L'ONU s'efforce d'éviter un "nouveau Rwanda"

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L'ONU s'efforce d'éviter un "nouveau Rwanda"

Il est essentiel de respecter les droits de l'homme afin de faire obstacle aux génocides
Afrique Renouveau: 
AFP/Getty Images/Gianluigi Guercia
Une Rwandaise monte la garde dans un site rappelant le génocide de 1994. Photo: AFP/Getty Images/Gianluigi Guercia

Un nouveau massacre, semblable à celui qui a coûté la vie à des centaines de milliers de Rwandais il y a 10 ans de cela, serait-il en train de se produire ? Le 7 avril, alors que partout dans le monde des réunions marquaient le dixième anniversaire de ce génocide, un grand nombre des discours prononcés ont repris le refrain de "plus jamais ça." Mais on n'avait guère la certitude qu'une horreur comparable pourrait d'ores et déjà être prévenue.

"Face à un nouveau Rwanda, les gouvernements auraient-ils aujourd'hui le pouvoir et la volonté d'intervenir de manière efficace et opportune ?" a demandé le Secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, dans un message qui a été lu en son nom lors de la cérémonie officielle qui s'est déroulée à Kigali (Rwanda). "Nous n'en avons nullement la certitude."

Les massacres actuellement commis dans la région du Darfour, à l'ouest du Soudan, constituent un défi à relever d'urgence (voir "Massacres et famine dans l'Ouest du Soudan") et le jour de l'anniversaire du génocide rwandais, M. Annan a fait directement allusion devant la Commission des droits de l'homme à Genève aux violations graves des droits de l'homme et à la crise humanitaire croissante qui seraient en train de se produire au Darfour en affirmant que "la communauté internationale ne saurait rester passive."

M. Annan a reconnu dans son discours que ni le Secrétariat de l'ONU, ni le Conseil de sécurité, ni les gouvernements nationaux ni les médias internationaux n'avaient été assez vigilants face aux signes avant-coureurs de la catastrophe qui a frappé le Rwanda. Et alors même que les signes se multipliaient, ils sont restés inactifs.

C'est ainsi que 800 000 hommes, femmes et enfants environ ont été tués au Rwanda en l'espace de 100 jours à peine. La plupart des victimes appartenaient à la minorité tutsie, mais un grand nombre de Rwandais appartenant à la majorité hutue et qui s'opposaient aux politiques répressives du gouvernement ont également été tués. Ce n'est que lorsque les rebelles du Front patriotique rwandais se sont emparés du pouvoir à Kigali que le génocide a pris fin.

Les morts ne pouvant être ressuscités, "le seul hommage digne" que l'ONU puisse rendre à ceux qui ont péri en 1994, a dit M. Annan dans le même discours, est un plan d'action destiné à la prévention des génocides. Dans le cadre de ce plan portant sur cinq grands domaines il faudrait notamment:

Prévenir les conflits armés: les génocides se produisant presque toujours en période de guerre, les gouvernements et la communauté internationale doivent s'attaquer aux causes profondes des conflits. Il s'agit notamment de la haine, du racisme, de la déshumanisation des minorités, de la tyrannie, de la pauvreté, de l'inégalité, du chômage des jeunes et de la pénurie de ressources.

Assurer la protection des civils dans les conflits armés: lorsque des conflits éclatent, l'une des priorités absolues doit être de protéger les civils. Tous les combattants, aussi bien les Etats que les acteurs non-étatiques, doivent assumer la responsabilité qui leur incombe, en vertu du droit international, de protéger les civils. Il faut donner aux missions de maintien de la paix les moyens d'intervenir lorsque des civils sont en danger.

Mettre fin à l'impunité: il faut renforcer les systèmes judiciaires, à tous les niveaux, pour veiller à ce que les auteurs de génocides ou d'autres actes de violence à grande échelle ne puissent échapper aux poursuites.

Mettre en place un système d'alerte précoce et claire: nous devons reconnaître rapidement les signes avant-coureurs d'un génocide imminent ou potentiel.

Agir rapidement et résolument: les gouvernements nationaux, le Conseil de sécurité et les autres instances doivent faire preuve de la volonté politique nécessaire pour agir rapidement en cas de génocide.

