Recherche de justice ou complot occidental ?

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Recherche de justice ou complot occidental ?

Réactions virulentes en Afrique face aux inculpations de l’étranger
Afrique Renouveau: 
Alamy / Peter Marshall
Sudanese demonstrators in the United KingdomDes manifestants soudanais au Royaume-Uni réclament que les auteurs des atrocités au Darfour passent devant la CPI tandis.
Photo: Alamy / Peter Marshall

En juillet 2008, le Procureur en chef de la Cour pénale internationale (CPI), Luis Moreno-Ocampo, a annoncé que des poursuites judiciaires seraient intentées contre le Président Omar Al-Bashir du Soudan pour les atteintes aux droits de l’homme liées au conflit qui se déroule dans la région du Darfour de ce pays. Le 3 mars 2009, les juges de la CPI ont confirmé qu’un mandat d’arrêt avait été délivré contre le Président soudanais pour crimes contre l’humanité et crimes de guerre.

L’inculpation a déclenché une vive polémique qui a envenimé le débat souvent virulent sur le rôle de la CPI en Afrique. Les critiques dénoncent l’intérêt excessif prêté par celle-ci à l’Afrique, soulignant que l’inculpation du président soudanais en exercice risquait de compromettre le succès du fragile processus de paix dans ce pays. Pour leur part, les partisans de la CPI craignent que de tels arguments minimisent la gravité des crimes commis, notant que les critiques les plus acerbes provenaient d’autres dirigeants africains inquiets d’avoir à répondre un jour à des accusations similaires.

La signature par 120 États en juillet 1998 du Statut de Rome qui a porté création de la Cour a été saluée comme un grand succès diplomatique, traduisant l’adhésion générale à la disposition du Statut de la CPI qui stipule que les auteurs des crimes les plus graves que connaisse l’humanité doivent être punis. A la fin de 2002, le traité avait été ratifié par 60 pays, le minimum nécessaire à son entrée en vigueur. Aujourd’hui ce nombre est passé à 110.

La création de la nouvelle juridiction a été bien accueillie partout en Afrique. Son statut a été ratifié par 30 des 54 pays que compte le continent, formant le plus grand bloc régional parmi les pays parties à la cour. De nombreux Africains y travaillent, notamment comme juges.

Chidi Anselm Odinkalu, directeur du programme pour la justice en Afrique de l’organisation non gouvernementale Open Society Institute, donne les raisons de cet enthousiasme initial. “La plupart des habitants du continent sont des enfants de la guerre, du dénuement et des privations, imputables surtout à une mauvaise gouvernance, a-t-il expliqué dans un article publié en ligne par la maison d’édition Pambazuka. Pour nous, rendre la justice pour les massacres commis est une affaire très personnelle. Malheureusement, dans la plupart des pays africains, la dignité, la paix et la justice se sont révélées utopiques. C’est pourquoi nous avons soutenu la création d’une CPI. On croyait sincèrement la Cour capable de mettre fin à l’impunité des principaux auteurs de ces massacres”.

L’accent sur l’Afrique

Le procureur de la CPI a compétence pour mener des enquêtes ou pour lancer des poursuites judiciaires dans les affaires qui lui sont déférées par les gouvernements ou le Conseil de sécurité. La première affaire soumise à la Cour en 2003 par les autorités ougandaises a permis à celle-ci de prononcer cinq mises en accusation contre les chefs de la tristement célèbre Armée de résistance du Seigneur (LRA) qui sont toujours en fuite. La Cour a également fait arrêter plusieurs chefs rebelles congolais, et un ancien vice-président, accusés d’avoir commis des crimes en République démocratique du Congo (RDC) ou en Centrafrique voisine. Au Soudan, des mandats d’arrêt ont été délivrés non seulement contre le Président Bashir, mais aussi à l’encontre du ministre de l’Intérieur, du chef d’une milice pro-gouvernementale et d’un chef du Front uni de résistance rebelle (qui s’est rendu de son gré). Le procureur a également enquêté en Côte d’Ivoire et a été prié de vérifier les accusations de nettoyage ethnique au Kénya.

