Les débuts officiels de l'Union africaine

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Les débuts officiels de l'Union africaine

Beaucoup espèrent que l'Union sera en phase avec la population africaine
Africa Renewal
Afrique Renouveau: 
Au lancement de l'UA, de gauche à droite : Thabo Mbeki (Afrique du Sud), Kofi Annan (ONU), Joaquim Chissano (Mozambique), Gnassingbé Eyadéma (Togo), Muammar Kadhafi (Libye). Photo : ©ONU / Eskinder Debebe
Photo : ©ONU / Eskinder Debebe
Au lancement de l'UA, de gauche à droite : Thabo Mbeki (Afrique du Sud), Kofi Annan (ONU), Joaquim Chissano (Mozambique), Gnassingbé Eyadéma (Togo), Muammar Kadhafi (Libye). Photo : ©ONU / Eskinder Debebe

Trente neuf ans après le lancement de l'Organisation de l'unité africaine (OUA) créée pour mettre fin au colonialisme et unir les peuples de l'Afrique, les dirigeants du continent ont inauguré en juillet dernier à Durban (Afrique du Sud) l'organisation qui lui succédera, l'Union africaine. Cette nouvelle organisation hérite de la dimension panafricaine de l'OUA mais est investie d'une mission de plus grande envergure, afin de répondre aux défis d'une mondialisation rapide. "Il est temps que l'Afrique occupe sur la scène internationale la place qui lui revient", a déclaré lors de l'inauguration le Président de l'Afrique du Sud, Thabo Mbeki. "Il est temps de mettre fin à la marginalisation de l'Afrique."


Au lancement de l'UA, de gauche à droite : Thabo Mbeki (Afrique du Sud), Kofi Annan (ONU), Joaquim Chissano (Mozambique), Gnassingbé Eyadéma (Togo), Muammar Kadhafi (Libye).

 

Photo : ©ONU / Eskinder Debebe


 

 

L'OUA a contribué à la décolonisation du continent, mais on lui a souvent reproché de ne pas s'être préoccupée de nombreux autres problèmes, comme la pauvreté croissante et la fragilité économique de l'Afrique. Pendant la plus grande partie des quarante dernières années, la plupart des gouvernements membres de l'OUA n'étaient pas élus démocratiquement.

De plus en plus nombreux sont ceux qui réclament une "Union africaine qui soit responsable devant le peuple de l'Afrique, et non pas uniquement devant les Etats d'Afrique", a déclaré Mme Lalla Ben Barka, Secrétaire générale adjointe de la Commission économique des Nations Unies pour l'Afrique, lors d'un colloque de la société civile organisé avant le lancement de l'UA. "Ils veulent une Union africaine énergique".

Vaste et complexe

Alors que l'OUA était en principe une organisation politique, l'UA fait de l'intégration économique la principale condition à l'unité politique. Elle réunit tous les anciens membres de l'OUA. (Le Maroc ne fait toujours pas partie de l'UA, car il s'est retiré de l'OUA en 1984 en signe de protestation contre l'entrée du Sahara occidental, ancienne colonie espagnole qui fait à ses yeux partie de son territoire.)

L'Union compte créer 17 organes constitutifs, dont quatre ont vu le jour à Durban : l'Assemblée, la Commission, le Conseil exécutif et le Comité des représentants permanents.

Le principal organe de décision, l'Assemblée des chefs d'Etat, se réunira tous les ans et le Président Mbeki en sera le premier président. Vient ensuite le Conseil exécutif, composé de Ministres des relations étrangères. La Commission, qui supervisera les affaires courantes de l'UA, comprendra 10 membres, dont 5 femmes, selon le règlement. Siégeant à Addis-Abeba (Ethiopie), elle sera présidée provisoirement par le Secrétaire général sortant de l'OUA, Amara Essy. Enfin, le Comité de représentants permanents se compose d'ambassadeurs et autres personnalités accréditées auprès de l'UA.

A Durban, les chefs d'Etat ont aussi décidé d'établir un Conseil de la paix et de la sécurité, composé de 15 nations. D'après la Charte constitutive de l'UA, l'organisation a le droit "d'intervenir [sur décision de l'Assemblée] en cas de crimes de guerre, de génocide et de crimes contre l'humanité". Faute de disposer de tels pouvoirs, l'OUA avait été sévèrement critiquée, surtout lors du génocide de 1994 au Rwanda. A terme, une force de réserve de maintien de la paix, composée de contingents d'armées africaines, sera créée et placée sous la supervision du Conseil de sécurité.

Un mécanisme d'évaluation interafricaine sera également établi, dans le cadre duquel les chefs d'Etat s'engagent à faire preuve de bonne gouvernance et de bonnes pratiques et à évaluer leurs performances mutuelles. Le mandat et la structure de ce mécanisme n'ont pas encore été précisément établis, mais les diplomates réunis à Durban ont indiqué que les membres seraient libres d'y participer ou non. Cependant, le projet inquiète certains, qui redoutent que les pays donateurs se servent de ce mécanisme pour surveiller les affaires intérieures des membres de l'UA.

Vers une participation plus diverse

A l'avenir, l'Union compte créer un Parlement panafricain dont au moins un cinquième des représentants devra être de sexe féminin. Contrairement à l'OUA, l'UA a fait de l'égalité entre les sexes l'un de ses principes. Cette obligation d'avoir au moins un cinquième de femmes parmi les parlementaires représente un progrès notable par rapport aux législatures nationales de beaucoup de pays africains. "L'Afrique est le seul continent à avoir pris un tel engagement, en ce qui concerne l'intégration des femmes au sein de ses institutions continentales", a constaté le Centre et le réseau de ressources des femmes du Zimbabwe.

L'UA prévoit d'établir à terme une Cour africaine de Justice. Mais un premier projet de Cour africaine des droits de l'homme et des peuples n'a été ratifié que par quelques nations. Les associations de la société civile de l'Afrique et d'autres continents estiment que tout dépendra de l'étendue des pouvoirs conférés à un nouveau système judiciaire panafricain.

L'UA "ne réussira que si elle remplace la culture d'impunité par une culture de responsabilité", explique le directeur pour l'Afrique de l'organisation américaine Human Rights Watch, M. Peter Takirambudde.

Le Conseil économique, social et culturel est un autre organe de l'UA qui pourrait, selon les associations de la société civile, contribuer à diversifier la participation. Ses membres devraient être issus des organisations sociales et économiques non gouvernementales des pays membres. Le Conseil sera un important organe de politique générale de la Communauté économique africaine, dont la création est l'un des objectifs à long terme de l'UA. Cependant, il reste encore à établir le Conseil. L'Assemblée en déterminera les fonctions, les pouvoirs et la composition.

"Il est regrettable que l'accent ait initialement été mis sur les pouvoirs exécutifs de l'Union", a déclaré à Durban le Secrétaire général du Mouvement panafricain, Tajudeen Abdul-Raheem. "Il s'agit maintenant de déterminer quelles institutions permettront aux Africains moyens de s'exprimer."