Privilégier les droits de l'homme

M. Annan a indiqué que l'une des raisons de l'inertie constatée face au Rwanda tient au fait que "nous n'avions pas voulu accepter le fait que le risque de génocide existait bien. Et une fois le génocide enclenché, nous avons trop tardé à le reconnaître en tant que tel et à l'appeler par son nom."

Au cours d'une conférence qui s'est tenue le 26 mars à New York à la mémoire du génocide, le Conseiller spécial pour l'Afrique de l'ONU et Secrétaire général adjoint, Ibrahim Gambari, est revenu sur sa propre expérience en tant qu'Ambassadeur du Nigéria en 1994 lors des débats sur le Rwanda au Conseil de sécurité. "Les représentants du Gouvernement américain n'ont pas permis l'emploi du terme de "génocide" dans les déclarations publiques et en particulier durant les délibérations du Conseil de sécurité" a-t-il noté. Selon M. Gambari, si l'on hésitait à utiliser ce terme, c'était parce que les principaux membres du Conseil craignaient que cela n'obligeât à intervenir, comme le prévoit la Convention de l'ONU de 1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide.



Les pays africains doivent renforcer leurs institutions nationales ainsi que celles du continent afin d'empêcher le massacre de civils. "Nous devons apprendre à nous protéger les uns les autres" a déclaré le Président du Rwanda, Paul Kagame, à l'occasion de l'anniversaire du génocide.


Tout en faisant valoir qu'il est important de reconnaître que le génocide est quelque chose de bien réel, M. Annan a également tenu à souligner que "nous ne devons pas nous laisser freiner par des querelles légalistes sur la question de savoir si telle ou telle atrocité correspond à la définition du genocide. S'il faut attendre d'en être certain avant d'intervenir, il risque souvent d'être trop tard." Il faut donc, pour prévenir les génocides, prendre des mesures plus rapides et plus importantes afin de mettre fin aux violations massives des droits de l'homme.

M. Annan a annoncé la création du poste de conseiller spécial pour la prévention des génocides. Ce conseiller donnera l'alerte en présentant un compte-rendu au Conseil de sécurité et à l'Assemblée générale ainsi qu'à la Commission des droits de l'homme des Nations Unies. Sa mission, a souligné M. Annan "portera non seulement sur le génocide mais aussi sur les massacres et les autres violations massives des droits de l'homme, comme le nettoyage ethnique."

M. Annan a ajouté que les groupes de la société civile peuvent aussi jouer un rôle crucial. "Souvent ils sont les premiers à donner l'alerte face à une catastrophe imminente."

La Commission des droits de l'homme, a-t-il noté, a une responsabilité particulière car elle a un mécanisme de rapporteurs spéciaux, d'experts indépendants et de groupes de travail qui peuvent enquêter sur les violations graves afin d'attirer l'attention du public sur ces violations. Plusieurs rapports récents établis par le Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme ont mis fortement en garde contre des attaques dirigées contre des groupes ethniques et religieux, notamment au Soudan et en Côte d'Ivoire.

Du Darfour à Abidjan

Le rapport consacré au Soudan et publié au début du mois de mai a noté l'ampleur alarmante de la crise dans la région du Darfour où de nombreux civils ont été assassinés et de nombreux villages incendiés. Les enquêteurs ont conclu que "la réponse du Gouvernement à une rébellion qui semblait d'origine ethnique a revêtu un caractère ethnique." Ils ont également affirmé qu'"on assiste au Darfour à une évolution inquiétante de la situation caractérisée par un mépris des principes de base des droits de l'homme et du droit humanitaire de la part aussi bien des forces armées du Soudan que de leurs milices."

En mai, le Haut Commissaire aux droits de l'homme a également publié le rapport d'une commission spéciale d'enquête dépêchée en Côte d'Ivoire pour enquêter sur la répression brutale d'une manifestation antigouvernementale le 25 mars à Abidjan, la plus grande ville du pays. Cette marche avait été décrétée par les partis d'opposition afin d'exiger du gouvernement qu'il mette pleinement en oeuvre les accords de paix devant mettre fin à la guerre civile qui a commencé en septembre 2002.

Les manifestants n'étaient pas armés mais ils ont été presque immédiatement pris à partie par la police, par les troupes et les milices irrégulières loyales au Président Laurent Gbagbo. Ce jour-là et le lendemain, ces forces se sont déployées à travers les quartiers pauvres d'Abidjan où vivent surtout les membres de groupes ethniques du nord, en majorité musulmans, ou les immigrés du Burkina Faso, du Mali et d'autres pays voisins. La commission a conclu qu'il y avait eu au moins 120 morts et peut-être bien davantage.

