Pourparlers commerciaux en faillite

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Pourparlers commerciaux en faillite

Opposition croissante face à une libéralisation plus inéquitable du commerce
Afrique Renouveau: 
Reuters / Antony Njuguna
Participants at the World Social Forum in Nairobi Protestations contre les accords de partenariat économique (APE) au Forum social mondial de Nairobi (Kenya).
Photo: Reuters / Antony Njuguna

Les prévisions sont sombres. Les recettes d’importation du Cap-Vert risquent de chuter de 80 % ; les trois-quarts des activités économiques du Ghana sont en danger d’extinction. Et les pays africains pourraient finir par dépendre encore plus de leurs échanges commerciaux avec l’Europe que de leurs échanges entre eux. De telles craintes, provoquées par les conséquences éventuelles des négociations de “libre échange” qui se déroulent actuellement entre l’Europe et ses anciennes colonies d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP), commencent à attirer l’attention des pays de la région.

Des gouvernements africains, des experts politiques, des représentants de groupes économiques régionaux et d’associations de la société civile s’accordent de plus en plus à dire que les accords de partenariat économique (APE) mis au point actuellement par l’Europe et les pays ACP devront subir d’importantes modifications si l’on entend préserver les perspectives de développement de ces derniers.

“Si les APE sont maintenus en l’état, ce sera la fin de notre agriculture”, a lancé Jules Zongo, président des chambres d’agriculture régionales du Burkina Faso, lors d’une manifestation de 2 000 agriculteurs qui a eu lieu en décembre à Ouagadougou, capitale du pays. Quelques mois auparavant, des représentants de la société civile s’étaient rassemblés au Sénégal, dans le cadre d’une campagne internationale de dénonciation des APE, exhortant leur gouvernement à retarder la conclusion des pourparlers tant que ces accords n’auront pas été profondément modifiés.

Les dirigeants africains ont entendu ces appels. Lors du sommet des chefs d’Etat de l’Afrique de l’Ouest qui s’est tenu en janvier 2007 à Ouagadougou, le Président burkinabé Blaise Compaoré a souligné la nécessité de tenir compte des “préoccupations légitimes” des agriculteurs et autres producteurs dans toutes les négociations commerciales avec l’Union européenne (UE).

L’hostilité aux APE s’est également exprimée lors du Forum social mondial qui s’est tenu en janvier à Nairobi (Kenya), au cours duquel des dizaines de milliers de représentants de la société civile ont défilé avec des pancartes portant l’inscription : “Luttez contre la pauvreté…Dites non aux APE.” En avril, la Coalition de la jeunesse africaine contre la faim a mobilisé un millier de militants de 20 pays en Gambie pour lancer une “campagne bruyante” destinée à lancer un débat sur les accords proposés.

Ces négociations n’ont pas seulement suscité l’intérêt en raison des ramifications concrètes qu’aurait leur issue sur l’existence quotidienne des populations, mais aussi parce qu’elles ont débuté au moment où les pourparlers sur une libéralisation plus large du commerce international — le cycle de Doha de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) — semblaient piétiner.

L’hésitation des pays plus riches à libéraliser leur secteur agricole, accompagnée de leurs appels répétés en direction des pays en développement pour qu’ils ouvrent davantage leurs marchés aux produits du Nord, a contribué l’an dernier à la suspension pour une durée indéterminée du cycle de Doha. Certains experts sont persuadés que les négociations actuelles sur les APE constituent une manœuvre de la part de la puissante Union européenne pour obtenir, par d’autres voies, de ses partenaires commerciaux plus faibles de l’ACP les concessions qu’elle n’a pas réussi à arracher dans le cadre de l’OMC. Le produit national brut total des 27 pays membres de l’UE s’élève à 14 milliards de dollars des Etats-Unis, alors que 39 des 79 pays ACP figurent parmi les pays les moins avancés (PMA) de la planète.

Situation nouvelle

Les changements intervenus à l’OMC ont profondément modifié la nature des rapports entre l’Union européenne et les pays ACP, bien avant l’enlisement des négociations du cycle de Doha. De 1975 à 1994, les deux parties ont collaboré dans le cadre d’une série d’accords de coopération pour le développement de cinq ans, connus au départ sous le nom de Conventions de Lomé. Au terme de ces accords, l’Union européenne a consenti des avantages commerciaux aux exportations des pays ACP sans clause de réciprocité.

