Il faut améliorer l'aide consentie

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Il faut améliorer l'aide consentie

Les donateurs doivent aussi rendre compte de leurs pratiques et politiques
Afrique Renouveau: 
Projet d'aide allemand en Tanzanie : Le Gouvernement tanzanien a pu amener les différents donateurs à mieux coordonner leurs activités. Photo: © Das Fotoarchiv / Hacky Hagemeyer
Photo: © Das Fotoarchiv / Hacky Hagemeyer
Projet d'aide allemand en Tanzanie : Le Gouvernement tanzanien a pu amener les différents donateurs à mieux coordonner leurs activités. Photo: © Das Fotoarchiv / Hacky Hagemeyer

Afin d'assurer une meilleure utilisation de l'aide limitée consentie à l'Afrique, les dirigeants du continent appellent les donateurs à conjuguer leurs efforts en vue d'améliorer la qualité et l'efficacité de l'aide qu'ils fournissent. Ils demandent aux partenaires de développement de l'Afrique d'accroître l'efficacité des structures d'aide, d'harmoniser leurs programmes avec les plans de développement de l'Afrique, d'améliorer la coordination entre les donateurs et d'intégrer les politiques d'aide à l'action dans les domaines tels que le commerce mondial et l'allégement de la dette.

Ces quarante dernières années, le débat que l'Afrique a eu avec la communauté internationale concernant l'aide économique a porté largement sur le montant de l'aide publique au développement (APD) et les conditions économiques, sociales et politiques à satisfaire pour l'obtenir. Cela est d'autant plus compréhensible que les conditions imposées par les donateurs ont souvent contraint les gouvernements bénéficiaires à réduire les budgets essentiels dans les domaines de la santé, de l'éducation et des infrastructures, et que le niveau actuel de l'APD à l'échelle mondiale, soit 57 milliards de dollars par an, est inférieur, en valeur réelle, à ce qu'il était il y a dix ans. Malgré l'augmentation de l'aide au développement ces dernières années, ce montant ne représente qu'environ la moitié de ce qui, selon les économistes, est nécessaire pour réaliser les objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), convenus sur le plan international.

On s'accorde à reconnaître que le manque de ressources à consacrer à des investissements dans les domaines de la santé, de l'éducation, du développement industriel et rural, des transports et des communications constitue le plus grave obstacle à la réalisation des OMD en Afrique et dans les autres régions pauvres. Or, le 30 octobre, le Secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, a déclaré à l'Assemblée générale qu'en 2002, les pays en développement ont transféré près de 200 milliards de dollars de plus vers les pays développés -- au titre du service de la dette, du paiement de bénéfices et d'autres opérations -- qu'ils n'en ont reçu. C'était la sixième année consécutive que les pays pauvres ont été des exportateurs nets de capitaux vers les régions riches et la sortie de capitaux la plus importante jamais réalisée. "Les fonds qui auraient pu permettre de promouvoir l'investissement et la croissance dans les pays en développement, de construire des écoles et des hôpitaux ou d'appuyer d'autres activités visant à réaliser les objectifs du Millénaire pour le développement," a-t-il déploré, "sont, au lieu de cela, transférés à l'extérieur."

 


Projet d'aide allemand en Tanzanie : Le Gouvernement tanzanien a pu amener les différents donateurs à mieux coordonner leurs activités.

 

Photo: © Das Fotoarchiv / Hacky Hagemeyer


 

En novembre 2002, des dirigeants africains ont, sous les auspices du NEPAD, exhorté les partenaires de l'Afrique à acheminer plus efficacement l'aide, harmoniser les programmes des donateurs avec les plans nationaux, améliorer la coordination entre donateurs, mieux intégrer l'APD aux politiques relatives au commerce mondial et à la réduction de la dette.

Les donateurs 'ne coopèrent pas'

C'est une entreprise ambitieuse, étant donné le déséquilibre évident des forces entre riches et pauvres et le fait que les considérations politiques intérieures guident souvent les décisions prises en matière d'aide dans les pays riches. Pendant la guerre froide, l'APD était souvent consentie pour obtenir des avantages commerciaux dans les pays bénéficiaires ou pour récompenser des allégeances idéologiques au détriment des objectifs de développement. Les pays donateurs et les organismes multilatéraux de prêt imposaient parfois des conditions incompatibles à l'octroi de prêts tandis que l'absence de coopération entre les donateurs bilatéraux entraînait souvent un chevauchement des projets dans le même secteur.

