ISO: HTI *************************************************************************** The electronic version of this document has been prepared at the Fourth World Conference on Women by the United Nations Development Programme (UNDP) in collaboration with the United Nations Fourth World Conference on Women Secretariat. *************************************************************************** AS WRITTEN HAITI DISCOURS de MADAME LISE-MARIE DEJEAN, MINISTRE A LA CONDITION FEMININE ET AUX DROITS DE LA FEMME, 12 Septembre 1995, QUATRIEME CONFERENCE MONDIALE SUR LES FEMMES, Beijing, Chine, 4 au 15 Septembre, 1995 Madame Chen Hua, Présidente de la Quatrième Conférence Mondiale sur les Femmes, Madame Gertrude Mongella, Secrétaire de la Quatrième Conférence Mondiale sur les Femmes, Distingués Membres des Délégations, Représentants et Représentantes des Organismes Inter-Gouvernementaux et des Organisations Non Gouvernementales, Je me fais l'interprète du Président de la République d'Haïti, Son Excellence Monsieur Jean-Bertrand Aristide, du Peuple Haïtien et plus spécialement des Femmes Haïtiennes pour vous saluer et vous tendre une main solidaire. La délégation haïtienne se réjouit de fouler le sol qui a vu naître, il y a 500.000 ans l'homo habilis, un des ancêtres de l’humanité, c'est à dire l’”homme de Pékin et la Femme de Pékin". Au nom de cette délégation et en mon nom propre, je vous présente mes vives félicitations pour votre élection à la présidence de cette assemblée. Je tiens à exprimer la gratitude de ma délégation au Gouvernement et au Peuple Chinois pour leur hospitalité et pour l'accueil chaleureux qu'ils nous ont témoigné depuis notre arrivée. Nous les remercions également pour le spectacle de haute qualité artistique dont il nous ont gratifié à l’ouverture de la Conférence. Je saisis l'occasion pour remercier tous ceux et celles qui, d'une manière ou d'une autre, ont contribué à inscrire cette nouvelle page dans l’histoire des Nations-Unies. Un hommage tout particulier doit être rendu à la Communauté Internationale pour son soutien au Peuple Haïtien et son action efficace pendant les trois dernières années, ce qui a abouti à cet hymne à la joie du 15 octobre 1994, date du retour à l'ordre constitutionnel et démocratique. Je tiens également à rendre hommage au Secrétaire Général des Nations- Unies, M. Boutros Boutros-Ghali, à son représentant, M. Ismat Kitani, à la Secrétaire Générale de la Quatrième Conférence Mondiale sur les Femmes, Mme Gertrude Mongella. C'est un insigne honneur pour moi, Première Ministre d'Haiti à la Condition Féminine et aux Droits de la Femme, de pouvoir m'adresser à l'auditoire de cette Quatrième Conférence Mondiale sur les Femmes, "Lutte pour l'Egalité, le Développement et la Paix. Pour nous autres Haïtiennes et Haïtiens, cette Quatrième Conférence est placée à un tournant historique de notre existence de peuple: onze mois après le retour au pays du premier président librement élu par le peuple, dix mois après la création de notre Ministère à la Condition Féminine et aux Droits de la Femme. En effet, la création de ce Ministère témoigne de la ferme volonté de mon Gouvernement de jeter les bases d'une société démocratique et de raffermir les principes d'égalité entre les genres. Pour mon Gouvernement, cette Quatrième Conférence Mondiale sur les Femmes représente une occasion favorable de veiller, de concert avec la Communauté Internationale, au renforcement des mécanismes et à l'application des instruments internationaux spécifiques devant garantir les droits des femmes tels que la Convention sur l'élimination de la Discrimination à l'Egard des Femmes (CEDAW). Madame la Présidente, nous sommes à la veille du 50ème Anniversaire de la création des Nations-Unies. Notre pays, Haïti, s'enorgueillit d'en être l'un des membres fondateurs. Cet anniversaire coïncide avec la célébration des 20 ans d'actions entreprises par la communauté internationale afin de garantir aux femmes la possibilité de jouir de leur qualité de citoyennes à part entière. Depuis 1975, Année Internationale de la Femme, le monde