Sudanese protest in Khartoum against the court’s indictment of President Omar al-BashirDes manifestants au Soudan protestent contre le mandat d’arrêt émis par la Cour à l’encontre de leur président.
Photo: Reuters / Mohamed Nureldin Abdallah

Aucune inculpation n’a cependant provoqué autant de réactions que celle du Président soudanais. L’Union africaine (UA) a exprimé sa préoccupation, à l’occasion du sommet de février 2009 à Addis-Abeba (Éthiopie), quant à l’intention du procureur d’obtenir un  mandat d’arrêt. L’UA en a appelé au Conseil de sécurité (qui avait déféré l’affaire) pour surseoir aux procédures en cours, affirmant que le processus juridique risquait de compromettre les efforts de paix au niveau régional dans lesquels M. Bashir était activement impliqué. “La recherche de justice devrait être menée de manière à ne pas gêner les efforts de promotion d’une paix durable, ont déclaré les dirigeants de l’UA, qui ont réaffirmé leur préoccupation devant l’usage peut-être abusif des procédures de mise en accusation des dirigeants africains”.

Après le refus du Conseil de sécurité de reporter l’affaire, le Conseil de paix et de sécurité de l’UA a annoncé le 14 juillet 2009 que l’Assemblée de l’Union africaine ne coopèrerait pas avec le mandat d’arrêt de la CPI. Les dirigeants africains ont exprimé leur mécontentement face à la procédure d’instruction du dossier, à la médiatisation de l’affaire et au refus du Conseil de sécurité de surseoir à l’inculpation du Président soudanais.

Colère et préoccupations

Certains dirigeants africains ont été plus virulents. Le Président rwandais Paul Kagame a déclaré aux journalistes que la CPI “a été créée uniquement pour les pays africains, pour les pays pauvres. Les faits me donnent raison avec chaque année qui passe…le Rwanda refuse de jouer le jeu du colonialisme, de l’esclavagisme et de l’impérialisme”. De son côté Jean Ping, président de la Commission de l’UA, a déclaré à la station de radio RFI que “ la CPI semble toujours cibler…..les Africains. Est-ce à dire qu’il n’y a rien à signaler à Gaza? Ou dans le Caucase ? Ou sur les militants en Colombie ? Il ne se passe rien en Iraq ? On est amené à poser ce type de questions car on n’accepte pas les deux poids deux mesures”.

En réponse aux accusations selon lesquelles la Cour “vise” les Africains, Sylvia Steiner, juge brésilienne de la CPI, a souligné que trois des quatre affaires actuellement à l’examen de la Cour ont été présentées par des gouvernements africains, précisant que la décision du Conseil de sécurité de porter l’affaire du Darfour devant la CPI avait été précédée d’une enquête menée par une commission de l’ONU. Les conclusions de l’enquête ont été vérifiées par le bureau du procureur avant que la Cour ne soit saisie au sujet des mandats d’arrêt. En outre, pendant l’instruction, les trois juges saisis de l’affaire n’ont eu connaissance que des seules informations figurant dans le dossier.

Toutefois, l’ancien procureur des tribunaux internationaux pour le Rwanda et la Yougoslavie, Richard Goldstone, a convenu que la répartition géographique des mises en accusation pouvait prêter à confusion. Dans un article publié par l’Association internationale du barreau, il a admis que la CPI semblait accorder une attention démesurée à l’instruction des crimes commis en Afrique, aux dépens de situations semblables ailleurs dans le monde. Il s’est étonné qu’aucun mandat d’arrêt n’ait été délivré contre des criminels présumés à l’extérieur du continent alors que le bureau du procureur avait examiné d’autres affaires en Afghanistan, Géorgie, Palestine et Colombie.

D’après le Juge Goldstone, ce sentiment d’injustice serait toutefois facile à dissiper.  “Il suffirait à la CPI de se montrer impartiale dans la manière de mener les enquêtes et d’intenter des poursuites, a-t-il conseillé. Pour corriger l’impression que la CPI ne s’intéresse qu’à l’Afrique ou qu’elle est au service des pays occidentaux, le procureur devrait mener des enquêtes dans d’autres régions du monde. Ces enquêtes devraient aboutir à des inculpations rapides chaque fois que cela se justifie et qu’il y a des preuves suffisantes”.

