Investir dans la santé des mères africaines

Get monthly
e-newsletter

Investir dans la santé des mères africaines

Un grand nombre d’entre elles sont trop pauvres pour survivre à un accouchement
Afrique Renouveau: 
Panos / Giacomo Pirozzi
Nurse listerning to a mother’s foetus in Liberia A l’écoute d’un fœtus au Libéria : Les femmes africaines n’ont pas seulement besoin d’avoir accès à des établissements de santé bien équipés ; il leur faut aussi l’aide d’un personnel qualifié qui puisse reconnaître et traiter les complications éventuelles.
Photo: Panos / Giacomo Pirozzi

La maternité Pumwani de Nairobi au Kenya, est le plus important centre de santé maternelle de l’Est et du Centre de l’Afrique. Située près de Mathare et de Korogocho, deux des plus grands bidonvilles de Nairobi, cette maternité aide environ 27 000 femmes à accoucher chaque année. La plupart sont pauvres et ont entre 14 et 18 ans.

Cette maternité publique a du mal à offrir les services les plus élémentaires car elle n’a ni les ressources, ni le matériel ni le personnel nécessaires.

La maternité Pumwani offre un bon exemple de l’état du système de santé en Afrique. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le coût élevé des services et le manque de personnel qualifié et de fournitures se traduisent pour les mères d’Afrique subsaharienne par l’absence de tout professionnel de la santé dans 60 % des accouchements.

L’OMS estime qu’au Nigéria, 800 000 femmes ont une fistule obstétricale, lésion invalidante qui est souvent causée par des problèmes à l’accouchement; le nombre de ces femmes augmente de 20 000 par an. En Tanzanie, 9 000 femmes meurent chaque année de complications liées à l’accouchement.

Soins de santé à bicyclette

Malgré la pénurie de ressources, certains pays ont réussi à trouver des moyens d’élargir l’accès aux services de santé maternelle. Au Sénégal, le Ministère de la santé et le Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA) financent conjointement le travail d’agents de santé locaux qui se rendent à vélo dans les villages pour y rendre visite aux femmes. Ils sont formés pour surveiller l’état de santé des femmes enceintes, envoient les femmes dans les dispensaires locaux pour les examens prénataux et veillent à ce qu’elles aillent dans un établissement où elles accoucheront avec l’aide d’un personnel formé.

“Ces bénévoles viennent de la population qu’ils servent, explique le Dr. Suzanne Maiga-Konate qui représente l’UNFPA au Sénégal.

De plus, l’UNFPA donne aux villages environ 50 dollars de capital d’amorçage pour mettre sur pied un fonds communautaire de santé. Les villageois s’arrangent entre eux sur la façon de réapprovisionner ce fonds, en général à l’aide de modestes contributions mensuelles. Le fonds est utilisé dans les cas d’urgence, par exemple pour transporter une femme à un hôpital de district quand des complications surgissent.

Des morts évitables

Dans toute l’Afrique, prévenir des décès en couches est un énorme défi. Alors qu’une Suédoise enceinte court seulement 1 chance sur 30 000 de mourir en couches, le risque en Sierra Leone atteint 1 sur 7. En 2002, l’OMS a averti que si rien n’était fait pour améliorer l’accès à la santé maternelle en Afrique, 2,5 millions de femmes mourraient d’ici la fin de la décennie et 49 millions survivraient handicapées.

Le Dr. Luc De Bernis, Conseiller principal de l’UNFPA pour la santé maternelle en Afrique, met en cause le délabrement des systèmes de santé africains. “Il faut un système efficace qui permette aux femmes de recevoir une aide à l’accouchement, a-t-il expliqué à Afrique Renouveau. Nous savons que 15 % des femmes enceintes connaissent des complications qui demandent des soins obstétriques, et qu’un maximum de 5 % auront besoin d’une intervention chirurgicale. Nous devons investir dans l’infrastructure nécessaire.”

A pregnant woman gets medicine and advice at a rural clinic in Kenya Une femme enceinte obtient médicaments et conseils dans un dispensaire rural du Kenya : Les gouvernements africains se sont engagés à consacrer 15% de leurs budgets à la santé, mais peu d’entre eux ont atteint cet objectif.
Photo: Panos / Giacomo Pirozzi

Le Dr. Luc De Bernis, Conseiller principal de l’UNFPA pour la santé maternelle en Afrique, met en cause le délabrement des systèmes de santé africains. “Il faut un système efficace qui permette aux femmes de recevoir une aide à l’accouchement, a-t-il expliqué à Afrique Renouveau. Nous savons que 15 % des femmes enceintes connaissent des complications qui demandent des soins obstétriques, et qu’un maximum de 5 % auront besoin d’une intervention chirurgicale. Nous devons investir dans l’infrastructure nécessaire."