traverse une époque de bouleversement dont les effets se font sentir dans toutes les sphères de l'activité humaine. Des progrès ont été réalisés, nous sommes loin de l'équilibre social, politique et économique tant revendiqué par les Femmes. Voilà 20 ans que les Nations Unies se penchent sur la problématique des femmes confinées dans des emplois traditionnels dits féminins, dans l'inégalité de la rémunération, dans la précarité et l'inaccessibilité aux services de santé, spécialement ceux, spécialement ceux liés à la santé reproductive, alors que la principale cause de mortalité chez les femmes est liée à la reproduction. Malgré les conférences organlsées à Mexico en 1975, Copenhague en 1980, Nairobi en 1985 et les initiatives prises par la Communauté Internationale, la situation des femmes reste un sujet préoccupant... Les bilans de la dernière décennie sont éloquents: Dans le monde, les femmes forment: - 2/3 du milliard d'analphabètes; - 70% des 1.3 milliard de pauvres; - un demi million par année dont 30% d'adolescentes meurent de pathologies liées à la maternité; - elles gagnent en moyenne 30% à 40% de moins que les hommes, et ne bénéficient que de 10t des crédits bancaires. Dans le cas d'Haïti sur une population de 7.035.786, les femmes représentent 52.5t dont 25t ont entre 15 et 49 ans: - taux de croissance annuelle 2%; - taux de mortalité maternelle 4.6 pour 1.000 naissances vivantes; - taux de morbidité 61% des femmes en âge de procréer - analphabétisme touche environ 82% des femmes; - elles représentent 47% de la population active, la majorité d'entre elles dans le secteur informel; - 46% des familles monoparentales sont dirigées par des femmes; - sur le plan juridique, traditionnellement les législations ne concernent qu’une petite minorité de la population: Les peines dans le cas d'adultère sont beaucoup plus élevés pour les femmes que pour les hommes. L'avortement est interdit dans le code pénal, même en cas de viol. La législation haitienne ne reconnaît pas l'union libre, situation de l’écrasante majorité des haïtiennes. - Depuis les Stratégies de la Conférence de Naïrobi en 1985, les mesures de soutien économique aux commerçantes, aux paysannes, aux domestiques, soit 85k de la population active, n'ont pas été appliquées. La recommandation de créer une charpente sociale pour aider les femmes (production d'électricité, eau potable, logement, routes, etc...) est restée lettre morte. - Les pratiques sexistes limitent l'accès des femmes à l'éducation. La violence domestique et sexuelle touche la majorité des femmes indépendamment de leur origine et statut socio-économique. Les conflits armés, ou comme dans l'histoire récente de mon pays, la violence politique des régimes dictatoriaux, forcent nombre de femmes et d'enfants à la migration les contraignant aux vicissitudes de la vie de réfugiés. Si nous sommes ici à Beijing en 1995, c'est parce qu’il s'avère impérieux de déployer tous nos efforts pour libérer l'humanité affligée de toute sorte de discrimination, principalement la discrimination basée sur le genre. Madame la Présidente, mon Gouvernement est conscient de l'importance que revêt l'adoption de politiques appropriées et leur application dans tous les domaines. Ma délégation tient à signifier à la communauté internationale sa profonde préoccupation devant l'aggravations sans précédent de la pauvreté qui afflige mon pays. Les politiques économiques adoptées durant la dernière décennie ont renforcé la concentration du pouvoir chez certains groupes sociaux, et au niveau local, ont paralysé les mesures orientées vers l’égalité des genres. La restructaration des marchés au niveau planétaire et le rétrécissement des budgets alloués aux politiques sociales ont eu pour corollaires l'inaccessibilité des femmes à l’éducation, à la santé, au marché de l’emploi, donc la féminisation de la pauvreté. Dans des situations marquées par une grande inégalité dans la distribution du pouvoir et l'acces aux ressources, l'application des mesures d'ajustement structurel a exacerbé les distances sociales et la polarisation des