du monde, le 1/3 de la main d'oeuvre, tout en ne disposant que du 1/10e des revenus et du 1/100e des propriétés 2 Quand une moitié de l'humanité - les hommes - décide et que l'autre - les femmes - est contrainte d'acquiescer ou de se résigner, peut-on encore parler de démocratie ? II s'agit plutôt d'une caricature de démocratie et d'un système perverti. La démocratie implique que l'avenir du monde - bisexué - soit imaginé, projeté, construit par les deux sexes qui la composent à égalité. Ici. égalité égale parité. Ici, parité égale le même nombre de femmes que d'hommes à tous les niveaux de la décision politique. La démocratie paritaire - que Madame Codaccioni. Ministre de la Solidarité entre les générations en France. appelait de ses voeux à cette tribune. permettra une véritable refondation des idéaux démocratiques. Par le quantitatif égalitaire, les femmes y apporteront le changement qualitatif exigé par l'état du monde. L'universalité des droits a commis, ce dernier demi-siècle, quelques dérapages dans son chemin obligé vers l'égalité des sexes. Ce que Marx disait de la philosophie de Hegel, je l'appliquerais à l'universalité proclamée: elle marche sur la tête; il appartient aux femmes du monde entier de la remettre sur ses pieds.- Et dans le droit chemin - Si la moitié du ciel, la moitié de la terre, n’est pas aussi la moitié du pouvoir, qu’appelle-t-on alors égalité des sexes ? La question doit être posée. C'est à notre conférence d'y répondre. Gardons confiance. Gisèle Halimi Présidente de "Choisir la Cause des femmes" Beijing, le 13 septembre 1995 ___________ 1. 139 pays ont ratifie la Convention de l'’ONU contre la discrimination sexiste (1979). 2 BIT à l'occasion de Copenhague