NEPAD : Le temps de l’action

Get monthly
e-newsletter

NEPAD : Le temps de l’action

Le plan du développement rappelle les progrès accomplis et change de cap
Afrique Renouveau: 
World Bank / Scott Wallace
Farming in TanzaniaAgriculture en Tanzanie : le NEPAD encourage les gouvernements africains à consacrer 10% au moins de leurs budgets à l’agriculture et au développement rural.
Photo: Bankque modiale / Scott Wallace

La première décennie du nouveau millénaire tirant à sa fin, les partisans du développement de l’Afrique ont fait le point sur le développement du continent. “Pas mal de choses ont été accomplies”, affirme Ibrahim Assane Mayaki, le Secrétaire exécutif du Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD), principal projet de développement du continent. Dans un entretien accordé à Afrique Renouveau, il reconnaît toutefois que le NEPAD a connu “des hauts et des bas” en huit années d’existence et que les difficultés demeurent énormes.

À bien des égards, estime-t-il, la première étape de la mise en œuvre du NEPAD a été “expérimentale”, permettant aux gouvernements, aux organisations régionales et aux donateurs étrangers d’essayer de nouvelles méthodes pour lutter contre la misère, pour consolider les économies fragiles et renforcer les systèmes politiques chancelants. La stabilisation des institutions politiques et des organismes de développement achevée à l’échelle du continent, il est temps désormais, dit-il, de passer aux réalisations concrètes. “Il faut à présent tenir nos promesses sur le terrain, car c’est là qu’on est attendu”, souligne-t-il.

Le NEPAD a été adopté en 2001 à l’issue d’une réunion au sommet des chefs d’Etat africains. Le plan réaffirmait la détermination des Africains “de s’extirper eux-mêmes, ainsi que leur continent, du malaise du sous-développement et de l’exclusion d’une planète en cours de mondialisation”. A l’intérieur du continent, le NEPAD favorise une plus grande démocratie et le respect des droits de l’homme, l’intensification des échanges commerciaux et d’autres liens économiques entre les pays africains, ainsi que la mobilisation croissante des ressources nationales pour le développement des secteurs économiques productifs et l’amélioration du bien-être de la population.

Partenariats internationaux

À l’extérieur, le NEPAD propose une relation de type nouveau entre l’Afrique et la communauté internationale, dans le cadre de laquelle les partenaires non-africains s’efforceraient de contribuer à la réalisation des projets et des priorités du continent. Les Nations Unies, les principaux pays industrialisés du Groupe des Huit (G-8) et les différents organismes de donateurs se sont engagés à appuyer le plan africain. “Le soutien de la communauté internationale au NEPAD n’a jamais fait défaut”, se félicite M. Mayaki.

Ibrahim Assane MayakiIbrahim Assane Mayaki : L’intégration plus étroite du NEPAD dans les structures de l’Union africaine vise à élargir le soutien politique pour le programme à travers le continent.
Photo: ONU / Paulo Filgueiras

Dans ses rapports annuels à l’Assemblée générale, le Secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon n’a jamais manqué de souligner le soutien au NEPAD accordé par l’Afrique et ses partenaires. Dans son rapport le plus récent publié en juillet, M. Ban note que la totalité de l’aide accordée à l’Afrique, en termes réels, est passée de 29,5 milliards de dollars en 2004 à 42 milliards de dollars environ en 2008. Ce montant est toutefois bien inférieur aux contributions annoncées par le G-8.

Bien qu’une vingtaine de pays africains aient vu une bonne partie de leur dette annulée, plus de la moitié d’entre eux risquent de retomber dans le surendettement en raison de la diminution des recettes d’exportation consécutive au ralentissement du commerce international, fait remarquer le Secrétaire général. De plus, les politiques commerciales restrictives des principales puissances industrielles freinent les exportations africaines, portant ainsi préjudice aux agriculteurs et agroproducteurs du continent, souligne M. Ban.

Les premières évaluations indiquent que le volume des investissements étrangers directs à l’Afrique a augmenté considérablement, dépassant les 60 milliards en 2008. La récession mondiale et l’imposition de conditions de crédit plus strictes en 2009 risquent de ralentir cette tendance.

Gouvernance et citoyenneté

Tout en reconnaissant l’importance de l’aide étrangère, le plan affirme qu’il incombe aux peuples africains de rechercher des solutions à leurs problèmes.

