Les dirigeants africains s’engagent à se battre pour un accord sur le changement climatique

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Les dirigeants africains s’engagent à se battre pour un accord sur le changement climatique

Une occasion de mettre en évidence le lien entre le climat et le développement
Dan Shepard
Afrique Renouveau: 
The shrinking Gilgel Abbay River, Amhara region, Ethiopia. Photo: Panos/ Petterik Wiggers
Photo: Panos/ Petterik Wiggers
Rétrécissement du lit de la rivière Gilgel Abbay dans la région d’Amhara, Ethiopie. Photo: Panos/ Petterik Wiggers

Aux yeux des dirigeants africains, des chercheurs et des experts en matière de changements climatiques, l’accord sur le changement climatique en cours de négociation et qui devrait être adopté à Paris en décembre, constitue l’occasion de mettre en évidence  le lien qui existe entre le climat et le développement. 

Lors du Sommet sur le développement durable qui s’est tenu au siège des Nations Unies à New York en septembre, plusieurs dirigeants africains ont plaidé avec détermination en faveur d’un  accord solide sur le changement climatique à Paris. Ils ont affirmé que des variations météorologiques  extrêmes sur le continent avaient entraîné des coûts humains catastrophiques et affecté  les moyens de subsistance. Il est essentiel de prendre des mesures pour lutter contre le changement climatique  afin de promouvoir le développement durable, ont-ils déclaré aux Nations Unies, alors qu’ils adoptaient un nouveau programme mondial — les Objectifs de développement durable (ODD) — afin de réduire la pauvreté, promouvoir la prospérité et protéger l’environnement. 

Les 196 États parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) négocient les modalités d’un accord qui mettra la planète sur la voie d’une  limitation de la hausse des températures à moins de 2 degrés Celsius (point où les conséquences les plus néfastes du changement climatique peuvent être évitées) et réduira les émissions de gaz à effet de serre que l’on tient pour responsables  des variations météorologiques  extrêmes.

Afin de mettre en œuvre une approche uniforme lors des négociations, des experts africains issus du secteur public, du secteur privé, des milieux académiques et du secteur des médias se sont réunis en mars dernier à Addis-Abeba, en Éthiopie, sous les auspices de la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique (CEA), lors de la Conférence des ministres africains des finances, organisée conjointement par la Commission et l’Union africaine. À l’issue de leurs débats, ces experts ont demandé qu’en plus des efforts et des ressources fournis à chaque pays  par les partenaires internationaux, des ressources supplémentaires soient allouées à l’Afrique pour lui permettre de faire face aux  problèmes posés par les  changements climatiques, selon un rapport sur la réunion  de la CEA.  

Les experts africains ont fait valoir que l’Afrique contribue peu au réchauffement de la planète, et que les émissions provenant des activités des multinationales devraient être imputées aux bénéficiaires de ces investissements, et non aux pays d’accueil. 

Variations météorologiques extrêmes

Le changement climatique nuit aux pays africains de diverses manières, ont insisté les chefs d’État africains réunis à l’ONU en septembre. Le nouveau président du Nigéria, Muhammad Buhari, a indiqué que ses effets se manifestent notamment par  des variations météorologiques extrêmes, l’élévation du niveau de la mer, l’avancée du désert, une pluviométrie excessive, des inondations et la dégradation des terres. « Ces changements, a déclaré le Président Buhari, ont des coûts humains catastrophiques  et affectent la sécurité alimentaire, les moyens de subsistance et la survie même de notre peuple. »

Contrairement aux précédentes négociations sur le climat qui comportaient des objectifs allant du « sommet vers la base », chaque pays présentera des plans de réduction des émissions de carbone, dans le cadre de l’Accord de Paris.  Ces plans nationaux, visant à rendre les pays responsables de leurs engagements, seront à leur tour inclus dans l’objectif mondial. Les experts ne pensent pas que ces plans qui ont été soumis avant la conférence soient exhaustifs. L’Accord de Paris devra donc décrire la manière dont le monde devra s’y prendre pour consolider la volonté nécessaire pour éviter les effets les plus néfastes du changement climatique.  