Selon un rapport sur l'efficacité du développement établi par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) en novembre 2003, quelque 40 donateurs ont exécuté 2 000 projets distincts en Tanzanie pendant les années 80. Il s'en est suivi une situation de chaos, qui a créé un surcroît de formalités administratives pour le gouvernement mais n'a guère conduit à un développement durable sur le terrain. Selon le Président de la Banque mondiale, James Wolfensohn, il s'agit d'un problème mondial. Prenant la parole en février 2003 lors d'une réunion des donateurs à Rome, il a fait observer que depuis 1992, plus de 400 000 projets de développement distincts étaient exécutés dans le monde et que 80 000 se poursuivaient. "C'est ridicule," a-t-il dit. "Nous ne coopérons pas. Nous ne coordonnons pas nos activités. Nous ne tirons pas parti des expériences des autres et, dans certains cas, nous ne tirons même pas d'enseignements de notre propre expérience." Pour que le monde réalise les OMD d'ici à 2015, a-t-il poursuivi, il est primordial d'améliorer la qualité de l'aide et d'établir des partenariats véritables entre pays développés et pays en développement.

En Tanzanie, le gouvernement a nommé, au milieu des années 90, une commission indépendante pour étudier les programmes d'APD et recommander des réformes. Ses conclusions ont permis de réduire le nombre de projets et d'accroître le montant des fonds de développement alloués par l'intermédiaire du budget national, ce qui a réduit les formalités administratives et rendu les ressources plus prévisibles et leur utilisation plus souple. En 2002, le gouvernement a publié la stratégie d'aide pour la Tanzanie, qui définissait clairement ses relations avec les donateurs et a conduit à la création d'un secrétariat mixte donateurs-gouvernement pour surveiller les programmes de développement et améliorer davantage la coordination des activités des donateurs et la responsabilisation réciproque.

L'expérience tanzanienne et les initiatives semblables en cours au Sénégal, en Ouganda, au Mozambique, au Ghana et dans d'autres pays indiquent que les pays bénéficiaires et les pays donateurs commencent à comprendre la situation pour ce qui est de la qualité de l'aide, a déclaré l'ancienne Ministre du développement des Pays-Bas, Mme Eveline Herfkens, à Afrique Relance. Pendant 15 ans, les budgets consacrés à l'aide dans les pays riches n'ont cessé de baisser, a-t-elle noté. "Aujourd'hui, les gouvernements se voient contraints d'accroître les engagements au titre de l'aide afin de réaliser les OMD, et ils se rendent compte qu'ils peuvent en avoir beaucoup plus pour leur argent" en améliorant l'efficacité de l'aide.

Mme Herfkens qui, en sa qualité de coordinatrice exécutive des Nations Unies pour la campagne en faveur des OMD, est chargée de mobiliser l'appui international aux OMD, a affirmé que la moitié des fonds alloués à l'APD est gaspillée en raison d'une 'fuite' de l'aide vers les pays à revenu intermédiaire, de projets conduits par les donateurs et exécutés sans tenir compte des stratégies de réduction de la pauvreté et de développement des pays en développement et du manque de capacités des pays bénéficiaires. Une plus grande responsabilisation de toutes les parties, dit-elle, "permettrait d'accroître davantage la valeur des montants actuels d'APD".

Par ailleurs, a ajouté Mme Herfkens, une amélioration de l'efficacité de l'aide permettrait d'accélérer les progrès vers la réalisation des OMD, notamment la réduction de moitié du nombre de personnes vivant dans la pauvreté absolue d'ici à 2015 (voir Afrique Relance, octobre 2003). L'appui des donateurs aux services sociaux, essentiel pour la réalisation des OMD, notamment dans les domaines de la santé et de l'éducation, s'est consolidé ces dernières années, quoique au détriment d'investissements en faveur des secteurs productifs et de l'assistance aux programmes, qui englobe l'appui à la balance des paiements et au budget (voir diagramme).