A market trader in Bamako, Mali, selling African-made textiles Vente de produits textiles africains à Bamako (Mali). Les fabricants locaux seront frappés de plein fouet si les produits européens envahissent leurs marchés.
Photo: Reuters / Antony Njuguna

Les négociations commerciales, qui se sont déroulées dans le cadre de ce qu’on a appelé le cycle d’Uruguay et se sont achevées en 1994, ont fixé de nouvelles règles, les parties aux accords commerciaux régionaux étant tenues de supprimer les droits de douane et d’autres mesures contraignantes pour pratiquement tous leurs échanges commerciaux. L’application de cette disposition a toutefois été reportée pour certaines régions, en vertu d’une décision de l’OMC, née des négociations d’Uruguay en 1995, qui a accordé une dérogation exceptionnelle à l’UE, l’autorisant à préserver le régime de préférences “non-réciproques” pour les exportations des pays ACP jusqu’en décembre 2007.

Ayant l’échéance de l’OMC à l’esprit, les deux groupes ont conclu en 2000 un nouvel accord de coopération — l’Accord de Cotonou — dans les domaines de l’aide, du commerce et de la coopération politique.

Certains pays en développement craignent à présent que la position de l’UE à l’égard des APE ne les force à supprimer les mesures de protection commerciale à un rythme et dans des proportions tels que leur propre essor économique serait compromis. “A aucun moment l’APE n’a constitué un modèle d’accord de libre échange pour les pays ACP, mais on n’avait pas le choix”, précise l’ambassadeur de Maurice auprès de l’UE, Sutiawan Gunessee.

Le Ministre du commerce du Zimbabwe, Obert Mpofu, estime qu’il est indispensable que les nouveaux accords commerciaux contribuent à encourager, plutôt qu’à freiner, “le développement économique, la création d’emplois, la création de richesses pour les populations et, en fin de compte, la réduction de la pauvreté”.

Eliminer la dépendance?

Le Commissaire au commerce de l’Union européenne, Peter Mandelson, estime en revanche que les APE sont avantageux, affirmant qu’ils contribuent à transformer les relations entre l’Afrique et l’Europe en les fondant sur la compétitivité économique et non plus sur la dépendance tarifaire. Faisant valoir qu’au bout de 30 années d’accès préférentiel aux marchés, l’Afrique continuait d’exporter un nombre restreint de produits de base, M. Mandelson ajoute que “la plupart de ces produits sont vendus à des prix plus faibles qu’il y a 20 ans. Cela ne peut pas durer, dit-il. Ce n’est pas ça, le développement durable”.

A cela, le Ministre du commerce nigérian, Aliyu Modibo Umar, réplique : “Si 30 ans de libre accès non-réciproque aux marchés de l’Union européenne n’ont pas permis d’améliorer la situation économique des pays ACP, comment voulez-vous qu’un arrangement commercial de réciprocité y parvienne ?” A son avis, une simple libéralisation du commerce n’aboutira qu’à “accentuer les disparités entre les deux blocs et réduire à néant les modestes gains économiques réalisés par certains pays ACP ces dernières années”.

Unloading grain at the port of Dakar, Senegal Déchargement de céréales dans le port de Dakar (Sénégal) : l’Afrique craint que l’Europe ne cherche à introduire dans les négociations commerciales de nouveaux éléments qui n’ont pas été acceptés à l’OMC.
Photo: Africaphotos.com / Robert Grossman

Choix difficiles

Les accords de partenariat économique préconisés par l’UE stipulent que les pays ACP devront éventuellement libéraliser 80 à 90 % de leurs échanges commerciaux avec les autres membres du bloc régional s’ils veulent accéder aux marchés européens en franchise de droit. De ce fait, les pays ACP ne pourront recourir aux droits de douane que pour protéger une infime partie de leur production face à la concurrence des produits européens.

D’après une étude réalisée en 2006 par Oxfam, Unequal Partners, pour satisfaire à ces conditions, les gouvernements africains auront à faire des choix difficiles : faudra-il préserver les droits de douane sur les importations génératrices de recettes importantes, comme les voitures ou l’équipement électronique, ou protéger les aliments de base, comme le maïs ? Faudra-t-il mettre quelques secteurs économiques à l’abri de la concurrence, ou se donner, au contraire, les moyens d’en stimuler d’autres ?