Le Mécanisme africain d’évaluation par les pairs a été lancé en 2003 en marge du NEPAD pour accélérer la mise en place de pratiques démocratiques et de méthodes de gestion judicieuses. Pour ce faire, des groupes de personnalités africaines éminentes se rendent dans différents pays du continent où elles rencontrent des représentants gouvernementaux, des membres de l’opposition, des responsables de la société civile et d’autres organisations pour évaluer la gouvernance politique et la gestion économique. Bien que l’adhésion des gouvernements à ce mécanisme ne soit pas obligatoire, “un nombre croissant de pays ont décidé d’y participer de leur propre gré”, affirme M. Mayaki. Une trentaine de pays y ont souscrit à ce jour, et une douzaine ont achevé leur première évaluation.

A l’issue du processus d’évaluation, les gouvernements participants acceptent généralement d’appliquer plusieurs recommandations. C’est ainsi que le Ghana s’est engagé à renforcer le contrôle parlementaire du pouvoir exécutif, le Rwanda à réduire les tensions avec les pays voisins, le Kenya à diminuer l’influence ethnique dans la vie politique et l’Afrique du Sud à lutter contre la violence à l’encontre des femmes.

D’autres pays ne s’y sont pas conformés, note M. Mayaki, leurs gouvernements n’ayant pas les moyens d’appliquer les recommandations. Pour leur part, les mouvements de la société civile et le secteur privé doivent accroître leur pression pour inciter les gouvernements à suivre ce processus. “Vous avez beau avoir les meilleures institutions publiques, sans une conscience citoyenne les chances d’un développement démocratique sont limitées”, dit M. Mayaki.

De l’exploitation agricole à l’école

Le Programme intégré pour le développement de l’agriculture en Afrique est un exemple de la manière dont le NEPAD s’efforce de promouvoir l’adoption de mesures gouvernementales plus efficaces. Lancé en 2003, ce Programme vise à accroître le rendement agricole dans un cadre environnemental durable de manière à garantir la sécurité alimentaire, fournir plus de matières premières aux industries du continent et augmenter les revenus des zones rurales.

Le programme réaffirme l’engagement des gouvernements africains à consacrer 10% au moins de leurs budgets nationaux à l’agriculture. “A vrai dire, cet objectif n’a pas été atteint comme il convient”, déplore M. Mayaki.

Cherchant à susciter un intérêt accru pour le Programme intégré, les fondateurs du NEPAD ont lancé une série de consultations nationales à grande échelle impliquant gouvernements, représentants agricoles, commerçants et autres groupes. Le Libéria est devenu en octobre le huitième pays africain à adhérer officiellement au Programme engageant les pouvoirs publics, les organisations agricoles, le secteur privé et les organismes d’aide à la réalisation des objectifs du Programme, notamment l’allocation des 10% du budget à l’agriculture.

M. Mayaki estime par ailleurs que l’augmentation des revenus agricoles et la création de perspectives économiques dans les campagnes africaines seront des facteurs décisifs pour la stabilité à long terme du continent. En créant des emplois ruraux pour les jeunes en proie au mécontentement, les gouvernements consolideront leurs institutions politiques. Faute de quoi, affirme M. Mayaki, ceux-ci risquent d’avoir une “bombe politique” sur les bras.

D’autres initiatives et projets ont récemment été lancés dans le cadre du NEPAD :

  • La construction d’un câble sous-marin de 1,4 milliard de dollars, “Uhurunet”, destiné à donner accès à l’Internet à haut débit à tous les pays côtiers et insulaires de l’Afrique. Ce câble devrait être opérationnel avant la fin de 2010.
  • Un projet visant à améliorer l’enseignement des sciences, des mathématiques et de la technologie dans plusieurs pays de l’Afrique orientale et du Nord.
  • De nombreux projets visant à encourager l’autonomisation des femmes en offrant des microcrédits, des compétences professionnelles et une aide au développement des entreprises et d’autres formes d’assistance. L’Espagne a annoncé une contribution de l’ordre de 10 millions d’euros sur cinq ans, et rien qu’entre août 2008 et avril 2009, elle a accordé des subventions d’un montant de 6,3 millions d’euros à 77 projets dans 26 pays africains.
  • L’installation d’ordinateurs et d’autres outils technologiques d’information et de communication dans 80 établissements scolaires primaires et secondaires dans 16 pays, dans le cadre de l’initiative pilote L’informatique à l’école du NEPAD visant à doter les élèves de compétences et de connaissances techniques.