Responsabilisation réciproque et cohérence

Pour leur part, les gouvernements africains se sont efforcés d'institutionnaliser des examens conjoints des programmes de développement avec leurs partenaires et d'améliorer la coopération ou l'harmonisation entre les donateurs en vue de réduire le gaspillage, le double emploi et les dépenses administratives. Les organismes de développement tels que la CEA et la Banque mondiale ont également exhorté les gouvernements africains et les pays donateurs à coordonner davantage leurs politiques ou à les rendre plus cohérentes, à veiller à ce que les différentes activités de l'Etat, notamment en matière de santé, d'éducation, d'agriculture, de commerce, d'investissement, de défense et d'établissement du budget, renforcent les objectifs de développement. Dans un rapport d'activité présenté aux ministres africains des finances en juin 2003, la CEA a soutenu que seul un processus de responsabilisation réciproque pourrait garantir que les deux parties respectent leurs engagements et tirent le meilleur parti de l'APD.

Pour l'Afrique, le principal moyen d'améliorer l'efficacité de l'aide est le NEPAD, qui engage les gouvernements africains à :

-- promouvoir des politiques macroéconomiques judicieuses ;

-- combattre la corruption ;

-- respecter les droits de l'homme, la démocratie et la bonne gouvernance ;

-- réaliser les objectifs du Millénaire pour le développement dans le cadre des stratégies nationales de développement ;

-- améliorer le cadre national des affaires en vue d'attirer les investissements privés.

C'est pour assurer le suivi de ces engagements qu'a été créé le Mécanisme d'évaluation intraafricaine du NEPAD (voir Afrique Relance, février 2003), dans le cadre duquel les pays africains doivent évaluer les progrès entrepris en matière de gouvernance. A ce jour, 16 gouvernements ont accepté d'y participer.

Les engagements pris par les donateurs au Sommet du Millénaire en 2000 et à la Conférence internationale de Monterrey (Mexique) sur le financement du développement en 2002 sont les suivants :

-- accroître le montant de l'APD allouée à la réalisation des OMD ;

-- mieux harmoniser les priorités des donateurs avec les stratégies nationales de développement ;

-- réduire les doubles emplois et les critères de suivi ;

-- faire en sorte que l'aide soit plus prévisible et décaissée en temps voulu ;

o renforcer la maîtrise du processus de développement par les pays bénéficiaires en développant les capacités techniques des pays en développement, en réduisant le nombre de consultants expatriés et en cessant d'imposer aux pays bénéficiaires qu'ils achètent les biens et services liés aux projets dans les pays donateurs, réforme consistant à 'délier' l'aide.

Les résultats des donateurs sont actuellement évalués par d'autres gouvernements donateurs, dans le cadre du Comité d'aide au développement de l'OCDE (voir encadré). Toutefois, peu de possibilités sont offertes aux pays développés et aux pays en développement d'entreprendre des évaluations communes de programmes d'aide, et les gouvernements africains ont encore moins de moyens de rendre leurs partenaires comptables de leurs engagements.

C'est particulièrement le cas de la cohérence des politiques, domaine où la CEA estime que les gouvernements africains et leurs partenaires ont des lacunes. Une augmentation des dépenses militaires par exemple rend impossible, pour un gouvernement africain, tout accroissement du budget alloué aux programmes de santé et d'éducation indispensables à la réalisation des OMD.


Le Président français, Jacques Chirac, au Mali, avec le Président Ahmadou Toumani Touré (en boubou blanc) : La France a fait de l'aide à l'Afrique une de ses premières priorités.

