Kigali scintille sur les collines

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Kigali scintille sur les collines

Le gouvernement rwandais met en œuvre un plan directeur de développement ambitieux
Busani Bafana
Afrique Renouveau: 
An artist impression (in the background) of a forthcoming shopping and office complex. Photo: Panos/Sven Torfinn
Photo: Panos/Sven Torfinn
Une représentation artistique (en toile de fond) d’un complexe à usage commercial et de bureaux. Photo: Panos/Sven Torfinn

Le surnom du Rwanda, « Pays des mille collines », évoque non seulement la géographie unique du pays, mais aussi les nombreuses crises traversées par Kigali pour devenir un modèle de ville durable.

Kigali est l’une des villes  en pleine progression de l’Afrique : elle est propre, organisée, et grâce à son plan de développement national ambitieux, c’est aujourd’hui une métropole ultramoderne, porteuse de nombreuses et remarquables réussites sociales, économiques et environnementales. C’est une ville en construction où les immeubles vétustes cèdent rapidement leur place à de nouveaux immeubles. Des voies rapides et goudronnées quadrillent Kigali pour offrir une circulation fluide entre les établissements urbains et les hautes terres embrumées. La ville est désormais très prisée des organisateurs de conférences internationales.

On comprend facilement pourquoi Kigali scintille. Entre autres mesures environnementales impressionnantes, la municipalité a interdit l’importation de plastiques non biodégradables et a choisi de consacrer une journée par mois au nettoyage de la ville et à la rénovation des environs par les résidents. Difficile de trouver des détritus dans les rues de Kigali. 

En 2008, ONU-Habitat a remis son Prix d’Honneur à Kigali pour ses efforts d’élimination des taudis et d’amélioration des aménagements urbains, en particulier concernant la collecte des ordures, la fourniture de logements et d’installations sanitaires et l’approvisionnement en eau.

Se reconstruire après le génocide

Principale zone d’affaires et point d’entrée au Rwanda, Kigali représente un pôle d’investissement et d’affaires à l’échelle du continent. La ville, qui  compte déjà plus d’un million d’habitants, figure parmi les centres de technologie de l’information en Afrique, ce qui fait d’elle  le moteur de croissance économique du pays.

Plus de 20 ans se sont écoulés depuis que le génocide rwandais a fait des centaines de milliers de victimes, privé le pays de dizaines d’années de développement, détruit les infrastructures et paralysé les services essentiels. La transformation de Kigali a tiré parti des efforts résolus engagés pour forger l’unité nationale et concrétiser une nouvelle vision pour le pays.  

La Vision 2020 du Rwanda est un plan directeur de développement ambitieux qui, une fois en place, attirera les investisseurs internationaux. Le gouvernement compte étendre les infrastructures modernes et garantir une prestation efficace de services aux habitants de Kigali, notamment en ce qui concerne l’eau, l’assainissement, l’énergie et les transports. 

Kigali s’est fixé des objectifs liés à l’environnement et à la durabilité avec pour vision une ville moderne plus sûre, plus propre et plus compétitive. Avec plus de 70 % de sa population (essentiellement âgée de moins de 30 ans) vivant dans des implantations sauvages et un taux de croissance annuel de plus de 4 %, la ville espère accroître les investissements dans le domaine des prestations de services pour répondre aux besoins d’une population urbaine croissante.

Ouverture au commerce

Le site Internet officiel de Kigali souligne un plan de  « mise en avant des idées les plus novatrices pour la ville et la planification des infrastructures, en s’appuyant sur les trois piliers de la durabilité : écologie, équité et économie. La gestion durable des terres, de l’eau et de la biodiversité a guidé l’élaboration du plan dans la mesure où il s’agit de facteurs essentiels à un aménagement urbain intégré. » 

Comme dans d’autres villes durables, la planification est fondamentale. Le plan directeur ingénieusement conçu de Kigali a été officiellement adopté en octobre 2013, et vise à régir le développement jusqu’en 2040, par phases quinquennales de développement. La phase en cours (2013 à 2018) privilégie un aménagement urbain efficace et rapide par sa structure administrative et ses centres financiers.

Le « plan directeur tient compte de la protection des coteaux, des forêts et des zones humides de sorte que les générations à venir puissent en profiter… Il s’aide des cycles naturels pour fournir une infrastructure efficace pour l’eau, l’évacuation, l’épuration, la production de biogaz à partir des déchets et du recyclage »,
indique le site Internet officiel de la ville.