"Les 25 et 26 mars, a déclaré la commission, on a systématiquement exécuté des civils innocents et commis des violations massives des droits de l'homme. La marche a constitué un prétexte pour ce qui s'est révélé être un plan minutieusement préparé et exécuté par les forces de sécurité, les unités spéciales et les forces dites parallèles sous la direction et la responsabilité des plus hautes autorités de l'Etat."

Notant la fréquence avec laquelle les tensions ethniques graves et les violations flagrantes des droits de l'homme se produisent à travers le continent, de nombreux commentateurs africains ont fait valoir que des massacres à grande échelle pourraient fort bien se produire dans leurs propres pays. En Ouganda, à l'issue d'une réunion consacrée à la prière pour les victimes du génocide rwandais, le Ministre du logement, Francis Babu, a déclaré à des reporters que certains hommes politiques ougandais ayant tendance à diviser la population "selon des lignes de partage tribales" des "massacres semblables à ceux qui se sont produits au Rwanda" n'étaient pas à exclure. Le quotidien ghanéen Ghanaian Chronicle, notant les massacres ethniques qui avaient été commis dans le nord du Ghana, a posé dans son titre de manchette la question, "Le Rwanda 10 ans après: la même chose pourrait-elle se produire au Ghana?"

Mettre fin à l'impunité

Après avoir débattu du rapport consacré à la Côte d'Ivoire, le Conseil de sécurité a non seulement condamné les violations des droits de l'homme dans le pays, mais également appelé à "mettre fin à l'impunité". Le Conseil de sécurité s'est félicité de la décision de la commission d'enquêter sur toutes les violations des droits de l'homme en Côte d'Ivoire depuis le début de la guerre.

Dans le discours qu'il a prononcé à Genève, M. Annan a souligné l'importance de l'obligation redditionnelle: "Nous ne pouvons guère espérer prévenir les génocides ni rassurer ceux qui vivent dans la crainte d'en être à nouveau victimes si les auteurs de ce crime particulièrement odieux sont laissés en liberté et ne sont pas traduits en justice. Il importe donc au plus haut point que nous mettions en place des systèmes judiciaires solides, au niveau national comme au niveau international et que nous les préservions, pour que peu à peu les gens s'aperçoivent qu'il n'y a pas d'impunité pour ce genre de crimes."

Avec la mise en place du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) la communauté internationale a pris l'une des premières mesures en ce sens en Afrique. Un tribunal spécial a ensuite été établi en Sierra Leone et, le 3 juin, il a commencé à juger les personnes accusées de crimes contre l'humanité commis durant la guerre civile qu'a connue le pays.

Les procureurs du TPIR ont choisi quelque 200 affaires concernant certains des principaux organisateurs du génocide rwandais. Ces affaires seront instruites et déboucheront peut-être sur des poursuites. Depuis 1997, année où les premiers procès ont commencé à Arusha (Tanzanie), le TPIR a jugé une vingtaine d'accusés et un nombre analogue d'accusés passent actuellement en jugement. Le Tribunal espère finir d'instruire toutes les affaires dont il est saisi avant la fin de cette année et en finir avec tous les procès en 2008 au plus tard.

Le TPIR a été le premier tribunal au monde à tenir un ancien chef de gouvernement pour responsable de génocide. Il a été le premier tribunal à établir que le viol constituait un acte de genocide et le premier tribunal à juger que les journalistes qui incitaient la population au génocide étaient eux-mêmes coupables de ce crime.

Le TPIR considère que ses efforts complètent ceux des tribunaux rwandais, y compris ceux des tribunaux communautaires novateurs connus sous le nom de gacacas. Depuis les premiers procès, organisés en 2002, des centaines de gacacas ont été établis. Chacun d'entre eux a à sa tête des juges élus par les collectivités locales là où des massacres ont été commis. En moins de deux ans les gacacas ont jugé plus de 7 000 personnes.