 

Photo: © Getty Images / AFP / Patrick Kovarik


 

La démocratisation en Afrique, ainsi qu'une meilleure gestion économique et une plus grande transparence budgétaire, a permis de rendre plus cohérentes les politiques dans de nombreux pays africains ces dernières années. La CEA estime que les politiques sont moins cohérentes dans les pays développés car ceux-ci continuent de mettre en oeuvre des politiques et objectifs antagoniques. Les subventions agricoles accordées par les Etats-Unis, les pays d'Europe et le Japon, par exemple, ont eu un effet dévastateur sur les économies des pays africains auxquels ils apportent une assistance en matière de développement rural. Selon le rapport sur le développement du PNUD, le coût des subventions agricoles pour les pays en développement, en termes de part de marchés perdue et de baisse des prix mondiaux, se situe entre 125 milliards et 310 milliards de dollars par an, soit beaucoup plus que le montant qu'ils reçoivent au titre de l'APD. De même, les tarifs douaniers élevés imposés aux produits transformés et manufacturés provenant d'Afrique sont courants dans les pays industrialisés, même si les tarifs douaniers découragent l'investissement privé, la création d'emplois et la diversification de l'économie.

Les gouvernements africains ont aussi demandé que le Fonds monétaire international et les autres institutions économiques multilatérales appuient davantage leurs priorités de développement et les OMD. Or, malgré des améliorations dans certains domaines, "on n'a pas vu en pratique un cadre macroéconomique qui soit réellement axé sur la réduction de la pauvreté", a déclaré à Afrique Relance Jan Vandemoortele, économiste au PNUD. "Très souvent, les programmes de réduction de la pauvreté ... doivent être conçus, ajustés et réaménagés pour pouvoir être insérés dans un cadre macroéconomique préalablement défini avant même que le mot 'pauvreté' ne soit mentionné."

De l'ajustement au partenariat

Néanmoins, l'évolution des modèles de développement, qui sont passés des mesures rigides d'austérité et de libéralisation des marchés dans les années 80 et 90 au discours actuel portant sur le partenariat et la propriété, ont conforté l'Afrique dans sa position et son désir d'avoir une plus grande voix au chapitre dans le débat sur l'aide. Le NEPAD a aussi contraint les donateurs à établir des partenariats plus équitables.

Les progrès ont été les plus appréciables en ce qui concerne l'harmonisation et la coordination des programmes des donateurs au niveau national et la mise en place de mécanismes d'évaluation conjointe et de responsabilisation réciproque. Dans une déclaration faite à la fin de la réunion de Rome en février, les 76 pays et organismes d'aide qui y ont participé ont reconnu que "le grand nombre de critères et de procédures suivis par les donateurs pour la préparation, la fourniture et le suivi de l'aide au développement engendrent des coûts de transaction non productifs pour les pays partenaires et mettent à rude épreuve leurs capacités". Les participants ont également reconnu que les pratiques des donateurs vont souvent à l'encontre des priorités nationales de développement des bénéficiaires. "Pour résoudre ces questions, il nous faut d'urgence adopter des mesures coordonnées et soutenues pour accroître notre efficacité sur le terrain." Une équipe spéciale de l'OCDE a été créée en vue d'oeuvrer avec la CEA à l'élaboration de recommandations visant à améliorer la coordination entre les donateurs au niveau des pays ; une réunion de suivi est prévue en 2005.

On s'attache également à mettre en place des mécanismes d'examen conjoint. Des consultations entre des experts techniques de la CEA et de l'OCDE ont permis de parvenir à un accord de principe pour des examens conjoints tous les deux ans. Une nouvelle entité de l'OCDE, le Groupe de travail sur l'efficacité de l'aide et les pratiques des donateurs, donnera l'occasion aux pays en développement de participer directement à ce processus.

Dans l'intervalle, les groupes techniques s'efforceront de parvenir à un accord sur les questions en suspens, notamment concilier les examens bilatéraux entrepris par les donateurs et les bénéficiaires avec le processus d'examen par des pairs du NEPAD, assurer la maîtrise du développement par les pays africains dans le cadre de partenariats internationaux plus solides et faire en sorte que les organismes multilatéraux indépendants tels que l'Organisation mondiale du commerce (OMC) rendent davantage de comptes et fassent preuve de plus de cohérence. Les recommandations finales sur le mécanisme d'examen mutuel devraient être soumises au Comité de mise en oeuvre du NEPAD et à l'OCDE au début de 2004.