Mobilisation des ressources nationales

Le développement des infrastructures physiques de l’Afrique – routes, voies ferrées, ports, réseaux électriques, systèmes hydrauliques et réseaux de communication, est une autre priorité du NEPAD. Cette infrastructure est indispensable à l’essor des industries, des petites entreprises et des activités agricoles.

Le lancement de ces projets d’envergure coûte toutefois très cher. Une étude récemment publiée par la Banque mondiale estime qu’il faudrait engager quelque 80 milliards de dollars par an pour combler “l’écart d’infrastructure” de l’Afrique. Une partie de ce montant provient des donateurs et investisseurs étrangers. En 2008, les annonces de contribution des membres d’un consortium pour les infrastructures en Afrique ont atteint 13,7 milliards de dollars, en hausse par rapport aux 12,4 milliards annoncés l’année précédente.

 Le ralentissement économique mondial rend toutefois peu probable l’allocation de ces sommes.

Ces difficultés rendent plus pressant encore le besoin d’une utilisation plus judicieuse des ressources de financement nationales. D’après M. Mayaki, le potentiel est pourtant là. L’Afrique dépense à présent environ 40 milliards de dollars par an pour les importations alimentaires. La formulation de meilleures politiques agricoles et l’investissement d’une petite partie de ce montant dans des pratiques agricoles plus efficaces devraient entraîner une augmentation de la production alimentaire, réduisant ainsi sensiblement la facture des importations et permettant même de dégager des bénéfices grâce aux exportations alimentaires. En outre, souligne M. Mayaki, la fuite des capitaux coûte à l’Afrique environ 30 milliards de dollars par an, dont 20 milliards imputables à la corruption. En enrayant la corruption et en empêchant que ces montants astronomiques ne finissent dans les comptes bancaires étrangers, les pays africains seraient à même d’investir plus d’argent dans l’infrastructure et la satisfaction de leurs autres besoins prioritaires.

Prise de responsabilité élargie

Lorsque le NEPAD a été créé en 2001, l’Organisation de l’unité africaine, organe politique du continent à l’époque, était en passe de devenir ce qui est aujourd’hui l’Union africaine. La tâche d’établir les nouvelles institutions politiques et de sécurité propres à l’UA a pris du temps et nécessité toute l’attention des pays du continent. Plusieurs dirigeants africains se sont donc engagés à faire connaître le NEPAD, en Afrique comme à l’extérieur du continent, et un secrétariat du NEPAD a été établi à Pretoria (Afrique du Sud), distinct du Siège de l’UA installé à Addis-Abeba (Ethiopie).

Un sommet des dirigeants africains a décidé en 2007 d’intégrer plus étroitement le NEPAD dans l’UA. Les chefs d’Etat du continent ont prévu le remplacement du Secrétariat du NEPAD par un nouvel organe de planification et de coordination du NEPAD - processus qui devrait être achevé en 2010. Le nouvel organe continuera de siéger en Afrique du Sud, mais fera partie intégrante de l’UA. De fait, M. Mayaki n’est pas seulement le Secrétaire exécutif du NEPAD mais aussi le représentant en Afrique du Sud du Président de la Commission de l’UA.

Afrique Renouveau a demandé à M. Mayaki si l’intégration plus étroite du NEPAD dans l’UA correspondait à la volonté d’étendre la responsabilité politique pour le plan en Afrique, d’autant que plusieurs des fondateurs du NEPAD, comme le Président Olusegun Obasanjo du Nigéria et le Président Thabo Mbeki de l’Afrique du Sud, ne sont plus au pouvoir.

L’impulsion donnée par ces dirigeants au lancement du NEPAD “a été absolument indispensable”, a répondu M. Mayaki, car sans leurs efforts, le NEPAD n’aurait jamais été pris au sérieux. En ce moment, a-t-il poursuivi, “nous sommes dans une phase d’élargissement, pour faire passer le NEPAD sous la tutelle des 53 pays de l’Union africaine. Cette phase ne va toutefois pas sans difficulté. Il nous faudra être présents dans plus d’endroits et il nous faudra tenir nos promesses partout où nous nous trouvons”, a-t-il conclu.