secteurs socio- économiques. En conséquence, les femmes ont dû accélérer leur rythme de travail sans pour autant accroître leur revenu. I1 s'ensuit un affaiblissement du processus de démocratisation, cadre dans lequel se sont réalisés la plupart des acquis des Femmes de l'Amérique Latine et de la Caraïbe. Je tiens à souligner que n'était-ce la capacité d'initiative individuelle et communautaire des femmes puisant dans notre culture le sens de solidarité, le peuple haitien n'aurait pu survivre à la situation économique désastreuse renforcée par le régime de facto de ces trois dernières années. Donc, pour reprendre cette devise "Investir dans les Femmes est un élément clef pour un développement équitable et durable". En dépit de ces conditions de vie difficiles durant la dernière décennie, les femmes ont investi la place publique, à travers leur participation dans des organisations populaires, humanitaires, paysannes et des mouvements revendicatifs. Aujourd'hui, des milliers de femmes militent dans diverses organisations de la société civile et sont le moteur de bien des changements qui contribuent à l'avancement de l'humanité. I1 est donc primordial de favoriser une plus large participation des ONG dans les rencontres internationales. Au cours de la dernière décennie, certains progrès se sont opérés dans le champ du pouvoir, tant dans le secteur public que dans le secteur privé. Un certain nombre de femmes ont accédé au pouvoir politique, mais en terme global, cette participation reste encore minime. Mon Gouvernement est engagé dans la voie du développement d'actions positives pour réduire l'inégalité dans le partage du pouvoir. Un pas décisif a été l'attribution de six postes ministériels à des femmes et la création, au mois de novembre dernier, du Ministère à la Condition Féminine et aux Droits de la Femme. Nous sommes décidés à mettre en application, durant la prochaine décennie, des mesures permettant aux Femmes d'accéder aux sphères de prise de décisions en matière économique, politique et sociale. Actuellement, Haiti est engagé dans un processus démocratique et nous sommes impliqués dans la formulation d'une politique de développement global axée sur une perspective de genre. Cependant, à l'époque du nouvel ordre économique mondial, il est indispensable que la Communmauté Internationale se lance aussi dans une voie qui permette une distribution plus équitable des biens et canal i se des ressources appropriées pour la réalisation de notre but commun: le bien-être de l'humanité. En Haïti, pour la décennie à venir, le défi à relever est immense: 1. créer les conditions d'émergence d'un état de droit; 2. résorber un taux de chômage qui affecte 70k de la population; 3. faire disparaître le sous-emploi et la surexploitation des Femmes; 4. encadrer et revaloriser le secteur informel; 5. combattre l'appauvrissement généralisé des femmes, et mettre en cours des programmes orientés vers l'égalité des relations entre les genres, particulièrement dans le milieu rural; ó. prendre des mesures pour faciliter aux femmes l'accès à la propriété de la terre dont elles sont presque totalement exclues; 7. faciliter l'accès à l'éducation des enfants, particulièrement des fillettes 8. éliminer l'analphabétisme qui touche la majorité des femmes; 9. mettre sur pied des programmes visant à orienter les femmes dans des domaines non traditionnels en leur donnant accès à la formation professionelle, technique et scientifique; 10. enrayer la violence politique par la mise en place de structures adéquates au niveau légal, éducationnel; 11. mettre sur pied des mécanismes pour sanctionner et prévenir la violence faite aux femmes; 12. réintégrer les femmes réfugiées dans la vie familiale, sociale, politique et économique. Notre but est qu'au XXIème siècle, les femmes, toutes les femmes jouissent de leurs droits. Puisque la démocratie a comme pilier fondamental la participation des citoyennes et citoyens, il est indispensable de promouvoir des instances de communications pluralistes qui permettent aux femmes l'accès à des sources multiples d’informations