Lorsque les appareils judiciaires nationaux ne sont pas en mesure de le faire, la Cour pénale internationale (CPI), qui vient d'être créée, pourra aussi juger les crimes contre l'humanité, a indiqué M. Annan. La CPI n'étant compétente que pour les crimes perpétrés après le 1er juillet 2002, elle s'est jusqu'à présent surtout préoccupée de mettre en place ses structures et aucune affaire n'a encore été plaidée.

Toutefois, à la fin du mois de janvier 2004, le procureur de la CPI, M. Luis Moreno-Ocampo, a annoncé que la Cour allait instruire sa première affaire et ce, en Afrique. Elle se penchera sur les atrocités commises par le mouvement rebelle de l'Armée de résistance du Seigneur (LRA) dans le nord de l'Ouganda. L'insurrection menée par la LRA et les campagnes militaires menées par le gouvernement afin de la réprimer ont fait plus de 100 000 victimes depuis la fin des années 80 et déplacé 1,6 million de personnes environ. Les combattants de la LRA sont tristement célèbres pour la manière dont ils persécutent les villageois, pour les viols qu'ils commettent et pour les quelque 20 000 enfants qu'ils ont enlevés. En février, M. Moreno-Ocampo a évoqué le massacre par la LRA de plus de 200 personnes déplacées dans un camp au nord de l'Ouganda -- selon lui, une raison de plus pour enquêter sur les crimes commis par ce groupe.

Selon les partisans de la CPI, du tribunal pour le Rwanda et d'autres institutions judiciaires analogues, ces tribunaux, en punissant les auteurs d'atrocités, pourront peut-être faire changer d'avis ceux qui envisageraient d'organiser des massacres.

La volonté politique

L'amélioration des mécanismes d'alerte rapide et la suppression de l'impunité sont des mesures importantes si l'on veut barrer la route aux génocides. Toutefois, comme l'a rappelé M. Gambari, lors de la conférence qui s'est tenue pour commémorer le génocide rwandais, "Il faut avant tout une volonté politique d'agir rapidement et résolument." Au Rwanda, cette volonté a fait défaut.

Le Général Roméo Dallaire, qui était à la tête de la petite mission de maintien de la paix de l'ONU au Rwanda au moment du génocide, a indiqué lors de cette même conférence que la communauté internationale avait montré fort peu d'empressement à intervenir en Afrique. La force de l'ONU, a-t-il noté, était une mission sans budget ni structure alors que "dans le même temps des centaines de millions de dollars étaient déversés en Yougoslavie." Certains êtres humains, a-t-il demandé, "le sont-ils plus que d'autres?"

Récemment, les grandes puissances se sont montrées plus disposées à appuyer de nouvelles missions de maintien de la paix en Afrique. Sept missions de l'ONU, autorisées par le Conseil de sécurité, sont actuellement en place -- au Burundi, en Côte d'Ivoire, en République démocratique du Congo, en Ethiopie-Erythrée, au Libéria, en Sierra Leone et au Sahara occidental. Une autre mission est prévue dans le sud du Soudan.

Certains gouvernements du Nord ont également engagé des initiatives personnelles. En 2003, une force européenne multinationale de 1 200 hommes sous la houlette de la France a été envoyée dans la région d'Ituri en République démocratique du Congo alors que les massacres se généralisaient entre les groupes ethniques Lendu et Hema. Selon MM. Gareth Evans et Stephen Ellis, qui sont respectivement le président et le directeur du programme africain de l'International Crisis Group, un groupe d'experts qui a son siège à Bruxelles, il est pratiquement certain que cette intervention, surnommée Opération Artémis, "a permis d'éviter un génocide en Ituri".

En septembre 2003, l'Opération Artémis a officiellement cédé son pouvoir en matière de maintien de la paix en Ituri à la mission de l'ONU, la MONUC. M. Annan a cité l'oeuvre de la mission en Ituri en exemple des mandats plus robustes qui sous-tendent désormais les opérations de maintien de la paix, autorisées non seulement à se défendre lorsqu'on les attaque mais aussi à protéger les civils exposés à un risque imminent de violence. L'Ituri, a-t-il indiqué, est une région "où les conflits ethniques pourraient manifestement aller jusqu'au génocide, mais à présent les forces de maintien de la paix des Nations Unies "tiennent les milices locales en échec."