Intérêts nationaux contre cohérence

L'échec de la réunion de l'OMC à Cancun suite à l'exigence des pays en développement de voir les pays du Nord mettre fin aux subventions agricoles, accroître l'accès à leurs marchés et procéder à une réforme des autres politiques commerciales inéquitables (voir Afrique Relance, octobre 2003), atteste la difficulté d'harmoniser les politiques commerciales et financières mondiales avec les initiatives nationales d'aide et de développement. Si on s'accorde généralement à reconnaître que les subventions et les barrières tarifaires contribuent considérablement à la pauvreté dans les pays en développement, nombreux sont les gouvernements des pays du Nord qui craignent les conséquences politiques que leur élimination aurait dans leur pays.

Le résultat, selon Mme Herfkens, est qu'"on devra attendre pour se pencher sérieusement sur les questions des subventions et de l'accès aux marchés". C'est, dit-elle, "très mauvais pour les pauvres et en particulier pour l'Afrique". La plupart des pauvres, fait-elle remarquer, "vivent en milieu rural et dépendent de l'agriculture ou des activités connexes... La distorsion continue des marchés par les subventions ne peut que détruire les moyens de subsistance en milieu rural en Afrique". Le fait que les pays les plus riches ne soient pas disposés à éliminer les barrières commerciales et les subventions, poursuit-elle, influe sur d'autres aspects du développement et réduit davantage les chances pour les pays les moins développés de réaliser les OMD. "La question de la viabilité de la dette est liée aux recettes d'exportation, qui sont à leur tour liées à l'accès aux marchés; on s'achemine donc vers un cercle vicieux."

Prenant la parole devant des parlementaires européens à Paris au début d'octobre, Mme Herfkens a évoqué sa propre carrière au parlement et en qualité de Ministre du développement, indiquant que les discussions sur l'augmentation et l'amélioration de l'aide ont commencé il y a près de 20 ans, "pourtant nous continuons de débattre du même sujet aujourd'hui", sans adopter de réforme.

Les parlementaires, soutient Mme Herfkens, ont un rôle essentiel à jouer pour ce qui est d'améliorer la qualité et la quantité de l'aide au développement, en mettant fin aux subventions et aux tarifs douaniers qui perturbent le commerce et en insistant pour que l'APD soit fournie de manière plus efficace et plus judicieuse. Bien que chaque Etat membre de l'Union européenne ait promis d'allouer au moins 0,39 % de son PNB à l'aide au développement d'ici à 2006 -- décision qui devrait permettre de dégager un montant supplémentaire de 20 milliards de dollars d'APD par an -- seulement 8 des 15 gouvernements de l'Union européenne ont fixé un délai pour les objectifs convenus à l'échelle internationale (consacrer 0,7 % du PNB à l'APD).

En attendant, une amélioration de la qualité de l'aide, a-t-elle ajouté, "pourrait avoir un double effet sur le niveau actuel des dépenses. Le simple fait de délier l'aide, fait-elle remarquer, entraînerait une augmentation de 30 % de la valeur actuelle de l'APD. La normalisation et la simplification des procédures administratives, l'acheminement d'une part accrue de l'aide par le biais du budget national des pays en développement et le fait de prendre des engagements sur plusieurs années pourraient permettre aux pays africains de mieux maîtriser leur développement. "Nous devons... arrêter de créer nous-mêmes des problèmes de capacités d'absorption ... que certains donateurs en viennent à invoquer comme raison pour ne pas accroître l'aide."

'2015, pas d'excuses'

En tant que coordinatrice de la Campagne sur les OMD, Mme Herfkens dit avoir pour fonction de "rendre les gouvernements responsables de leurs actes. Nous allons collaborer étroitement avec la société civile et les parlements pour amener les gouvernements à rendre compte à leur peuple des engagements qu'ils ont pris." Les gouvernements africains, affirme-t-elle, se sont engagés clairement en faveur des OMD. Il est temps que ces gouvernements et leurs partenaires pour le développement s'acquittent de leurs obligations. "La campagne est intitulée '2015, pas d'excuses'."