« Le développement de la ville suit différentes phases (à court, moyen et long terme). Durant la première phase, de 2013 à 2018, nous développons le quartier d’affaires de Kigali qui constitue la zone la plus attrayante de la ville en ce qui concerne les activités commerciales », explique Alphonse Nkurunziza, ingénieur municipal chargé de la coordination entre les services de l’urbanisme et de la construction, du développement de l’infrastructure et de l’examen du plan directeur.

« Conformément à la demande, cette phase englobe des bâtiments  de grande hauteur et des complexes commerciaux, car nous souhaitons décongestionner le quartier des affaires en éliminant les bâtiments commerciaux non planifiés », précise M. Nkurunziza lors d’un entretien avec Afrique Renouveau

De nouveaux complexes réunissant des bureaux et des appartements résidentiels voient déjà le jour. M. Nkurunziza ajoute que le programme d’aménagement urbain de Kigali prévoit également l’amélioration des installations sauvages grâce à la fourniture de  services tels que l’approvisionnement en eau et en électricité, et la création de routes.

Conception durable

Au Rwanda, les objectifs nationaux de durabilité comprennent des projets d’intégration d’une horticulture urbaine et périurbaine dans le plan directeur de développement de Kigali. Avec l’aide de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), les autorités encouragent la culture de fruits et de légumes frais au sein de la ville pour y renforcer la sécurité alimentaire et accroître les revenus des agriculteurs. Elles imaginent une ville cosmopolite ornée d’espaces verts.

Des voies piétonnes et des pistes cyclables seront intégrées au réseau de transport en commun  de Kigali, qui permettra de circuler à pied ou à vélo et réduira la circulation automobile vers le quartier d’affaires. Le secteur privé, le gouvernement local, des organisations non gouvernementales, la société civile et des investisseurs devraient soutenir ces efforts. 

En 2015, Kigali a été, avec cinq autres villes africaines, désignée parmi 67 villes dans le monde pour rejoindre l’initiative « 100 villes résilientes » de la Fondation Rockefeller. Cette initiative vise à aider les villes à relever les défis de l’urbanisation, du changement climatique et de la mondialisation par la création d’infrastructures capables de faire face à la croissance démographique. Elle englobe l’approvisionnement en eau de bonne qualité, l’assainissement et la santé publique.

En outre, la Colombie, l’Égypte, le Mozambique, les Philippines et le Rwanda ont été sélectionnés pour accueillir un programme pilote de développement urbain durable mettant en œuvre un certain nombre de politiques urbaines, notamment des politiques liées à l’aménagement du territoire, l’intégration économique et la durabilité sociale et environnementale, signale Aisa Kacyira, directrice adjointe
d’ONU-Habitat. « Il est nécessaire que les villes africaines soient vivables, fonctionnelles et puissent servir à consolider la paix dans les pays sortant de conflits comme l’Angola, le Rwanda et le Mozambique », souligne Mme Kacyira.

Des limites

Néanmoins, malgré les progrès réalisés jusqu’à présent, Kigali, et plus généralement l’ensemble du pays, se heurte à des problèmes de sous-développement, notamment au manque d’eau salubre et potable et de moyens d’assainissement, ainsi que de logements et de services de transport pour tous. D’après l’ONG WaterAid, établie aux États-Unis, 3 millions de Rwandais n’ont pas accès à l’eau potable et 5 millions n’ont pas de toilettes. Dans le pays, les conséquences sur la santé et la mortalité infantile sont désastreuses, plus de 2 000 enfants succombant chaque année à des maladies diarrhéiques évitables. 

Quant au logement, une étude menée par le ministère des Infrastructures et l’administration du logement Rwanda Housing Authority, et citée par le journal The East African, a révélé que les besoins totaux entre 2012 et 2022 s’élevaient à près de 460 000 logements, dont 344 000 restent à construire.

L’étude a situé la demande nationale à 60 000 logements par an, quand Kigali nécessite à elle seule la moitié de ce total. Pourtant, l’étude a estimé une disponibilité de 1 000 logements par an seulement.

Concernant les transports, une analyse de la Banque africaine de développement montre que le Rwanda affiche les coûts de transport les plus élevés de la région puisqu’ils sont estimés à 40 % de la valeur de ses importations ou exportations, contre 12 % et 36 % pour le Kenya et l’Ouganda, respectivement. On espère que les  efforts en cours  commenceront bientôt à porter leurs fruits. 

« Nous voulons  que, d’ici à 2040, Kigali puisse offrir des logements abordables. Nous voulons également une ville dotée de transports écologiques afin de réduire la pollution atmosphérique et les engorgements et de protéger l’environnement de la ville », confie l’ingénieur municipal.

Pour une ville que beaucoup considèrent déjà comme l’une des plus belles d’Afrique, l’avenir s’annonce prometteur.

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