L'Afrique reste la plus touchée par la crise des réfugiés

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L'Afrique reste la plus touchée par la crise des réfugiés

L'Ethiopie et l'Ouganda se félicitent de la politique de la porte ouverte
Sulaiman Momodu
Afrique Renouveau: 
A man and his family register as refugees in Uganda. Photo credit: UNHCR/F. Noy
Photo credit: UNHCR/F. Noy
Des réfugiés se font enregistrer en Ouganda. Photo: AP/J.W.Alker

Les pays européens font face à un afflux de réfugiés sans précédent en provenance de Syrie, d'Iraq, ou d'Afghanistan. Les médias diffusent en boucle des récits choquants de femmes et d'enfants noyés en Méditerranée.

Mais la détresse provoquée par la crise des réfugiés en Europe a occulté les efforts fournis par les pays africains confrontés aux mêmes problèmes. Selon les Nations Unies, les pays en développement, notamment en Afrique, accueillent un nombre disproportionné de réfugiés - 80 % des réfugiés dans le monde - qui exercent une pression énorme sur les ressources en eau et les systèmes de santé.

Selon le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (HCR), le nombre de personnes fuyant la guerre, les conflits internes, la sécheresse ou la précarité économique est à un record historique de 65,3 millions, dont 21, 3 millions de réfugiés, plus de la moitié a moins de 18 ans ; le reste étant des migrants économiques et des déplacés.  Les conflits ou persécutions créent 34 000 déplacés par jour tandis que pas moins de 10 millions d'apatrides sont privés de droits fondamentaux tels que l'éducation, les soins de santé, l'emploi et la liberté de mouvement. 

Politique de la porte ouverte 

Grâce à une politique de la porte ouverte permettant l'accès et la protection humanitaires, l'Éthiopie accueille le plus grand nombre de réfugiés en Afrique soit près de 740 000, principalement de Somalie, d'Érythrée, du Soudan et du Sud-Soudan.

En République centrafricaine, les affrontements entre groupes rivaux ont forcé des milliers de personnes à fuir leurs domiciles. Au Nigéria, plus de 2 millions de personnes ont été déplacées, dont 1,87 million victimes du groupe terroriste Boko Haram depuis 2014. Environ 195 350 personnes se sont réfugiées au Cameroun, au Tchad et au Niger.

Au camp de réfugiés de Kule, en Ethiopie, Nyahok Reath, 13 ans, une réfugiée du Sud-Soudan, raconte à Afrique Renouveau qu'après son accession à l'indépendance en 2011 et jusqu'en décembre 2013, la vie était belle dans la plus jeune nation du monde. Mais avec sa famille et presque sans nourriture, elle a dû marcher pendant une semaine pour se réfugier en Éthiopie. 

« Au Sud-Soudan, nous avions assez à manger, l'école était de qualité et nous avions beaucoup de vaches. Mais quand la guerre a commencé, nous avons dû tout abandonner et fuir, » se souvient-elle toute triste. « Nous faisons du jardinage ici pour gagner un peu d'argent, mais parfois je  n’ai pas à manger et je vais à l'école pieds nus. » Le gouvernement éthiopien, le HCR et ses partenaires aident les réfugiés sud-soudanais.  

Après avoir vu des avions humanitaires de l'ONU décoller de l'aéroport près de son domicile au Sud-Soudan, la jeune fille veut devenir pilote. « Je voudrais voyager et aider les nécessiteux », a déclaré Nyahok, qui est en septième année d'une école primaire dans le camp. L'école n’a pas de 10ième, 11ième et 12ième années, ce qui réduit les chances de Nyahok d'obtenir son diplôme. La reprise des combats depuis juillet a porté le nombre total de réfugiés sud-soudanais en Afrique de l'Est à plus d'un million.

Le Haut-Commissaire adjoint à la protection du HCR, Volker Türk, a appelé, en octobre, à un redoublement mondial des efforts visant à assurer la protection des réfugiés. 