L'enjeu est certes de veiller à ce que les gouvernements tiennent leurs promesses en ce qui concerne les OMD, mais Mme Herfkens n'entend pas se rendre dans un pays pour faire la leçon aux hauts responsables quant aux obligations qui leur incombent. Son objectif est de donner aux citoyens des pays en développement comme à ceux des pays développés les moyens d'amener leurs gouvernements à rendre compte de l'efficacité des programmes d'aide. Les perspectives économiques de l'Afrique, dit-elle, ont été gravement compromises par des politiques qui rendent les gouvernements africains plus responsables devant leurs donateurs que devant leurs propres citoyens. "Nous devons y remédier. Les gouvernements doivent rendre compte à leur peuple." En mobilisant la société civile, les mouvements de justice sociale et les parlementaires, et en établissant des liens entre les campagnes locales et les efforts entrepris à l'échelle mondiale en faveur des OMD, on crée un mouvement en faveur du développement à long terme. "On sauve ainsi des vies humaines en cas de succès."

 

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Efficacité de la dette : 
Comment les autres donateurs évaluent les Etats-Unis

 

Les Etats-Unis ont la particularité d'être à la fois le pays qui fournit la plus grande contribution en matière d'aide publique au développement, selon le montant en dollars, mais aussi la plus faible, lorsque l'aide est exprimée en pourcentage du revenu national (voir diagramme). Les politiques d'aide américaines ont été examinées par le Comité d'aide au développement de l'OCDE en 2002. Il ressort de cette évaluation que "les Etats-Unis font beaucoup pour promouvoir la croissance économique et réduire la pauvreté dans les pays en développement" en raison de leur influence économique et politique.

L'étude indique cependant que la capacité du Gouvernement américain d'établir des partenariats solides et d'améliorer la coordination avec les autres donateurs est entravée par le grand nombre d'institutions publiques chargées de fournir l'aide publique au développement. Les programmes antagoniques et l'absence d'un idéal stratégique commun, soutiennent les auteurs de l'étude, peuvent obliger les Etats-Unis à prendre les décisions en matière de développement de façon ponctuelle. Ils demandent que l'Agency for International Development des Etats-Unis (USAID), qui ne contrôle actuellement qu'environ la moitié du budget que Washington consacre à l'aide, exerce une plus grande autorité en matière de décaissements de l'APD.

La pratique du Congrès consistant à réserver l'aide à des pays donnés et la législation exigeant que la plus grande partie de l'aide publique au développement fournie par les Etats-Unis soit liée à l'achat de biens et services américains limitent davantage l'efficacité des programmes d'aide de Washington. Cette pratique, selon les auteurs de l'étude, peut parfois constituer un obstacle au renforcement de la coopération avec les donateurs et les bénéficiaires, et détourner l'aide des pays qui en ont le plus besoin.

L'incapacité d'intégrer l'aide, le commerce, la défense et les autres aspects de la politique étrangère des Etats-Unis dans une approche cohérente à l'égard des pays en développement a réduit l'efficacité de l'aide, indique l'étude. Il est recommandé que l'USAID assume davantage de responsabilités pour ce qui est de rendre les politiques plus cohérentes et l'aide fournie plus efficace. Les auteurs ont engagé les Etats-Unis à délier une part plus importante de leur aide et à envisager des moyens de mieux harmoniser les priorités en matière d'APD avec les stratégies de réduction de la pauvreté et de développement des bénéficiaires. Ils ont également demandé à Washington d'oeuvrer avec les autres pays de l'OCDE en vue de réduire et de normaliser les critères d'établissement de rapports sur les projets. Enfin, le groupe de réflexion de l'OCDE a recommandé que les restrictions juridiques au plaidoyer de l'USAID en faveur de programmes d'APD soient assouplies afin de renforcer l'appui du public et du parlement aux activités de développement des Etats-Unis.

Les évaluations par les pairs de l'OCDE, fait observer Mme Eveline Herfkens, coordinatrice de la campagne sur les objectifs du Millénaire pour le développement adoptés par l'ONU, et ancienne Ministre néerlandaise du développement, "sont des rapports intéressants, sérieux et approfondis". Malheureusement, dit-elle, "rares sont les décideurs et les militants qui sont au courant de ces rapports". On peut consulter ces examens sur le site Web de l'OCDE, à l'adresse suivante : http://www.oecd.org/infobycountry/0,2646,en_2649_34603_1_1_1_1_37413,00....