Massacres et famine au Soudan

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Massacres et famine au Soudan

Les attaques armées contre des villageois déclenchent une énorme crise humanitaire
Africa Renewal
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AFP/Getty Images/Marco Longari
Réfugiés du Darfour dans un camp au Tchad. Dans l'ouest du Soudan, 2 millions de personnes en tout ont besoin de secours. Photo: AFP/Getty Images/Marco Longari

Depuis la fin de l'année dernière, la région du Darfour tout entière, à l'ouest du Soudan, connaît l'une des situations d'urgence les plus graves auxquelles le monde est confronté. Plusieurs milliers de villageois ont été tués alors que les forces armées soudanaises et une milice bénéficiant de l'appui du gouvernement s'efforcent de réprimer l'insurrection locale. L'ONU estime que quelque 2 millions de personnes, dont un grand nombre ont dû abandonner leur domicile à cause du conflit, ont un "besoin urgent d'aide." Par ailleurs, 130 000 personnes ont fui vers le Tchad voisin.

Le Darfour, a indiqué fin mai au Conseil de sécurité, Jan Egeland, le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires de l'ONU, risque de devenir "la pire catastrophe humanitaire de notre époque." L'ONU a lancé un appel de fonds pour obtenir 236 millions de dollars pour les opérations de secours d'urgence destinées au Darfour et plus de la moitié de cette somme a été promise au cours d'une réunion des bailleurs de fonds qui s'est tenue le 3 juin.

Attaques ethniques

Bien que le Soudan souffre souvent de la sécheresse, la crise actuelle est d'origine essentiellement politique. "Une politique de terre brûlée se pratique partout dans le Darfour et se traduit notamment par la destruction systématique des écoles, des puits, des semences et des ressources vivrières a déclaré M. Egeland au début du mois d'avril. J'estime qu'il s'agit là d'un nettoyage ethnique. Il n'y a pas d'autre terme pour qualifier ces attaques car elles ont pour cibles principales les Four, les Zaghawa, les Massalit et certaines autres communautés originaires d'Afrique noire."

Compte tenu de la gravité de la situation, le Secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, a invité le Président du Soudan, Omar Al Bachir, à désarmer les milices et à faciliter l'accès du personnel des organisations humanitaires. Il lui a également demandé d'assurer un cessez-le-feu humanitaire pour permettre la distribution de vivres et faciliter le déploiement d'observateurs de l'Union africaine.

 



"Une politique de terre brûlée se pratique partout dans le Darfour et se traduit notamment par la destruction systématique des écoles, des puits, des semences et des ressources vivrières. J'estime qu'il s'agit là d'un nettoyage ethnique."
-- Jan Egeland, Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires


 

Le Conseil de sécurité a, par ailleurs, déclaré le 25 mai qu'il "condamne fermement" les actes qui compromettent le règlement pacifique de la crise. Il s'est également déclaré profondément préoccupé par les informations selon lesquelles des violations massives des droits de l'homme et du droit international humanitaire sont perpétrées, "en particulier des actes de violence à caractère ethnique."

Litiges internes

C'est depuis la fin des années 80 que des affrontements armés se produisent au Darfour. Ils sont dus en partie aux conflits qui opposent les éleveurs de bétail aux agriculteurs sédentaires en ce qui concerne l'accès à la terre. En 2003, ces affrontements se sont brusquement intensifiés alors que deux mouvements rebelles faisaient leur apparition. C'est surtout auprès des communautés rurales four et massalit et des éleveurs zaghawa que les rebelles trouvent leurs alliés. Ils accusent le gouvernement central de Khartoum non seulement de marginaliser le Darfour mais aussi de soutenir les éleveurs nomades arabes dans les différends qui les opposent aux autres groupes.

Face à cette situation, les forces armées régulières soudanaises ont entrepris d'importantes opérations militaires. Par ailleurs, une milice irrégulière arabe, connue sous le nom de Djandjawid, a été constituée. Selon un rapport publié le 7 mai par le Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, nombre des attaques contre les civils ont été menées par des combattants Djandjawid se déplaçant à cheval et qui souvent, entrent dans les villages afin d'en tuer les résidents.

Bien que les pouvoirs publics aient soutenu que les Djandjawids constituent une force autonome, le rapport de l'ONU laisse entendre qu'un grand nombre de miliciens ont été payés et armés par le gouvernement. En outre, les attaques dirigées contre les villageois, se sont assorties d'attaques par des hélicoptères armés et de bombardements aériens. Les missions sur le terrain du Haut Commissaire des Nations Unies ont également permis d'établir que les rebelles ont eux-mêmes commis des violations des droits en enlevant notamment des enfants pour les obliger à servir dans leurs forces.

Le rapport de l'ONU a constaté des "signes inquiétants de violations massives des droits de l'homme" commises aussi bien par les forces armées régulières que par les Djandjawids. "Il est clair que la terreur règne au Darfour." Les victimes appartenant surtout à certains groupes ethniques, qui s'identifient comme "noirs" pour se différencier des personnes d'origine arabe, le rapport a également noté que le conflit a pris "une dimension ethnique, voire raciale, inquiétante." Un grand nombre des actions auxquelles l'armée et les milices se sont livrées "pourraient constituer des crimes de guerre et /ou des crimes contre l'humanité".

La paix dans le sud?

Le drame du Darfour survient alors que l'autre grand conflit que connaît le Soudan, dans le sud, semble s'acheminer vers un règlement global. Le 26 mai, le Gouvernement soudanais et les rebelles du Mouvement/Armée de libération du peuple soudanais ont signé les trois protocoles finals d'un accord de paix. Ceux-ci prévoient un partage du pouvoir et des recettes pétrolières pendant une période provisoire de six ans et demi à l'issue de laquelle les Soudanais du sud décideront par référendum s'ils souhaitent continuer à faire partie du Soudan ou bien constituer un État autonome.

Cet accord s'engage à mettre fin à une guerre qui dure depuis plus de 20 ans et a fait 1,5 million de victimes en même temps qu'elle a déplacé quelque 4 millions de personnes dans le sud du Soudan. Les insurgés continuent de s'opposer aux efforts déployés par les pouvoirs publics afin d'imposer la loi islamique -- la charia -- dans une région où le christianisme et l'animisme prédominent.

Bien que le conflit du Darfour ne possède pas les mêmes dimensions religieuses que celui du sud (les participants, des deux côtés, étant presque tous musulmans), on continue de craindre qu'il ne compromette le processus de paix dans le sud.

Mais si la paix prend racine au Sud-Soudan, les tensions que connaît le reste du pays pourraient bien s'atténuer. Le jour de la signature des protocoles, M. Annan, a appelé toutes les parties au Darfour "à saisir l'élan" créé par le processus de paix dans le sud afin de parvenir à un règlement politique dans leur région.