Manque à gagner

A court terme, la suppression des droits de douane sur les importations européennes priverait de nombreux gouvernements africains d’une importante source de recettes fiscales, affirme Godfrey Kanyenze, du Labour and Economic Development Institute du Zimbabwe. Tant que ces pays ne seront pas en mesure de diversifier l’origine de leurs revenus — processus souvent fastidieux — ils risquent d’enregistrer des déficits budgétaires, qui entraîneront une diminution des investissements de l’Etat en matière d’éducation, de soins de santé, de réduction de la pauvreté et de sécurité sociale.

Une étude de 2002 réalisée par Common Market for East and Southern Africa, un organisme commercial régional, indique que si la totalité des importations en provenance de l’Union européenne était autorisée à entrer sur les marchés africains en franchise de droit, les gouvernements africains subiraient un manque à gagner de l’ordre de 25 % en taxes sur les échanges et de 6 % en recettes fiscales. D’après une autre étude de l’Institut d’économie internationale de Hambourg (Allemagne), une diminution des taxes à l’importation dans les pays de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest entraînerait un manque à gagner de 2,2 millions de dollars pour la Guinée-Bissau et de 487,8 millions de dollars pour le Nigéria. C’est le Cap-Vert qui serait le plus durement touché, avec une réduction probable de 80 % des recettes à l’importation. Si aucun aménagement n’est prévu en matière de dépenses, le Cap-Vert et la Gambie risquent de subir des déficits budgétaires d’environ 4,1 % et 3,5 %, respectivement.

M. Mandelson, Commissaire au commerce de l’UE, rétorque qu’il faut traiter ces prévisions apocalyptiques avec prudence. “A y regarder de plus près, la plupart de ces études sont hautement théoriques, dit-il. Elles présument une libéralisation immédiate et totale et ignorent les avantages économiques des réformes.” A son avis, l’UE et les pays ACP sont capables de négocier le calendrier et les étapes d’une réduction des droits de douane de façon à éviter une chute brutale des recettes publiques.

Tout en estimant souhaitable une certaine période de “protection temporaire”, le Commissaire réaffirme la nécessité d’une diminution progressive des mesures de protection pour stimuler la compétitivité locale. A la longue, dit-il, il est dans l’intérêt des pays ACP d’adapter leurs économies pour rivaliser avec le reste de la planète.

En catimini

En principe, la première priorité de l’Accord de Cotonou est la réduction de la pauvreté. Les deux parties conviennent que les accords négociés doivent favoriser le développement dans les pays ACP. Ils diffèrent toutefois sur les politiques à suivre à cette fin, comme lors des débats précédents à l’OMC.

L’Union européenne invite par exemple les pays ACP à adopter des mesures strictes visant à garantir les investissements étrangers, à stimuler la concurrence sur le marché national et à accroître la transparence des procédures de passation des marchés publics. Des propositions analogues — les “questions de Singapour”, du nom de la réunion ministérielle de l’OMC où elles ont été soulevées pour la première fois — ont été rejetées par les pays en développement, qui craignaient qu’elles ne les empêchent d’utiliser pleinement les politiques commerciales à des fins de développement (voir Afrique Renouveau, janvier 2004).

N’ayant pas réussi à intégrer ces questions aux accords de l’OMC, les pays riches tentent à présent de les faire figurer dans les accords multilatéraux et bilatéraux, sous forme de conditions à l’attribution de l’aide ou de prêts, note Irungu Houghton du Kenya, expert de la politique panafricaine à Oxfam. A son avis, les accords de partenariat économique ne constituent qu’un volet d’une campagne plus large visant à faire adopter les “questions de Singapour” en catimini.

M. Houghton a expliqué à Afrique Renouveau que plusieurs gouvernements africains subissaient de fortes pressions pour que les opérations de passation de marchés soient rendues publiques et ouvertes aux fournisseurs d’autres pays, qui, “grâce à leur rayon d’action international, sont capables de fabriquer des articles à des coûts bien plus faibles que les industriels locaux”. La libéralisation de ces procédures priverait les gouvernements africains de l’un des rares outils dont ils se sont toujours servi pour favoriser l’économie locale en privilégiant les entreprises nationales par rapport aux sociétés étrangères.

M. Houghton remarque par ailleurs qu’une évolution similaire des politiques de passation des marchés publics figure dans les stratégies d’aide aux pays, qui fixent les conditions des prêts accordés par la Banque mondiale, principal bailleur de fonds du continent.

