Une Libérienne brise “le plafond de verre”

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Une Libérienne brise “le plafond de verre”

Ordre du jour ambitieux pour la Présidente Ellen Johnson-Sirleaf
Afrique Renouveau: 
UN / Mark Garten
President Ellen Johnson-Sirleaf Présidente Ellen Johnson-Sirleaf.
Photo: UN / Mark Garten

L’élection de Mme Ellen Johnson-Sirleaf à la présidence du Libéria constitue un double événement historique : un progrès décisif dans la transition de ce pays de l’Afrique occidentale vers la paix après 14 années de guerre civile, ainsi que la première élection d’une femme à la tête d’un pays africain.

Seule femme parmi les 22 candidats à la présidence au premier tour des élections d’octobre, Mme Johnson-Sirleaf l’a en fin de compte emporté sur tous ses concurrents. Parmi ceux-là figurait l’ancien champion de football George Weah, qu’elle a largement distancé au deuxième tour du 8 novembre, avec 59 % des voix contre 41 %.

“Nous avons brisé le plafond de verre, s’est exclamée Mme Johnson-Sirleaf devant ses partisans en liesse, faisant allusion à la discrimination qui a souvent empêché les femmes d’accéder aux plus hauts postes de direction. J’espère désormais que les femmes saisiront cette occasion pour participer activement aux affaires civiles et politiques”, a-t-elle ajouté.

Femmes Africa Solidarité, un réseau d’organisations non gouvernementales principalement actives dans les pays africains déchirés par les conflits, a qualifié cette élection de “grand bond en avant dans la lutte pour une participation égale à la prise de décision”. Mme Kofo Laja-Olugbesan, une des responsables de l’association féminine nigériane Target 2007, a estimé qu’il “s’agissait d’un moment historique que nous souhaitions et espérions toutes”.

Faire campagne sur ses propres mérites

Bien qu’elle se soit tout particulièrement adressée aux électrices, la campagne de Mme Johnson-Sirleaf a également porté sur de multiples questions : lutte contre la corruption, consolidation de la sécurité, réalisation de l’unité nationale et réconciliation et relance de l’économie de l’après-guerre.

Pour s’attirer les faveurs des électeurs, Mme Johnson-Sirleaf a mis l’accent sur ses qualifications et sa vaste expérience. Dans les années 1970, elle est Ministre adjointe des finances. Après le coup d’Etat fomenté en 1980 par le sergent Samuel Doe, elle quitte son pays pendant plusieurs années pour occuper des fonctions de responsable des prêts à la Banque mondiale et de directrice de CitiBank à Nairobi.

Dès son retour en 1985, elle est placée sous résidence surveillée sur ordre du Président Doe pour avoir critiqué le régime répressif de celui-ci. Contrainte une nouvelle fois à l’exil, Mme Johnson-Sirleaf assume de hautes fonctions dans diverses institutions bancaires et organismes d’investissements. En 1992, elle est nommée directrice du Bureau régional pour l’Afrique du Programme des Nations Unies pour le développement, poste qu’elle occupe pendant cinq ans.

Entre-temps, au Libéria, le Président Doe est assassiné et le pays sombre dans la guerre civile. En 1997, à l’occasion de la conclusion d’un accord de paix temporaire prévoyant la tenue d’élections, Mme Johnson-Sirleaf revient pour se présenter à l’élection présidentielle. Bien que battue, elle s’avère être le plus redoutable des concurrents de Charles Taylor, le plus puissant chef de guerre du pays.

Les méthodes dictatoriales de celui-ci finissent par déboucher de nouveau sur une guerre civile. Mme Johnson-Sirleaf participe à plusieurs tentatives de paix, tout en mettant son expérience en matière de règlement des conflits au service d’autres crises en Afrique. Elle a été l’une des sept personnalités éminentes chargées en 1999 par l’Organisation de l’Unité africaine d’enquêter sur le génocide du Rwanda, a contribué en 2002 à l’ouverture du dialogue entre différents courants politiques en République démocratique du Congo et a participé, la même année, à la rédaction d’un rapport du Fonds de développement des Nations Unies pour la femme (UNIFEM) consacré aux rôles des femmes dans l’édification de la paix.

En 2003, sous la formidable pression de l’opinion nationale et internationale, le Président Taylor quitte le Libéria, ouvrant ainsi la voie à la conclusion d’un accord de paix global. Une mission de maintien de la paix des Nations Unies supervise la démobilisation des factions armées et soutient les efforts des Libériens visant à tenir des élections libres et équitables. Dans son message de félicitations adressé à Mme Johnson-Sirleaf à l’occasion de sa victoire, le Secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan, a réaffirmé le soutien continu de l’Organisation aux efforts du Libéria en faveur d’une paix durable et du développement.

Un lourd programme

Les défis qui se posent à son nouveau gouvernement, qui prend ses fonctions à la mi-janvier, sont “redoutables”, a déclaré Mme Johnson-Sirleaf à Focus MINUL, publication de la Mission de maintien de la paix des Nations Unies au Libéria. “Il n’y a pratiquement rien dans ce pays qui ne soit prioritaire”, a-t-elle affirmé.

Le Libéria doit être remis sur pied. “Il nous faudra créer des emplois, a-t-elle dit. Inciter les agriculteurs à retourner à la terre et produire de quoi se nourrir eux-mêmes, améliorer les conditions de vie, ce qui implique la remise en état des réseaux électriques et d’alimentation en eau."

Mais avant tout, il faudra, à son avis, œuvrer à la réconciliation nationale et à la consolidation de la paix. La réalisation de ces objectifs consistera notamment à assurer la sécurité de tous les Libériens et également à désamorcer les tensions politiques qui se sont manifestées pendant la période électorale, lorsque les partisans de M. Weah ont manifesté dans la rue contre la défaite de leur candidat.

Mme Johnson-Sirleaf s’est engagée à former “un gouvernement d’ouverture” transparent et honnête, qui reflète toutes les opinions et encourage les prises de décision décentralisées. “Plus jamais dans ce pays une personne ou un groupe d’individus ne se sentiront exclus au point de recourir à la force au nom de la justice”, a-t-elle promis.