Meilleure  politique ougandaise

M. Türk a félicité les pays qui gardent leurs frontières ouvertes, offrant aux réfugiés un nouveau départ et a cité en exemple « les lois et les politiques d'accueil généreuses» de l'Ouganda. Le pays leur accorde la liberté de mouvement, la possibilité de travailler ainsi que des terres pour de nouvelles habitations ou pour l'agriculture. 

La Banque mondiale, le Centre d'études sur les réfugiés (branche de l'Université d'Oxford qui étudie la migration forcée) et d'autres organisations saluent la politique hospitalière de l'Ouganda qui accueille plus de 500 000 réfugiés du Burundi, de la République démocratique du Congo et du Sud-Soudan.

D'après les militants humanitaires, les défis actuels sont complexes et interconnectés. La croissance démographique, le changement climatique, l'urbanisation, la pénurie d'eau et l'insécurité alimentaire et énergétique exacerbent les conflits.

Le Haut-Commissaire pour les réfugiés de l'ONU, M. FilippoGrandi, a indiqué lors de la réunion annuelle du Comité exécutif du HCR à Genève en octobre que « les gens se déplacent historiquement plus rapidement, sur des distances plus longues et pour des raisons plus complexes ». 

« Les réfugiés sont privés de leurs foyers », a déclaré le Secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, « mais ne doivent pas être privés de leur avenir ». Ils font face à des difficultés de survie élémentaires et ont besoin d'un abri, de nourriture, d'eau, de soins et de sécurité.

En septembre dernier, l'Assemblée générale des Nations Unies a tenu son premier sommet de haut niveau pour répondre aux besoins humanitaires des réfugiés et des migrants. Les États ont adopté un accord dans lequel ils s'engagent à offrir un meilleur accès à l'éducation aux enfants, à améliorer les conditions de travail des adultes déplacés et à lutter contre la xénophobie. 

M. Ban a qualifié la Déclaration relative aux réfugiés et migrants de «  percée dans nos efforts collectifs pour relever les défis de la mobilité humaine ».

Les États se sont également engagés à « élargir le nombre et les voies de recours afin que les réfugiés soient admis ou réinstallés dans des pays tiers ». La promesse de réinstaller 10 % des réfugiés dans les pays développés a finalement été exclue. 

Au même moment, au Siège de l'ONU à New York, les dirigeants du Canada, de l'Éthiopie, de l'Allemagne, de la Jordanie, du Mexique et de la Suède s’étaient joints au président américain, Barack Obama, pour le Sommet des dirigeants sur les réfugiés. Les dirigeants qui s'exprimaient ont au préalable promis d'apporter plus de soutien, d'accueillir plus de réfugiés ou de venir en aide aux pays d'accueil.

Le président Obama a décrit la crise comme un « test de notre humanité commune », ajoutant que « Nous devons reconnaître que les réfugiés sont le symptôme d'échecs plus grands, tels que la guerre, les tensions ethniques ou les persécutions.  »

Tandis que le Sommet des dirigeants était axé sur les réfugiés, et non sur les migrants, la réunion de l'Assemblée générale des Nations Unies a abordé les deux sujets. Certains reprochent néanmoins aux deux évènements de ne pas avoir consacré suffisamment de temps aux causes profondes des déplacements et des insécurités. 

Beaucoup espèrent que le nouveau Secrétaire Général des Nations Unies, António Guterres, ancien chef du HCR, parviendra à attirer l'attention sur le sort des réfugiés et susciter des interventions proactives. 

« Durant ses dix années passées au HCR, M. Guterres a géré certaines des plus grandes crises de réfugiés de notre époque », a déclaré M. Grandi, ajoutant, « Il était un défenseur infatigable des réfugiés, des déplacés et des apatrides, défendant leurs droits sur le terrain comme au plus haut niveau politique ». 

Malgré le relèvement du budget annuel du HCR, M. Grandi indique que les fonds disponibles pour 2016 s'élèvent à 3,76 milliards de dollars américains, soit la moitié des besoins.