Le Dr. Grace Kodindo, qui a dirigé le service de maternité de l’hôpital principal de Ndjamena, la capitale du Tchad, est du même avis. “Nous avons en Afrique une pénurie de personnel qualifié, dit-elle. Dans la plus grande partie du continent, nous avons 1 docteur pour 60 à 80 000 personnes. Nous manquons de matériel et de médicaments, et les régions rurales ne sont pas suffisamment desservies."

L’OMS estime qu’il serait possible d’éviter les trois quarts des décès et des handicaps liés aux accouchements si ceux-ci pouvaient avoir lieu dans des dispensaires bien équipés avec un personnel qualifié.

Selon le Dr. Yves Bergevin, conseiller principal pour la santé en matière de reproduction à l’UNFPA, toutes les femmes devraient se trouver à proximité d’un centre de santé pour pouvoir recevoir des conseils nutritionnels. Ces centres devraient aussi avoir du personnel formé à identifier les complications et soit à les traiter, soit à faire rapidement transférer la patiente vers un hôpital plus important. Il est nécessaire d’avoir des établissements offrant des services de chirurgie d’urgence et de transfusion sanguine. “Même s’il est trois heures du matin, en cas d’urgence obstétrique vous ne pouvez pas dire à la mère de revenir le lendemain, explique-t-il à Afrique Renouveau. Si cette femme a besoin d’une césarienne mais ne l’a pas, c’est très simple: elle mourra.”

Objectif du millénaire

Pour la communauté internationale, réduire la mortalité maternelle est une priorité. Les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), approuvés par les dirigeants du monde entier en septembre 2000, comprennent une cible spéciale de réduction des trois quarts d’ici à 2015 du nombre de femmes qui meurent pendant la grossesse ou l’accouchement.

Atteindre l’OMD concernant la réduction de la mortalité infantile et maternelle “est l’une des tâches les plus urgentes auxquelles nous faisons face, ”a déclaré Rose Migiro, Vice Secrétaire générale de l’ONU, en septembre 2007 à New York à l’occasion du lancement de la campagne Deliver Now, une campagne organisée par 80 gouvernements, bailleurs de fonds et organisations non gouvernementales, qui a pour but de multiplier les engagements d’aide et d’améliorer l’offre de services de soins maternels et l’accès à ces soins.

Maternal mortality rates

Des engagements problématiques

Les dirigeants africains se sont également engagés à améliorer les services de santé. Au cours d’une réunion tenue à Abuja au Nigéria en 2001, ils ont promis de mettre de côté 15 % de leurs budgets annuels pour améliorer l’accès aux services de santé. En 2004, seuls le Botswana et la Gambie avaient atteint cet objectif.

Le Dr. Kodindo met en doute la fermeté de l’engagement des gouvernements africains. “Oui, nous sommes pauvres, dit-elle. Mais nous avons de l’argent. Le Tchad, par exemple, est un producteur de pétrole, mais l’argent du pétrole sert à acheter des armes. Pendant ce temps, la mortalité maternelle n’est pas au programme… Nous avons vu d’autres pays, comme le Honduras et Sri Lanka, qui en dépit de leur pauvreté ont pu réaliser énormément de choses. Nos pays pourraient faire de même s’ils le voulaient vraiment. La mortalité maternelle ne constitue tout simplement pas une des priorités, sans quoi, les gouvernements l’auraient incluse dans leurs budgets annuels."

Le Dr. De Bernis souligne que les gouvernements et les bailleurs de fonds ont aussi tendance à se concentrer sur des thèmes spécifiques, comme l’infection à VIH, le paludisme et la tuberculose, et qu’ils négligent de s’occuper de l’état général des systèmes de santé africains. “Le renforcement des services de santé pour combattre la mortalité maternelle pourrait être une composante importante de tous ces programmes, ”soutient-t-il.