Olympia Bekou et Sangeeta Shah, juristes des droits de l’homme, qui ont consacré de nombreux écrits à la Cour, répliquent que la CPI s’intéresserait moins à l’Afrique si les gouvernements du continent se montraient plus disposés à traduire en justice les responsables des atrocités commises. A ceux qui s’inquiètent d’une intervention démesurée de la communauté internationale dans les affaires intérieures de ces pays, les juristes répondent qu’il faudrait renforcer les compétences judiciaires des pays africains, réduisant ainsi les chances d’intervention de la CPI. Cela devrait constituer, à leur avis, “l’objectif suprême de chaque Etat”.

Faiblesse de l’appareil judiciaire

Solomon Dersso, chercheur principal à l’Institut d’études de sécurité en Afrique du Sud affirme que l’intérêt porté par la CPI aux dossiers africains s’explique pour deux raisons. La première est la faiblesse des appareils judiciaires africains qui freine les procédures de mise en examen de personnalités influentes. La deuxième est que  tous ces pays appartiennent à un système juridique international au sein duquel les pays faibles n’ont pas leur mot à dire et passent pour être de simples exécutants.

ICC Prosecutor Luis Moreno-OcampoLe Procureur de la CPI Luis Moreno-Ocampo. Certains applaudissent ses efforts pour lutter contre l’impunité, d’autres l’accusent de cibler injustement le continent africain.
Photo: Alamy / Jeff Morgan

Il rappelle par ailleurs qu’à l’origine la CPI devait être une juridiction de dernière instance, à ne saisir qu’au cas où les systèmes nationaux se montrent réticents ou incapables de traduire en justice les auteurs d’atteintes graves aux droits de l’homme. Cette approche n’a pas bien fonctionné en Afrique, “où le besoin de se doter d’un système judiciaire solide est pourtant le plus pressant ”. Cette carence tranche avec le succès qu’ont connu des pays comme l’Argentine et le Chili dans l’inculpation des auteurs présumés de crimes semblables. Cette différence s’explique par le fait que les pays donateurs ont investi des millions de dollars dans l’établissement de tribunaux spéciaux et de cours internationales, mais n’ont accordé qu’un soutien infime aux appareils judiciaires des pays africains.

De ce fait, poursuit-il, l’Afrique semble se reposer davantage sur le système  judiciaire international, ce qui peut donner l’impression d’un engagement excessif de la CPI sur le continent. Cette dépendance empêche les systèmes judiciaires africains de développer leurs propres capacités à préparer les procès de criminels présumés, compliquant les efforts de promotion des notions de droits de l’homme et de respect de l’état de droit dans les pays africains, “là où ces notions importent le plus”.

Déséquilibre des pouvoirs

M. Dersso souligne que les déséquilibres des pouvoirs propres au système politique international ne font qu’aggraver le sentiment d’injustice en Afrique. Il cite notamment l’article 13 du Statut de la CPI qui stipule que le Conseil de sécurité a compétence pour déférer des affaires à la CPI et surseoir aux procédures de la Cour, y compris au nom des pays n’appartenant pas à la CPI, comme le Soudan.

Le vénéré professeur de l’Université de Columbia, Mahmood Mamdani, d’origine ougandaise, estime que “ l’autorité du Conseil de sécurité de déférer à la CPI des affaires concernant un pays non-signataire va à l’encontre du droit des traités, qui stipule qu’aucun pays n’est tenu de se conformer aux dispositions d’un traité qu’il n’a pas signé.”

Le problème se complique du fait que trois des membres permanents du Conseil de sécurité dotés du droit de veto, la Chine, la Russie et les États-Unis, n’ont pas ratifié le Statut de Rome établissant la CPI. D’aucuns estiment que ces pays ne permettraient jamais au Conseil de sécurité de déférer des dossiers impliquant leurs ressortissants. “Donner au Conseil de sécurité le droit de déférer des affaires à la CPI ou de les bloquer est inadmissible, d’autant que les membres du Conseil n’ont pas tous signé le Statut de Rome. Cette disposition permet aux suspects présumés de crimes graves mais ressortissants de pays influents à l’ONU de se soustraire à la justice”, souligne le professeur Mamdani.