Les conséquences d’une éventuelle adoption par l’Afrique de l’ensemble des questions soulevées à Singapour n’ont pas été pleinement évaluées, mais les experts politiques s’accordent à penser que la simple mise en œuvre de la nouvelle législation nécessaire à la réforme risque d’être coûteuse. Oxfam estime que le coût de la modification des lois nationales et des procédures commerciales dans les 16 domaines de réforme adoptés dans le cadre du cycle d’Uruguay s’élèverait à 2,5 millions de dollars en moyenne par pays.

La Commission européenne (le secrétariat de l’UE) réaffirme toutefois qu’il n’y aura pas d’APE “sans que les règles en matière d’investissements soient définies et sans une parfaite réciprocité”. La Commission fait valoir que l’objectif originel des accords de partenariat économique est de mettre en place des politiques commerciales progressistes en éliminant les mauvaises pratiques économiques qui freinent les investissements en Afrique.

“Faillites en série”

Pourtant l’opposition aux accords de partenariat économique souhaités par l’UE s’intensifie. En 2004, des représentants d’organisations de la société civile du monde entier se sont rassemblés à Londres pour lancer une campagne de dénonciation de ces accords. Des militants ont affirmé à cette occasion que, sous leur forme actuelle, les APE n’étaient que des accords de “libre échange” restrictifs, visant à accélérer la libéralisation des marchés des pays ACP. Ils citent plusieurs exemples à l’appui : en 1986, la diminution de 40 % des droits de douane en Côte d’Ivoire a provoqué des licenciements massifs dans les secteurs de la chimie, des textiles, de la chaussure et du montage automobile. Au Sénégal, la réduction des droits douaniers de 165 % à 90 % a entraîné la disparition, entre 1985 et 1990, du tiers des emplois du secteur manufacturier. Les militants ont appelé à l’établissement de relations commerciales UE-ACP favorisant le développement économique des partenaires plus faibles.

En avril, des représentants des milieux d’affaires de l’Afrique de l’Ouest ont à leur tour exprimé leurs préoccupations. Lors d’une réunion organisée à Dakar sous les auspices de la chambre de commerce régionale des huit pays appartenant à l’Union économique et monétaire de l’Afrique de l’Ouest, ils ont réaffirmé leur volonté d’accroître leur compétitivité sur les marchés internationaux, sans pour autant se lancer dans ce combat “à armes inégales”. Evoquant les accords de partenariat économique, Iddi Ango, président de la chambre de commerce régionale, a affirmé que “si on devait ouvrir les marchés de nos pays, compte tenu de la situation actuelle de nos entreprises, loin de stimuler l’économie, on provoquerait une véritable catastrophe, des faillites en série”.

Pour sa part, Ibrahim Akalbila, coordinateur national de Ghana Trade and Livelihood Coalition, qui regroupe des associations de la société civile et d’agriculteurs de ce pays, a évoqué les subventions élevées que de nombreux gouvernements européens continuent d’accorder à leurs producteurs, permettant à ceux-ci de pratiquer des prix inférieurs à ceux proposés par les producteurs des pays pauvres en développement. “Qu’il s’agisse de tomates ou de riz, de textiles ou de barres de fer, les importations bon marché, déversées illégalement sur nos marchés, détruisent des secteurs entiers de nos économies, et, avec ça, l’existence de millions de personnes.”

Des APE “élagués”

Conscients de la validité des accusations des pays ACP, certains experts européens n’en soulignent pas moins la position difficile de l’Union européenne : comment réconcilier le régime spécial accordé aux pays ACP avec ses engagements vis-à-vis de l’OMC ?

Une solution serait que l’Union européenne accepte de conclure un accord de réciprocité minimale, conforme aux directives de l’OMC, mais suffisamment souple pour permettre aux pays ACP de protéger leurs marchés et économies. Le Centre européen de gestion des politiques de développement, fondation indépendante financée par des gouvernements européens, recommande l’adoption d’un APE “élagué”.

Au départ, un tel accord amènerait les pays ACP à ouvrir leurs marchés juste assez pour se conformer aux directives de l’OMC. Ces pays n’auraient ainsi qu’à libéraliser de 50 à 60 % de leurs échanges commerciaux avec l’UE pendant une période transitoire de 20 ans ou plus, tout en s’assurant un accès illimité aux marchés de l’UE. L’Union européenne s’engagerait à contribuer, pendant toute cette période, à la création d’activités économiques durables dans les pays ACP.

