Les villes africaines de demain

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Les villes africaines de demain

La durabilité des villes passe par une bonne planification
Busani Bafana
Afrique Renouveau: 
A model of the future Kigali City. An ambitious Kigali development master plan aims to turn the city into the ‘Singapore of Africa’. Panos/Sven Torfinn
Panos/Sven Torfinn
Maquette du futur de Kigali, Un plan urbain ambitieux visant à faire de la ville, le “Singapour de l’Afrique.” Photo: Panos/Sven Torfinn
L’un des objectifs de développement durable consiste à concevoir des villes assurant l’égalité des chances pour tous, notamment en matière d’accès aux services de base, à l’énergie, au logement et au transport. Ce numéro spécial parle des villes comme Lagos et Kigali, en transformation; et d’Abidjan et Mogadiscio, en convalescence.

Avec un taux de croissance économique annuel d’environ 5 % ces dix dernières années, qui repose principalement sur le boom des matières premières, les villes africaines ont vu leur croissance démographique atteindre des sommets, confrontant les gouvernements à une multitude de défis en matière de développement.

L’Afrique s’urbanise à un taux de 4 % par an, indique ONU-Habitat, l’agence des Nations Unies chargée d’aider les programmes nationaux d’établissements humains en apportant une assistance technique et financière, notamment dans les pays en développement. L’exode rural des populations entraîne un certain nombre de difficultés, comme la surpopulation, la pollution et la criminalité.

Selon Joan Clos, le directeur exécutif d’ONU-Habitat, « Dans l’Afrique d’aujourd’hui, l’urbanisation est un outil de développement et de croissance inexploité.»

Ces 15 prochaines années, les villes africaines afficheront des taux de croissance supérieurs à ceux des autres régions du monde, prévoit Oxford Economics, une société britannique spécialisée dans la prévision et l’analyse quantitative globale pour les entreprises et les gouvernements. Le Cap, Dar es Salaam, Johannesburg et Luanda devraient devenir les premiers géants économiques de l’Afrique.

Jean-Pierre Elong Mbassi, secrétaire général de Cités et gouvernements locaux unis d’Afrique (CGLUA), un organisme représentant plus de 1 000 villes africaines, décrit les villes durables comme des « villes de demain, aujourd’hui », à savoir des villes capables de résister à la pression intense exercée par un développement rapide et des investissements urbains, sans effets négatifs sur l’environnement.

La croissance économique et une population d’environ 1 milliard de personnes et en expansion rapide signifient davantage d’urbanisation en Afrique que sur n’importe quel autre continent. En outre, les principales villes africaines contribuent actuellement au PIB du continent à hauteur de 700 milliards de dollars, un chiffre qui devrait atteindre 1,7 billion d’ici à 2030, note Oxford Economics. 

Selon ONU-Habitat, l’urbanisation rapide, surtout dans les villes des pays en développement, pose des défis en matière de répartition des personnes et des ressources, ainsi que d’utilisation des sols, ce qui conduit à des modes inefficaces d’utilisation des sols. Les villes qui se développent horizontalement font difficilement face à l’augmentation de la population urbaine et risquent de ne pas être durables à long terme, en raison des problèmes d’embouteillages, d’infrastructures, de pollution et de désagrégation sociale.

La hausse de l’exode rural peut aggraver la pauvreté et les inégalités à mesure que les personnes affluent vers les villes à la recherche d’un emploi et d’opportunités, mettant à rude épreuve les services disponibles tels que l’eau, le transport et le ramassage des ordures. 

« L’urbanisation, en particulier dans les pays en développement, s’est accompagnée de niveaux accrus de criminalité, de violence et d’anarchie. Des études mondiales montrent que 60 % de tous les résidents urbains des pays en développement ont été victimes de crimes au moins une fois au cours des cinq dernières années, dont 70 % en Amérique latine et en Afrique »,
 indique le site Internet d’ONU-Habitat.

Les femmes et les enfants sont souvent les plus touchés, surtout quand la peur les empêche d’accéder aux services de base de la ville. La criminalité et l’insécurité en ville freinent le développement social et économique urbain, en plus de compromettre les opportunités et les politiques favorables aux pauvres en milieu urbain.

Des villes durables

La nécessité de villes durables est particulièrement urgente, étant donné que les villes produisent plus de 70 % des émissions mondiales de carbone. Le milliard d’habitants de taudis dans le monde subissent les effets négatifs de la pollution atmosphérique causée par la cuisine en intérieur, de la proximité avec le trafic et les usines, de l’eau polluée et de l’assainissement insuffisant, entre autres risques sanitaires liés à l’environnement. 