M. Dersso souscrit à cette analyse, précisant que les pays puissants, contrairement aux États africains faibles, sont mieux placés pour protéger leurs dirigeants du bras de la justice. Cette capacité accrédite, à son avis, l’idée que la CPI pratique une justice sélective, ou qu’elle est partiale ou discriminatoire à l’égard des pays faibles de la communauté internationale.

Lutter contre l’impunité

M. Goldstone, l’ancien procureur des tribunaux internationaux, souligne que des motivations politiques semblables semblent guider l’action des pays africains eux-mêmes. En effet le nombre excessif de cas soumis à la CPI par les dirigeants africains qui concernent des chefs rebelles fait penser qu’il s’agit d’un prétexte pour se débarrasser de leurs adversaires politiques.

Joseph Otti, one of the indicted leaders of Uganda’s notorious Lord’s Resistance ArmyJoseph Otti, l’un des chefs inculpés de la tristement célèbre Armée de résistance du Seigneur. Les mandats d’arrêt de la CPI compromettront-ils les pourparlers tendant à une conclusion pacifique des combats dans le nord de l’Ouganda?
Photo: Redux / Vanessa Vick

Il fait aussi remarquer le contraste entre le mutisme observé par les dirigeants africains à l’annonce des mises en examen des chefs rebelles et d’anciens adversaires politiques et leurs protestations véhémentes contre les inculpations dont ferait l’objet l’un de leurs semblables. “La CPI n’est pas une juridiction de convenance qu’on soutient uniquement par intérêt politique”, dit-il.

Ancien Secrétaire général de l’ONU et membre du Africa Progress Panel, organisation qui soutient le développement du continent, M. Kofi Annan affirme que ces motivations politiques n’ont aucun sens pour les nombreuses victimes des atrocités en Afrique. Dans un article paru en juin dans plusieurs publications, il affirme que la CPI est perçue par certains dirigeants africains comme une imposition, voire une cabale des pays  occidentaux industrialisés. Leurs protestations déshonorent, dit-il, l’aspiration à la dignité humaine commune à tous les Africains. Il y a peu de chances de prévenir les atrocités ou de “rassurer ceux qui vivent dans la crainte d’un nouveau cycle semblable si les dirigeants africains transigent avec le principe de sanctions pénales contre les auteurs des crimes les plus abjects uniquement parce que l’un des leurs est dans le box des accusés ”, écrit-il.

M. Annan, qui en 2008 a facilité la conclusion d’un accord de paix au lendemain des violences postélectorales au Kénya, poursuit : “ Les adversaires de la Cour internationale affirment qu’elle fait une fixation sur l’Afrique car les quatre affaires qu’elle a eu à traiter à ce jour portent sur des crimes qui auraient été commis contre des victimes africaines. On doit commencer par se demander pourquoi les dirigeants africains ne salueraient-ils pas l’intérêt porté aux victimes africaines? Préfèrent-ils se ranger du côté des auteurs présumés d’atrocités plutôt que de celui de leurs victimes? La CPI n’a pas encore répondu aux appels des victimes à l’extérieur de l’Afrique, mais est-ce là une raison pour ignorer les appels des victimes africaines? ”

Les gouvernements africains ne se sont pas tous alignés sur la position de l’UA à l’occasion de l’inculpation de M. Bashir. Le ministère des affaires étrangères du Botswana a fait valoir que la CPI a été précisément créée pour instruire les dossiers liés aux violations des droits de l’homme commises par des personnes haut placées, qui ont le plus de chances de s’en tirer autrement. “Les peuples d’Afrique et du Soudan en particulier ont souffert de ces crimes. La position du Botswana est que les peuples d’Afrique, et en particulier du Soudan, méritent d’être protégés des auteurs de tels crimes”, a affirmé le ministère.

Après l’annonce par l’UA de son refus de coopérer avec la CPI, plus de 130 associations de la société civile et des droits de l’homme de 30 pays africains ont demandé à leurs gouvernements de revenir sur leur position. “Nous prions instamment nos gouvernements de réaffirmer leur engagement dans la lutte contre l’impunité en apportant leur soutien à la CPI et en coopérant avec elle”, a lancé Oby Nwankwo du Civil Resource Development and Documentation Centre du Nigéria. De son côté, Comfort Ero du Centre international pour la justice transitionnelle en Afrique du Sud a affirmé que les associations de la société civile étaient unanimes dans leur volonté d’empêcher leurs dirigeants de renier leur promesse de rendre la justice.

