L'Afrique salue les nouvelles initiatives commerciales du Japon

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L'Afrique salue les nouvelles initiatives commerciales du Japon

La Déclaration de Nairobi de la TICAD VI vise à renforcer les liens économiques
Kingsley Ighobor
Afrique Renouveau: 
Japan's Prime Minister Shinzo Abe flanked by African leaders at TICAD-VI. Photo credit: Rwandan Presidency
Photo credit: Rwandan Presidency
Le premier ministre japonais Shinzo Abe accompagné des dirigeants africains à la conférence TICAD-VI . Photo: Présidence rwandaise

Les dirigeants africains ayant participé à la sixième conférence internationale de Tokyo sur le développement de l'Afrique (TICAD VI), en août dernier à Nairobi au Kenya, attendent de mettre à l'épreuve l'engagement japonais en matière d'investissement et de développement.

Ces dirigeants, ainsi que des représentants d'entreprises et de la société civile, s'y sont attelés à trouver les moyens de transformer les économies africaines et d'améliorer la stabilité politique.

Le premier ministre japonais, Shinzo Abe, qui co-présidait la TICAD VI avec le président kenyan, Uhuru Kenyatta, était accompagné des dirigeants de plus de 70 entreprises japonaises. Etaient également présents, les présidents Jacob Zuma d'Afrique du Sud, Muhammadu Buhari du Nigéria, Macky Sall du Sénégal, Ellen Johnson-Sirleaf du Libéria et Filipe Nyusi du Mozambique.

Le Centre international de conférences Kenyatta a accueilli quelque 18 000 participants, dont 300 dirigeants d'entreprises, 1 700 représentants d'entreprises du Japon et 2 000 d'Afrique. 

Donner le ton

Pour la première fois depuis son lancement en 1993, la TICAD, organisée par le gouvernement japonais, le Bureau du Conseiller spécial pour l'Afrique, le Programme des Nations Unies pour le Développement, l'Union Africaine (UA) et la Banque Mondiale, se tenait en Afrique. Pour répondre aux pressions des participants africains, les réunions auront lieu non plus tous les cinq ans mais tous les trois ans, alternativement au Japon et en Afrique.

La TICAD VI a permis de délibérer sur le développement socio-économique de l'Afrique, en utilisant les critères des Objectifs de développement durable et l'Agenda 2063, un ensemble d'aspirations adoptées par les dirigeants africains.

Le premier ministre Abe a donné le ton dans son allocution d'ouverture : « L'Afrique est maintenant debout et opérationnelle, visant des objectifs de long terme, aspirant à être un certain type de continent avec certains types de pays en 2063. »

En plus de l'agriculture et du développement des infrastructures, les participants ont déclaré que l'amélioration des échanges commerciaux pourrait stimuler l'industrialisation de l'Afrique. La présence de 77 entreprises japonaises de différentes tailles indiquait une tentative de connexion à différents niveaux de commerce et d'investissement. 

Amitié et commerce

L'évènement de deux jours aura été une grande messe et une foire aux idées. Les entreprises ont installé des tentes pour promouvoir des produits et services tandis que les dirigeants politiques et les chefs d'entreprise vantaient l'attractivité économique de leur pays. Mais c'est l'annonce du Japon à mobiliser 30 milliards de dollars pour les infrastructures, le système de santé et la sécurité en Afrique, qui a fait la une. 

Le Japon a également offert de former ou « autonomiser » jusqu'à 10 millions d'Africains au cours des trois prochaines années, dont 1 500 experts dans le cadre de l'African Business Education Initiative for Youth (Initiative ABE) et 30 000 ingénieurs supplémentaires d'ici 2018 pour soutenir « les fondations de l'industrie », a déclaré M. Abe. 

Trois domaines prioritaires ont été retenus: la diversification économique et l'industrialisation, avec des investissements dans les routes, les ports, l'énergie et les chaînes de valeur alimentaires; un système de santé résilient; enfin, la stabilité sociale, qui implique que les dirigeants affrontent l'instabilité socioéconomique et les désastres du changement climatique avec la création d'emplois pour les femmes et les jeunes ou de la gestion des risques, dans l'espoir de voir diminuer les insurrections.

M. Abe a affirmé que le Japon soutiendra les efforts visant à résoudre les problèmes de l'Afrique, comme l'insécurité et la chute des prix des matières premières, et a souligné l'importance des relations mutuellement bénéfiques. 

« Nous avons le sentiment qu'en Afrique, où les possibilités abondent, le Japon peut progresser vigoureusement. Les entreprises japonaises peuvent croître vigoureusement. » 

La balance commerciale du Japon avec l'Afrique reste excédentaire. En 2015, l'Organisation japonaise du commerce extérieur évalua les exportations à 11,6 milliards de dollars et les importations à 8,5 milliards de dollars. 