"La responsabilité de protéger"

Afin de susciter un plus grand intérêt de la part de la communauté internationale un rapport intitulé "La responsabilité de protéger" a été établi et un panel organisé au siège de l'ONU à l'occasion du dixième anniversaire du génocide rwandais s'en est fait largement l'écho. Ce rapport a été initialement publié en 2001 par la Commission internationale de l'intervention et de la souveraineté des Etats mise sur pied par le Canada et co-présidée par M. Gareth Evans, ancien Ministre des affaires étrangères de l'Australie et par M. Mohamed Sahnoun, ancien diplomate algérien.

Selon les membres de la commission, a expliqué M. Sahnoun au panel, lorsque les Etats ne veulent pas ou ne peuvent pas protéger leur population, la communauté internationale a "l'obligation morale" de protéger les civils en danger. "Si l'on intervient pour protéger des êtres humains, cela se justifie" a-t-il indiqué mais il faut avant tout privilégier les mesures préventives et n'adopter des mesures coercitives que lorsque les mesures de prévention restent sans effet.

Intervenant dans le cadre du même panel, M. Lloyd Axworthy, l'ancien Ministre des affaires étrangères du Canada qui exerce actuellement les fonctions d'envoyé spécial de l'ONU pour le litige frontalier opposant l'Ethiopie à l'Erythrée a noté que certains pays en développement ont manifesté leur inquiétude face aux notions "d'intervention humanitaire" ou de "responsabilité de protéger" qu'ils considèrent comme des moyens de justifier la poursuite des intérêts des pays du Nord. La guerre en Iraq "a intensifié ces appréhensions" a constaté M. Axworthy.

M. Sahnoun a, pour sa part, fait valoir que seule une "instance universellement reconnue" devrait cautionner une intervention internationale destinée à protéger les civils. Si le Conseil de sécurité veut assumer ce rôle il devra subir des réformes structurelles et notamment augmenter le nombre de ses membres afin d'être plus représentatif.

Initiative africaine

Plusieurs commentateurs africains soutiennent que l'Afrique dispose elle-même de bien des moyens de prévenir les génocides. "Nous, les Africains, devons prendre des mesures concrètes tout en attendant que l'on nous vienne en aide" a déclaré dans le cadre du panel de New York, le Général Henry Kwami Anyidoho, commandant adjoint de la mission de maintien de la paix de l'ONU au Rwanda en 1994.

Au cours d'une grande cérémonie organisée à Kigali dans le stade Amahoro afin de marquer le dixième anniversaire du génocide, le Président du Rwanda, Paul Kagame, a exhorté les pays d'Afrique à renforcer leurs propres institutions nationales et à unir leurs efforts afin d'empêcher des massacres comparables à ceux du Rwanda, "pour que nous n'ayons pas à dépendre de forces externes. Nous devons apprendre à nous protéger les uns les autres car personne ne nous doit rien."

Prenant la parole au siège de l'Union africaine (UA) à Addis-Abeba (Ethiopie) à l'occasion d'une réunion à la mémoire des victimes du génocide, le Président éthiopien, Girma Wolde-Giorgis, a indiqué que les efforts déployés par la communauté internationale afin d'éviter les conflits en Afrique étant très insuffisants, les Africains devraient renforcer les mécanismes de prévention des conflits de l'UA.

D'autres ont souligné la nécessité de pousser plus loin les réformes politiques au sein même des pays d'Afrique afin d'éviter les conflits pouvant favoriser les actes de génocide. "Si nous n'étions pas affligés de dirigeants avides, corrompus et despotiques qui choisissent de s'accrocher au pouvoir à tout prix, a fait valoir un chroniqueur dans le journal zimbabwéen Financial Gazette, la plupart des conflits qui font rage en Afrique ne se produiraient même pas".

M. Emmanuel Dongola, romancier qu'une guerre civile a forcé à fuir la République du Congo dans les années 90, a recommandé d'ôter aux hommes politiques les moyens de manipuler les identités ethniques. "Il faut reconstruire les Etats en tenant compte des différents groupes ethniques afin qu'aucun groupe ne se sente tenu à l'écart" a-t-il écrit dans le New York Times la veille de l'anniversaire du génocide au Rwanda.

"En changeant l'Etat dans ce sens, a poursuivi M. Dongola, on renforcera la sécurité de tous les citoyens. C'est cette sécurité, plus qu'un musée ou que des discours commémoratifs qui constituera le plus grand hommage que nous puissions rendre aux victimes du génocide rwandais."