ONU-Habitat propose une démarche  en trois volets vers des villes durables, fondée sur une législation urbaine globale et efficace, un bon aménagement urbain et une bonne planification urbaine, ainsi que sur un financement adéquat des projets. Ces trois principes peuvent être des leviers de transformation des villes et des établissements humains en centres offrant une plus grande durabilité environnementale, économique et sociale.

Ce n’est que depuis peu que le changement climatique est pris en compte  dans la planification des villes durables. Les milieux urbains africains sont particulièrement vulnérables aux inondations et aux flambées de maladies telles que le paludisme. Toutefois, celles-ci peuvent être atténuées grâce à une bonne planification, une mise en œuvre efficace des politiques, la protection des zones écologiquement sensibles, le reboisement et l’utilisation des déchets pour la production d’énergie, par exemple. 

Compte tenu des difficultés économiques et sociales rencontrées par de nombreuses villes africaines, celles-ci peuvent-elles offrir à leurs habitants une  qualité de vie élevée en fournissant des services de base efficaces tout en garantissant la sécurité et la propreté de l’environnement ? 

« Oui, en principe », répond M. Mbassi, et d’ajouter que cela nécessiterait un rythme de développement en Afrique qui ne doit pas forcément ressembler à celui de l’Occident.

« Nous devons planifier les villes en fonction de leur situation particulière et des besoins de la population locale, afin  que  tout le monde soit pris en compte et que les pauvres ne soient pas marginalisés en ce qui concerne l’accès à tous les services que peut offrir une ville  », a confié M. Mbassi à Afrique Renouveau lors d’un entretien. 

Un nouvel agenda 

En collaboration avec la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique, les CGLUA ont élaboré le Programme  urbain pour  l’Afrique (AUA), qui sera adopté par les dirigeants africains en juillet 2016. Ce Programme  comporte  les mesures que l’Afrique doit prendre afin d’améliorer ses villes et ses établissements, ainsi que de promouvoir l’urbanisation comme  catalyseur de  la transformation structurelle du continent. Il représente les contributions  de l’Afrique à l’Agenda urbain mondial qui sera adopté lors d’Habitat III, une conférence sur le logement et le développement urbain durable que tiendra ONU-Habitat en octobre 2016 à Quito en Équateur.

Les pays participant à Habitat III,  premier sommet mondial des Nations Unies après l’adoption des objectifs de développement durable et de l’accord de Paris sur le changement climatique, devraient adopter le « Nouvel agenda urbain » pour le XXIe siècle. 

Il est clair que la planification urbaine exige un changement de perception de   l’urbanisation qui doit être considérée non pas comme un problème, mais comme un outil de  développement, indique ONU-Habitat dans son rapport UN-Habitat Global Activities Report 2015: Increasing Synergy for Greater National Ownership

Lors d’une réunion organisée en mars 2014 en Éthiopie par ONU-Habitat et la Commission économique pour l’Afrique (CEA) et qui avait pour thème « Le rôle de l’urbanisation dans la transformation structurelle de l’Afrique », le directeur des affaires politiques à la Commission de l’Union africaine, Khabele Matlosa, a déclaré que les pays africains doivent adopter de nouveaux modèles de développement conçus pour tirer profit de l’urbanisation en facilitant la transformation structurelle, en créant des emplois et en répondant aux inégalités sociales et à la pauvreté tout en créant des établissements habitables avec l’égalité des chances pour tous.

En finir avec les  bidonvilles

Si l’urbanisation bien planifiée, l’industrialisation, la croissance économique soutenue et le développement humain peuvent se renforcer mutuellement, il est également urgent que les établissements humains soient sûrs, selon le rapport d’ONU-Habitat, L’état des villes africaines 2014 : réinventer la transition urbaine.

En Afrique subsaharienne la population des bidonvilles est de  199,5 millions de personnes, ce qui, selon ONU-Habitat, est une « manifestation claire d’un secteur urbain mal planifié et géré, et en particulier d’un dysfonctionnement du secteur du logement ».

L’Afrique abrite de grands bidonvilles  tels que West Point dans la capitale du Libéria, Monrovia, où vivent plus de 75 000 personnes, et le bidonville  de Kibera à Nairobi au Kenya, le plus grand avec plus de 2 millions de personnes.

Il faut à l’Afrique  près de 4 millions de logements par an, dont plus de 60 % pour loger des citadins. Des réglementations assurant  une planification efficace, ainsi que leur mise en œuvre, permettront aux villes de faire face à la croissance des établissements informels et fourniront un cadre à  la croissance et au développement des villes, tout en favorisant la croissance économique. 

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