La Commission économique de l’ONU pour l’Afrique (CEA) estime de même que l’objectif principal des APE, pendant les 12 premières années suivant leur conclusion, devrait être le renforcement du commerce intra-africain, permettant aux économies locales de devenir plus compétitives sur le continent. Ce n’est qu’ensuite, affirme cette commission basée à Addis-Abeba, qu’on pourrait envisager l’ouverture des économies africaines à la concurrence européenne. Et même à ce moment-là, prévient-elle, la diminution des droits de douane devrait s’opérer progressivement, pour donner le temps aux pays ACP de s’adapter aux rigueurs des marchés internationaux.

Solutions de rechange

En cas de rejet des accords de partenariat économique, il existe d’autres solutions. A la réunion de Cotonou en 2000, les membres de l’Union européenne ont en effet accepté de proposer, en cas d’échec des négociations sur les APE, d’autres formules, offrant aux pays ACP la possibilité de disposer “d’un nouveau mécanisme commercial correspondant à leur situation actuelle et conforme aux directives de l’OMC”.

Une telle solution consisterait par exemple à mettre au point de nouvelles formules commerciales satisfaisantes pour les deux parties. Action Aid propose ainsi que l’Union européenne continue d’accorder aux pays ACP un accès préférentiel à ses marchés, tout en leur permettant de protéger leurs principaux secteurs économiques ou de ne réduire leurs droits de douane qu’à condition que leurs objectifs de développement économique ne soient pas compromis. Il faudrait cependant modifier les dispositions en vigueur de l’OMC régissant les échanges commerciaux régionaux. Compte tenu de l’échéance imminente de Cotonou et de la suspension indéfinie des négociations du cycle de Doha, cette solution semble peu probable.

Les deux parties pourraient par ailleurs invoquer les accords commerciaux en vigueur, dont le Système généralisé de préférences (SGP), mécanisme non-réciproque d’accès aux marchés dont peuvent se prévaloir tous les pays en développement qui remplissent certaines conditions en matière de droits de l’homme et du travail, de protection environnementale et de bonne gouvernance.

Les pays les moins avancés (PMA), dont 39 sur 77 participent aux négociations sur les APE, pourraient bénéficier d’une disposition figurant dans le SGP, dénommée “Tout sauf les armes”. Celle-ci autorise tous les produits des PMA, à l’exception des armes et des munitions, à accéder aux marchés de l’UE de manière non-réciproque, en franchise de douane et sans quota.

Les autres pays auraient eux aussi la possibilité de demander à bénéficier de ce régime, mais leurs produits ne seraient pas admis sur les marchés de l’UE en franchise de droit absolue. En outre, le SGP est d’une portée plus restreinte que les APE ou l’accord ACP-UE existant, car il ne s’applique qu’à l’accès aux marchés. Contrairement aux accords de Lomé ou de Cotonou, le SGP ne prévoit aucune aide au développement. Les clauses du SGP sont en outre jugées plus contraignantes et plus coûteuses à appliquer que celles des Accords de Lomé ou de Cotonou. Les pays ACP hésitent donc à y avoir exclusivement recours.

La Commission européenne reconnaît que l’option SGP n’est qu’un pis-aller, du point de vue des perspectives de développement des pays ACP. Le mécanisme SGP n’est pas l’aboutissement d’une négociation, à la manière d’un contrat. C’est l’UE qui l’élabore et le présente à sa façon, avec la possibilité de l’amender ou de le suspendre à tout moment.

Des militants d’associations de la société civile estiment que, dans le pire des cas, ce mécanisme pourrait servir de point de départ à la négociation d’un nouvel accord commercial.

La controverse a incité le Parlement britannique à tenir en 2005 des auditions publiques sur la question des APE. A leur issue, la commission parlementaire sur le développement international a recommandé que le Royaume-Uni exhorte l’Union européenne à veiller à ce que les formules présentées aux pays ACP autres que les PMA accordent le même accès aux marchés que les Accords de Lomé. D’après les membres de cette commission, “le développement devrait figurer dans tous les dispositifs commerciaux présentés aux pays ACP, même lorsqu’elles n’ont pas la préférence de l’UE”.