Plan d'infrastructure

Le président Kenyatta a salué l'annonce par M. Abe que 10 des 30 milliards de dollars seraient destinés à un plan d'infrastructure sur trois ans pour des projets d'éducation, d'énergie, des transports urbains, de la santé ou encore de l'agriculture. Acheminés par la Banque africaine de développement (BAD), les fonds devraient augmenter la production d'électricité de 2 000 mégawatts et connecter 3 millions de foyers au réseau électrique d'ici à 2022. 

Le Japon et la BAD entretiennent une relation de longue date. Entre 2005 et 2014, dans le cadre de son programme d'assistance renforcée au secteur privé africain, le Japon avait annoncé 3 milliards de dollars pour la BAD afin de soutenir le co-financement souverain de projets dans l'agriculture, l'eau, la santé et les infrastructures. La centrale hydroélectrique de Bujagali en Ouganda, la centrale hydroélectrique de Sahanivotry à Madagascar, la route à péage Lekki au Nigeria et la centrale à gaz de Takoradi II au Ghana, sont des exemples de projets réussis.

Si cet engagement indique une stratégie de partenariat avec les institutions panafricaines, le Japon traite également avec chaque pays. Il a par exemple accordé à l'Égypte un prêt de 451 millions de dollars pour la construction du Grand Musée. 

Lors de la TICAD VI, 73 accords ont été signés dans « la Déclaration de Nairobi » dont un accord entre la BAD et la Sumitomo Mitsui Banking Corporation. Les deux institutions financeront le commerce et les efforts liés à la réduction des risques commerciaux, ainsi que des projets industriels et d'infrastructures. 

Les entreprises japonaises s'intéressent à des projets portant sur l'énergie verte, l'agriculture, l'automobile, la moto, le textile, la finance et les services. Toyota Tsusho développe la production de l'énergie géothermique à l'usine d'Olkaria II à Naivasha, au nord-ouest de Nairobi, et est impliquée dans la production d'engrais dans d'autres pays. Toshiba Corporation, une société d'électronique et d'énergie, a signé un accord avec la Kenya Power and Lighting Company afin de réduire les pertes de distribution du réseau électrique. 

Environnement propice aux affaires

Le président Kenyatta a exprimé la volonté du Kenya de « soutenir des partenariats afin que nos jeunes obtiennent des emplois de qualité, et que nos agriculteurs puissent gagner davantage de leur sueur et qu'au moins 90 % de leurs exportations agricoles soient traitées localement ». 

Certains experts affirment que le Japon aurait pu faire davantage. En mai 2015, le pays a annoncé un engagement de 110 milliards de dollars pour développer les infrastructures des pays asiatiques. Mais les dirigeants africains ont salué les objectifs de la TICAD ainsi que les relations nippo-africaines. Ils veulent des solutions locales. Le Rwandais Paul Kagame a déclaré : « La modernité ne signifie pas importer des valeurs mais améliorer ses propres valeurs », soulignant le rôle des partenaires.

Si les pays africains se disent prêts à accueillir les investissements, le premier ministre Abe a souligné le nécessaire renforcement d'un environnement plus favorable aux entreprises. 

Un environnement favorable aux entreprises implique également des politiques économiques et commerciales stables et des infrastructures fiables, qui font souvent défaut. Néanmoins, pour Tomohiko Taniguchi, conseiller spécial du gouvernement japonais, « les entreprises japonaises avides de risques ont pris conscience que l'Afrique peut leur offrir de réelles opportunités ». 

Le lancement du Forum économique public et privé Japon-Afrique a été un point culminant de la TICAD VI. Cette plateforme permettrait de tisser des liens entre les gouvernements et les entreprises et conjuguerait le
« pouvoir des secteurs public et privé dans l'apport de solutions », a déclaré M. Abe. Il a ajouté que les membres du gouvernement japonais et les dirigeants d'entreprises se rendront en Afrique tous les trois ans pour rencontrer les entreprises africaines afin d'identifier « les mesures à prendre pour que les entreprises échangent davantage afin d'aller de l'avant. »

La TICAD VI a donné un coup de pouce aux pays africains. Jacob Zuma, président de l'Afrique du Sud, plus grand partenaire commercial du Japon, a déclaré que les investissements japonais « doivent être structurés afin que tous les pays [africains] puissent en bénéficier, surtout pour les grands projets ». Cette vision encouragera les dirigeants des petites économies africaines. La prochaine TICAD se tiendra en 2019 à Tokyo et devrait être l'occasion de dresser le bilan de la Déclaration de Nairobi.