L’opinion publique africaine ne partage pas les soucis des dirigeants. D’après la société de sondages internationale World Public Opinion, 77% des Kényans interrogés ont approuvé la mise en accusation du Président soudanais, comme 71% des Nigérians, alors que 52% des Egyptiens l’ont réprouvée.

Paix contre justice ?

Certains critiques estiment que la poursuite du processus de paix doit prendre le pas sur les considérations de justice, affirmant que les mandats d’arrêt de la CPI risquent d’aggraver la situation humanitaire dans les pays qui font l’objet d’enquêtes.

Les mandats d’arrêt délivrés contre Joseph Kony et autres chefs de l’Armée de résistance du Seigneur avaient aussi été considérés comme des obstacles à l’issue pacifique du conflit dans le nord de l’Ouganda. Pourtant, malgré les offres d’amnistie faites à tous les rebelles non-inculpés par la CPI et la promesse de faire comparaître les chefs de la LRA devant des juridictions nationales plutôt qu’internationales, ces rebelles ont poursuivi leurs attaques sur les villages et les enlèvements d’enfants en Ouganda, au Soudan et en RDC. Le mandat d’arrêt contre le Président soudanais est également jugé comme préjudiciable au processus de paix dans ce pays.

Mabvuto Hara, président de la Southern African Development Community Lawyers Association, affirme que l’argument de “ la paix avant la justice” sert à perpétuer l’impunité. “Lorsque nos dirigeants subissent des pressions ou lorsqu’un gouvernement change, ils arrivent à la table des négociations faisant du chantage à leurs interlocuteurs et demandant l’amnistie…..Ce qu’ils disent vraiment est : Oublions le principe de la responsabilité pour les crimes commis”.

M. Annan a lancé un appel à l’Union africaine pour qu’elle ne renie pas sa promesse de lutter contre l’impunité, affirmant que tant que les auteurs inculpés de crimes de guerre ne rendront pas compte de leurs actes, il n’y aura aucun moyen de dissuasion des individus tentés de les imiter.

M. Odinkalu de l’Open Society Institute craint que la polémique devienne nuisible. “Les critiques formulées à l’encontre de la Cour, si constructives soient-elles, risquent d’être interprétées comme une expression de soutien à l’impunité, alors que les déclarations en faveur de la CPI, si sensées qu’elles soient, sont trop rapidement qualifiées d’impérialistes. En attendant, les atrocités se poursuivent sans entraves et la crédibilité de la CPI en souffre” dit-il.

D’autres craignent que la controverse actuelle n’éclipse les remarquables innovations juridiques apportées par la CPI, notamment sur la question de la protection des civils en temps de guerre. Le procès de Thomas Lubanga, chef de milice congolais, est le premier jamais organisé sur le plan international à traiter l’utilisation d’enfants soldats comme un crime de guerre. Il y a aussi une importante jurisprudence en matière de droits des victimes. Contrairement aux procès qui se sont déroulés devant les tribunaux internationaux pour le Rwanda et l’ex-Yougoslavie, ceux qui se tiennent devant la CPI permettent aux plaignants d’être représentés par un avocat et de réclamer des indemnités versées par le truchement d’un fonds international d’affectation spéciale pour les victimes.

Plutôt que de dénoncer la délivrance des mandats d’arrêt, l’UA ferait mieux de dissiper son malaise en assurant une coopération plus étroite entre les gouvernements africains, la CPI et l’ONU de sorte que la Cour fonctionne mieux et soit plus attentive aux préoccupations de l’Afrique, estime M. Odinkalu. Mais, plus important encore, il incombe à l’Union africaine de traduire son discours contre l’impunité en un programme d’action, “pour montrer que les vies africaines ont de l’importance et qu’il n’y aura pas de sauf-conduit pour ceux, puissants ou faibles, qui portent atteinte aux droits des Africains ”.