Médicaments : réduire les prix

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Médicaments : réduire les prix

L’ONU en appelle à de nouveaux accords mondiaux
Franck Kuwonu
Afrique Renouveau: 
Photo credit: UNICEF
Photo credit: UNICEF

Principale cause de mortalité infantile dans le monde, la pneumonie peut néanmoins être facilement soignée et prévenue par la vaccination.  

Cette infection des poumons persiste dans certaines régions les plus pauvres d’Asie du Sud et d’Afrique sub-saharienne, en raison notamment du coût élevé d'une dose de vaccins qui s'élève environ à 68$, soit 204$ pour les trois doses nécessaires à la vaccination d’un enfant; même si les organisations humanitaires peuvent se les procurer à un prix moins élevé. 

En 2015, la pneumonie a tué près d’un million d’enfants de moins de 5 ans, soit 15% des décès de ce groupe d’âge, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS).  

Les professionnels de santé et d'autres organisations comme l'association internationale Médecins sans frontières (MSF) qui aident les populations en situation d’urgence, protestent depuis longtemps contre “les prix injustement élevés”. Ils craignent de ne pouvoir acheter les médicaments indispensables pour lutter contre les maladies dans les pays pauvres.      

En octobre dernier, MSF a pourtant refusé un don d’un million de vaccins contre la pneumonie de la part d'une entreprise pharmaceutique à New-York. L’ONG estimait que de tels dons ne peuvent résoudre le problème et exhorta les fabricants à proposer des traitements moins onéreux. 

Selon Jason Cone, directeur de MSF aux Etats-Unis, “la gratuité n’est pas toujours un cadeau”. De tels dons peuvent être accompagnés d'exigences susceptibles de retarder les campagnes de vaccination et de “saper les efforts de long terme concernant l'accès aux traitements.”   

En novembre, quand l’entreprise pharmaceutique a finalement accepté de baisser ses prix, mais uniquement pour les enfants en situation d’urgence humanitaire, les organisations de la société civile ont estimé que cette baisse devrait s'appliquer à tous les pays en développement. 

Si la position de MSF n’a vraiment pas été rapportée dans les médias, elle est survenue dans la foulée des recommandations d’un groupe d'experts mandaté par le Secrétaire général des Nations Unies afin d’étudier les moyens d'augmenter l'accessibilité aux médicaments. Ainsi, elle a eu le mérite de remettre en lumière la quête effrénée de profits des entreprises qui entravent la popularisation des progrès technologiques en matière de santé.

L'accès

Publié en septembre 2016, le Rapport du Groupe de haut-niveau du Secrétaire général des Nations Unies sur l’accès aux médicaments : promouvoir l’innovation et l’accès aux technologies de la santé appelle les gouvernements à négocier des accords mondiaux afin de réduire le coût des technologies de la santé.

Le rapport souligne que le marché dicte sa loi dans le domaine de la recherche et développement (R&D). Sans perspective d'un fort retour sur investissement, les maladies rares, qui affectent un nombre relativement restreint de personnes, n'ont aucune chance d'intéresser la R&D. 

“Sans incitations économiques, on assiste à un déficit d'innovation pour les maladies qui touchent les populations défavorisées”, a déclaré Malebona Precious Matsoso, Directeur général du Département de la santé nationale sud-africain, qui compte parmi les 15 membres du groupe d'experts, codirigé par Ruth Dreifuss, ancien président de la Suisse, et Festus Mogae, ancien président du Botswana. 

Le rapport appelle la R&D à adopter une nouvelle approche afin de garantir la diffusion des bénéfices des technologies de la santé.

“Notre rapport demande aux gouvernements de négocier des accords mondiaux sur la coordination, le financement et le développement des technologies de la santé afin de compléter les innovations existantes, notamment une convention spécifique contraignante qui dissocie les coûts de R&D des prix de vente”, ajoute Mme Matsoso.   

Comme l’a illustré l’épidémie de VIH/Sida à son apogée, les prix exorbitants des médicaments et des traitements constituent une préoccupation majeure pour les pays en développement.

Selon l’ONUSIDA, le coût d’une année de traitement de base du VIH est aujourd'hui de moins de 100$ par personne en Afrique alors qu’il était de 10 000$ en 2000.     

A cette époque, seules les entreprises détentrices de brevets pouvaient fabriquer les antirétroviraux (ARV). Grâce à l'Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC), négocié dans le cadre de l'OMC, les pays en développement ont pu produire puis exporter vers d'autres pays en développement des versions génériques exemptes de brevets entraînant la chute des prix. 

Toutefois, le rapport indique que la marge de manœuvre autorisée par les ADPIC est de plus en plus mise en mal, y compris dans le cadre d'accords commerciaux bilatéraux, en violation de l’intégrité et de la légitimation de la déclaration de Doha sur les droits de la propriété intellectuelle et de la santé publique. 

Le rapport enjoint les pays à appliquer pleinement les ADPIC et à signaler toute pression économique ou politique.