diversifiées. De cette pratique dépend largement l'application de la liberté de pensée, base même de la démocratie. Madame la Présidente, à l'aube d'un nouveau siècle, l'information et la communication sont devenues une pièce maîtresse dans le réaménagement économique global. C'est pourquoi, dans un pays comme le nôtre, où la majorité des Femmes n’ont pas accès à l’éducation formelle, il est urgent d'initier un processus éducatif leur permettant l'accès à l'information. Sans l'accès à l'information, la participation des femmes à une véritable construction démocratique serait de peu de poids, car l'exercice de la démocratie suppose l’existence d'une société composée d’individus formés et informés, capables de proposer des solutions aux problèmes collectifs. Nous sommes disposées à motiver les médias dans l'élaboration de programmes éducatifs dénués de sexisme, où la créativité pourra remplacer positivement le recours aux stéréotypes (sexistes ou racistes) dénigrants pour les femmes. Voila pourquoi nous encourageons l'application d'une éthique internationale et nationale assurant l'équilibre et la non violence dans les programmations. Ma délégation se réjouit d'avoir apporté une contribution aux travaux qui ont conduit à un élargissement du concept du droit des femmes à la communication et à l'information, y compris le droit des femmes des pays pauvres à accéder aux nouvelles technologies. Naturellement, cela requiert des décisions fermes en ce qui a trait aux budgets alloués. Une vie exempte de violence d'aucun ordre, voilà ce que signifie la paix pour les femmes et les filles. Pour cela il est impérieux de mettre en place des mécanismes nationaux et des programmes internationaux orientés vers une culture libre de toutes formes de violence entre les genres: sans violence domestique, ni sexuelle, sans maternité involontaire. Cette culture libre de violence doit nécessairement envisager une répartition équitable de l'emploi, sans omettre les abus sur le marché du travail, la servitude des enfants en domesticité et des employées de maison, l'utilisation des femmes dans la pornographie, la prostitution obligatoire, le trafic des enfants et la commercialisation des femmes. Dans la Conférence Mondiale sur les Droits Humains, organisée à Vienne en 1993, il a été établi que les droits des Femmes et des Filles sont une partie inaliénable et indivisible des droits humains. Cela implique que les droits des Femmes devront être intégrés à toutes les activités de l’ensemble du système des Nations Unies. De là, l'importance de renforcer ou de créer des mécanismes qui facilitent l'application de ces droits acquis. Madame la Présidente, les stratégies adoptées à Nairobi en 1985, orientées vers la garantie du futur et de l'avancement des Femmes, visent l'avancement de 50t de la population mondiale. Il est donc nécessaire de formuler des politiques visant la mise en application des droits conquis par les Femmes tant au niveau national qu'international et l'établissement de mécanismes appropriés. Madame la Présidente, Honorables Délégué-e-s, des situations telles que celles que je viens de présenter ne peuvent pas se résoudre par la seule bonne volonté exprimée depuis 1975 par les Nations Unies. Elles exigent des actions d'urgence et j'insiste des ressources et des mécanismes appropriés, tant au niveau national qu’international. Pour mon Gouvernement, il est impensable d'entamer un nouveau siècle sans inciter la Communauté Internationale à se mobiliser, plus que jamais, pour déployer des actions collectives fondées sur une éthique imprégnée d'une perspective non sexiste, pour construire ensemble une culture d'égalité, élément indispensable à la création d'un monde stable, pacifique, libre de toutes formes de discrimination. Nous profitons de cette Quatrième Conférence Mondiale sur les Femmes pour partager avec vous notre volonté de contribuer à définir avec les Femmes, un nouveau paradigme de développement durable, et à initier le nouveau siècle avec un consensus qui aura pour prérequis l’égalité entre les genres. Merci de votre attention.