Et il ajoute: “une salle d’opérations ne servira pas seulement aux mères qui accouchent. Elle répondra aux besoins de la communauté. Une route qui mène à un établissement de santé aidera aussi la communauté. C’est une question de développement et les économistes devraient s’en rendre compte. On n’a jamais vu un pays connaître de développement sans un système de santé minimale. Ce qu’il nous faut, ce sont des investissements à long terme.”

Austérité et “partage des coûts”

Ce mauvais état du secteur de la santé en Afrique est en partie l’héritage de politiques appliquées pendant les années 80 et 90 à la demande du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale. Pour freiner la montée de la dette du continent et combattre la corruption et l’usage abusif des ressources, ces institutions financières internationales avaient prescrit un régime de réduction des dépenses nationales intérieures des gouvernements africains afin de rééquilibrer les budgets et d’assurer la poursuite du remboursement de la dette extérieure.

Cependant, affirme le Dr. Bergevin, cette austérité a aussi eu l’effet négatif de réduire le financement des soins de santé. Les établissements de santé se sont physiquement détériorés et on n’a plus engagé qu’un nombre limité de professionnels de la santé, en particulier de médecins. La médiocrité des rémunérations et les mauvaises conditions de travail ont poussé au départ un grand nombre de ceux qui étaient en poste. De nombreux docteurs ont émigré vers les pays développés. “L’Afrique ne s’en est jamais relevée, explique-t-il. Bien que les ajustements aient été nécessaires pour améliorer la discipline financière, ils ont eu des effets terribles sur le secteur de la santé.”

Les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), appellent à réduire des trois quarts d’ici à 2015 le nombre de décès de femmes pendant la grossesse ou à l’accouchement.

Pour surmonter le déclin du financement par les gouvernements, de nombreux hôpitaux ont commencé à demander aux patients de payer plus pour les services. Au Kenya, le gouvernement a introduit en 1989 un “ticket modérateur: ”dans les établissements de santé publics comme la maternité Pumwani, dans le cadre d’une initiative de la Banque mondiale pour obtenir un “partage des coûts” dans les services publics. “Nous demandons aux gens de mourir parce qu’ils n’ont pas les moyens de se faire soigner,” a déclaré le Dr. Shadrack Ojwang, gynécologue de l’hôpital principal dans un témoignage rapporté dans un rapport conjoint de la Fédération des avocates du Kenya et du Centre pour les droits en matière de procréation, une organisation américaine à but non lucratif. “Nous ne pouvons rien y faire tant que le parlement n’a pas annulé la législation sur le partage des coûts. Nous nous sommes engagés à l’aveuglette sans bien réfléchir à la question."

Le rapport des deux groupes note que face à l’impact négatif sur les systèmes de soins de santé, la Banque mondiale a fait machine arrière et arrêté de faire la promotion de ces tickets modérateurs. Elle appuie maintenant la mise en place d’un système de soins de santé élémentaires moins coûteux et qui inclurait des services de soins maternels.

Des effets inégalitaires

Mais étant donné qu’il n’y a pas assez d’argent pour offrir des services de santé gratuits, de nombreux établissements de santé africains restent prisonniers de pratiques de “partage des coûts”. Un tel modèle de “péage”, note le Dr. Bergevin, a eu des effets catastrophiques pour les plus pauvres qui ne peuvent pas payer les sommes exigées et dont l’accès aux soins de santé s’est réduit.

La situation à la maternité Pumwani est typique. Jusqu’à mai 2007, les patientes désireuses de recevoir des soins de maternité devaient faire un dépôt de 1 200 shillings kenyans (17 dollars US). Les femmes qui n’avaient pas l’argent se voyaient refuser l’admission. Un accouchement normal coûte 3 000 shillings kenyans, une césarienne 6 000, s’y ajoutent 400 shillings supplémentaires pour la première journée d’usage d’un lit. Un lit est facturé au taux quotidien de 400 shillings pour le reste du séjour de la patiente à l’hôpital. Ces tarifs sont bas comparés à ceux qui sont pratiqués par les établissements privés, mais élevés pour les 60 % de Kenyans qui vivent avec moins de 140 shillings (2 dollars) par jour.

En Ethiopie, où un modèle similaire existe, selon le Département des affaires économiques et sociales des Nations Unies, une femme riche a 28 fois plus de chances de bénéficier de la présence d’un docteur à son accouchement qu’une mère pauvre. Au Tchad et au Niger, 14 fois plus.