La hausse des températures 

Les décideurs africains sont conscients de ce que peut engendrer  l’inaction face aux changements climatiques, notamment une hausse des températures qui pourrait dépasser 4 degrés Celsius d’ici à la fin du siècle. Selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), un organe de l’ONU qui évalue et élabore des rapports sur l’état du changement climatique, la région est déjà confrontée à une accélération plus rapide du changement climatique que le  reste du monde. « Une augmentation de la température de la planète de 2 ° C d’ici à 2050 sera catastrophique pour l’Afrique », avertit le rapport présenté lors de la réunion  d’Addis-Abeba.

Selon le GIEC, on dispose déjà de plus en plus d’éléments attestant le réchauffement des terres  à travers l’Afrique;  ce sont la baisse de la pluviométrie, la rareté de l’eau et l’insécurité alimentaire. Les chefs d’État africains, pour leur part, ont indiqué clairement au Sommet sur les ODD en septembre que tout accord devait être accompagné d’un financement pour la lutte contre les effets du changement climatique, qui permettrait à leurs pays de développer des économies à faible émission de carbone et de s’adapter aux effets du changement climatique.

Afin de financer les mesures d’adaptation au changement climatique et d’atténuation des effets de ce changement, l’Afrique comptera beaucoup sur le Fonds vert pour le climat (GCF), créé par les États parties à  la CCNUCC pour aider les pays en développement. Mais le problème est que les pays riches tardent à honorer leurs engagements financiers. C’est ainsi que le Japon et les États-Unis ont déboursé  à peine 15 millions de dollars sur les 4,5 milliards  que chacun d’eux  avait promis d’apporter pour soutenir les efforts de l’Afrique.  « Il s’agit-là d’une goutte d’eau dans l’océan », indique le rapport, tout en ajoutant que l’Afrique pourrait avoir besoin de 20 à 30 milliards de dollars par an pour s’adapter au changement climatique.  

Certains experts sont sceptiques quant à la disponibilité d’un financement permettant la mise en œuvre d’un quelconque accord qui serait signé à Paris. L’Afrique du Sud, qui préside actuellement le Groupe des 77 représentant 134 pays en développement durant les négociations, a indiqué qu’un fonds de financement viable était indispensable pour qu’un accord puisse être conclu. Le Président sud-africain Jacob Zuma a tenu à souligner que : « tout fonds de financement fourni à Paris et qui serait modique ne serait pas acceptable », et il a exhorté les pays développés à honorer leurs  obligations actuelles. 

Tout en qualifiant le changement climatique de « plus grand défi auquel  l’humanité est confrontée», le Président djiboutien Ismaël Omar Guelleh a ajouté que la demande d’aide formulée par l’Afrique était légitime et compréhensible, parce que le continent est plus touché que les autres régions.

Compte non tenu des questions d’argent, les experts africains qui se sont réunis à Addis-Abeba souhaiteraient voir davantage d’experts africains participer aux  débats futurs sur le changement climatique. « Les scientifiques et chercheurs africains sont largement sous-représentés dans le processus du GIEC, » ont-ils déclaré. Se servant des recommandations de la CEA comme guide, les négociateurs africains feront valoir que tout accord sur le changement climatique devrait également inclure un plan qui traite des questions sociales telles que la pauvreté, la santé, l’éducation et le genre. Des programmes d’adaptation doivent être conçus par un groupe se composant de représentants du secteur privé, de la société civile et des milieux universitaires.

Par ailleurs, les experts africains préconiseront un accroissement du nombre de réseaux d’observation du climat établis sur le continent afin de faciliter la surveillance en temps réel et la collecte de données. Le rapport de la CEA indique qu’il est nécessaire de  « renforcer les capacités et les technologies appropriées pour un développement soucieux de l’environnement. » 

Le Président Zuma souhaite que les experts réunis à Paris réduisent les disparités existantes en matière d’objectifs d’ici à 2020, notamment en accélérant l’adoption de mesures avant l’entrée en vigueur du nouvel accord, de sorte à atteindre l’objectif d’une limitation de la hausse des températures du globe à moins de 2 degrés Celsius. L’on ignore encore si toutes les recommandations des dirigeants et experts africains figurent  dans l’accord final. 

En attendant, alors que l’Afrique met en avant ses intérêts dans le cadre des négociations  précédant la Conférence de Paris, il est à espérer que l’enthousiasme mondial actuel en faveur d’un accord sur le changement climatique donnera lieu à des actes au moment de sa mise en œuvre.