“Nous ne pouvons pas accepter des systèmes qui ne sont pas ouverts à tout le monde, dit le Dr. De Bernis, si les pauvres n’y ont pas accès, nous ne réduirons jamais de manière significative la mortalité maternelle. ”Il note que faire payer les services peut améliorer leur accès à ceux qui peuvent se permettre de payer et ainsi réduire le nombre global de décès maternels; mais négliger les pauvres serait inacceptable.”Nous devons veiller à ce que la réduction de la mortalité maternelle soit basée sur la réduction de la mortalité de tous, riches ou pauvres."

Consciente que les tarifs élevés entravaient l’accès aux soins de santé maternels, en mai 2007, la Ministre de la santé kényane de l’époque, Charity Ngilu, a aboli la facturation des services de maternité dans les hôpitaux publics comme Pumwani. Mais il faut bien que l’argent vienne de quelque part. Le Dr. Frida Govedi, responsable des services cliniques à Pumwani, souligne que l’établissement a déjà du mal à obtenir du conseil municipal de Nairobi la subvention limitée auquel il a droit. Le conseil municipal doit actuellement 100 millions de shillings kenyans. Sans cette somme et sans faire payer les usagers, l’hôpital “ne peut pas fonctionner”, affirme-t-elle.

“Nous ne pouvons pas accepter des systèmes qui ne sont pas ouverts à tout le monde, si les pauvres n’y ont pas accès, nous ne réduiront jamais de manière significative la mortalité maternelle.”

— Dr. Luc De Bernis, Conseiller principal, Fonds des Nations Unies pour la population

Le Dr. Ojwang est membre d’un groupe d’étude mis sur pied en 2004 par le gouvernement pour examiner le fonctionnement de la maternité. Il note que le conseil municipal de Nairobi a été lui-même miné par une mauvaise gestion et par la corruption. “L’argent disparaissait de la trésorerie, ce n’est que récemment que la maternité a commencé à mieux contrôler les fonds concernés.”

“Inacceptable”

Les dépenses de santé restent limitées dans toute l’Afrique. “Actuellement, les pays d’Afrique subsaharienne dépensent moins de 2 dollars par personne pour la santé maternelle, note le Dr. Bergevin. La plupart des experts s’accordent à dire qu’il faut dépenser au moins 8 dollars. Pour obtenir un système de santé complètement fonctionnel, il faut dépenser de 40 à 50 dollars par personne, sans tenir compte du coût des médicaments antirétroviraux."

Certains bailleurs de fonds cherchent à combler le déficit de financement de la santé maternelle. En octobre 2007, au lancement de la campagne Deliver Now, le Premier ministre norvégien, Jens Stoltenberg, a annoncé que son pays consacrerait au cours de la prochaine décennie 1 milliard de dollars à l’amélioration de la santé maternelle dans le monde. Il a aussi lancé un appel pour qu’une priorité plus importante soit assignée à la mortalité maternelle. “Le fait qu’on ne fasse presque aucun progrès en matière de santé maternelle est inacceptable. Il est tellement simple de faire quelque chose dans ce domaine. Cela ne coûte pas cher et nous savons ce qu’il faut faire. Nous n’aurions jamais accepté une telle mortalité s’il s’agissait de la mort de riches hommes blancs. C’est donc clairement une question d’égalité entre les sexes et d’égalité financière: ”a-t-il déclaré.

M. Stoltenberg a souligné que si un milliard de dollars semble une grosse somme, ce n’est, en réalité, pas grand-chose. C’est une fraction de notre aide au développement. L’aide publique au développement de la Norvège représente actuellement 0,97 % de son produit intérieur brut, chiffre supérieur à l’objectif de 0,7 % sur lequel la communauté internationale s’est mise d’accord. Cependant, la moyenne pour tous les pays bailleurs de fonds n’atteint qu’environ la moitié de ce chiffre. M. Stoltenberg soutient donc qu’une quantité d’argent beaucoup plus importante serait disponible si les gouvernements concernés tenaient leurs promesses.

Le Dr. De Bernis fait valoir que les efforts pour introduire la gratuité des soins ne devraient pas dépendre entièrement de l’aide fournie par les bailleurs de fonds. Etant donné les incertitudes qui pèsent sur l’aide extérieure, une telle politique “n’est pas viable à long terme."

Mais il ajoute qu’il y a d’autres possibilités: “en Afrique de l’Ouest, nous avons vu des exemples de partage des coûts utiles, ”qui ne placent pas tout le fardeau sur les épaules des patients. “On fait un calcul des coûts des soins de santé, de ce que le gouvernement peut payer et le reste du fardeau financier est partagé avec la communauté, explique-t-il. Cela aide à améliorer la qualité des soins et implique la communauté. Si l’ambulance ne marche pas ou si des médicaments ne sont pas disponibles, la communauté demandera pourquoi. ”Même dans de tels systèmes, les personnes réellement pauvres devraient toujours être dispensées de payer, soutient-il . “La communauté doit se mettre d’accord sur la manière de le faire."

En dépit des difficultés, son compatriote, le Dr. Bergevin, est optimiste. “Nous savons quoi faire pour réduire la mortalité maternelle et d’autres pays sont sur la bonne voie. ”Le défi le plus important est constitué par 66 pays en développement, dont 45 se trouvent en Afrique subsaharienne.

Les barrières sociales à une meilleure santé maternelle

Young mother in Ethiopia Une jeune mère éthiopienne : Les filles de 15 à 20 ans risquent deux fois plus de mourir en couches que celles qui ont une vingtaine d’années.
Photo: Alamy Images / Andrew Holt

Même quand des établissements de santé maternelle existent, les futures mères africaines n’obtiennent pas toujours les soins nécessaires en temps voulu. Une étude du bureau régional de l’OMS sur la réduction des taux de mortalité rapporte que parfois les femmes enceintes ou les personnes qui les assistent “ne reconnaissent pas les signes de danger et ne sont pas préparées à y faire face.” Le Dr. Yves Bergevin, conseiller principal pour la santé en matière de reproduction au Fonds des Nations Unies pour la population, pense qu’une des solutions serait d’améliorer la qualification des personnes chargées d’aider à l’accouchement.

Impliquer les hommes est important, affirme Lucy Idoko, la représentante adjointe de l’UNFPA au Nigéria. La plupart des hommes ne connaissent pas les risques liés à l’accouchement, dit-elle. “La santé maternelle n’est pas seulement une question féminine, c’est une question importante pour toute la société."

Certaines pratiques culturelles peuvent aussi entraîner des risques pour la santé des femmes. L’OMS cite les mutilations génitales, les mariages précoces et les grossesses à répétition. Les données de l’UNFPA démontrent que les filles qui ont un enfant entre 15 et 20 ans risquent deux fois plus de mourir en couches que celles qui ont une vingtaine d’années, les filles de moins de 15 ans courant, elles, un risque 5 fois plus élevé.

Le Dr. Grace Kodindo, ancienne responsable du service de maternité à l’hôpital général de Ndjamena au Tchad qui travaille aujourd’hui au programme de mortalité maternelle de Columbia University à New York, explique: “Les adolescentes risquent le plus un accouchement prématuré et difficile car leur corps n’est pas encore complètement développé. C’est pourquoi nous encourageons les jeunes femmes à retarder leur première grossesse."

Selon elle, la jeunesse et le statut social inférieur des femmes dans la société leur laisse souvent peu de pouvoir pour décider si elles veulent devenir enceinte. Elles ont également peu de choix quant au nombre et à l’intervalle entre les naissances de leurs enfants. “Les femmes devraient pouvoir décider de l’espacement des naissances de leurs enfants. Mais en Afrique, la femme ne peut pas prendre cette décision librement. Son statut dans la société est souvent déterminé par le nombre d’enfants qu’elle a. Beaucoup d’hommes ne veulent pas de planning familial parce qu’ils veulent du statut social que donne une famille nombreuse."

En 2004, l’OMS rapportait que 4 millions d’avortements environ étaient pratiqués chaque année en Afrique. L’avortement étant illégal dans la plupart des pays africains, c’est le plus souvent dans des conditions dangereuses. Il en résulte près de 30 000 décès, environ 13 % de tous les décès maternels en Afrique.

Selon l’OMS, 90 % des décès et des blessures liés à l’avortement pourraient être évités si les femmes qui le désirent pouvaient utiliser une forme de contraception. Mais globalement, moins de 25 % des africaines peuvent obtenir des contraceptifs. En Afrique de l’Ouest, le chiffre est de moins de 10 %. “Si le planning familial pouvait être offert, nous réduirions la mortalité maternelle” dit le Dr. Kodindo.

— Mary Kimani