Sommet de Rio : l’Afrique garde espoir

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Sommet de Rio : l’Afrique garde espoir

Sommet de Rio : l’Afrique garde espoir
Des avancées et engagements essentiels pour les futures négociations
Kingsley Ighobor
Afrique Renouveau: 
Photo: Alamy / GS International
Pépinière d’arbres au GhanaPépinière d’arbres au Ghana : Au sommet de Rio, les participants se sont engagés à planter 100 millions d'arbres d'ici à 2017.
Photo: Alamy / GS International

Les attentes africaines étaient élevées lors de la Conférence des Nations Unies sur le développement durable. Dès le début, le Secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, a déclaré que la conférence, qui s’est tenue en juin à Rio de Janeiro, au Brésil, était « trop importante pour échouer. » Sous le thème « L’avenir que nous voulons, » plus de 40 000 participants ainsi que la majorité des chefs d’Etat — sur les 100 présents au sommet — ont réclamé des résultats ambitieux et quantifiables pour faire face aux questions liées au développement durable, notamment celles qui ont trait à « l’économie verte » et aux changements climatiques. Pourtant, à la fin, le sommet, communément appelé « Rio +20, » a ouvert un vif débat sur l’atteinte de ces objectifs.

Bien que le continent ne soit pas reparti avec des retombées abondantes, selon les délégués africains, il n'est pas non plus parti les mains vides. Le Ministre de l’environnement du Brésil, Izabella Teixeira, a souligné que les résultats ne pouvaient pas satisfaire tout le monde et elle a ajouté que, parvenir à des résultats consensuels avec 193 nations serait inévitablement une tâche ardue.

Les préparatifs de l’Afrique en vue de Rio +20 ont commencé en octobre 2011 par une réunion de ses Ministres de l’environnement tenue en Ethiopie. Ils y ont élaboré une déclaration consensuelle détaillée qui a ensuite été adoptée par l’Union africaine. Leurs arguments reposaient sur deux grands principes : le continent fait de sérieux efforts en faveur du développement durable, par conséquent le monde doit reconnaître et soutenir ces efforts.

La position de l’Afrique

Cette déclaration de 14 pages présente plusieurs points de vue, notamment un appel en faveur d’un Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), basé à Nairobi, au Kenya, renforcé, indépendant et disposant d’un bon financement. Selon la déclaration africaine, le PNUE devrait être doté d’« un financement sûr, stable, additionnel et prévisible pour s’acquitter de son mandat. »

L’Afrique a également demandé aux pays développés d'allouer 0,7% de leur produit national brut (PNB) à l’aide aux pays en développement et d’apporter « une solution équitable, durable et axée sur le développement à ses problèmes de dette. »

Lors du sommet, le coordonnateur des négociateurs africains, Macharia Kamau du Kenya, a indiqué que « les pays africains ne pourront mettre en œuvre les accords sur le développement durable que s’ils disposent des ressources et des moyens qui leur permettront d'entreprendre un développement qui protègera la biodiversité. »

Une nouvelle préoccupation

Le Président sud-africain Jacob Zuma, très actif à Rio, a déclaré que « les résultats ont recentré l’attention des dirigeants du monde sur les grands défis que sont la lutte contre la pauvreté mondiale, les inégalités et la dégradation de l’environnement. »

Sunita Narain, une écologiste indienne, est allée jusqu'à qualifier le document final issu de Rio de « victoire pour le monde en développement … parce qu'il réaffirme le principe des responsabilités communes mais différenciées et des capacités respectives. » Cette terminologie se rapporte à une vision commune de lutte contre les changements climatiques qui s’appuie sur les capacités sociales et économiques de chaque pays.

Mme Narain a aussi souligné que le sommet « n’a pas fait abstraction de la justice et de l’équité dans les négociations mondiales. » Elle faisait ainsi allusion à la réussite des efforts déployés par certains pays en développement, notamment l’Inde, la Chine et certains pays d’Afrique, afin de repousser une proposition émise par les pays riches et visant à établir des objectifs et des calendriers pour une « économie verte. » Les pays en développement redoutaient que de tels objectifs n’entraînent des restrictions commerciales ou d’autres sanctions s’ils n’évoluaient pas assez vite.

Les délégués africains expliquent les aspirations de leur continent dans le cadre du sommet de Rio.Les délégués africains expliquent les aspirations de leur continent dans le cadre du sommet de Rio.
Photo: ONU / Maria Elisa Franco

Les engagements pris

Les négociateurs africains, en particulier ceux de l’Afrique du Sud, voulaient des engagements spécifiques sur les objectifs du développement durable (ODD), qui sont censés remplacer les objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) après leur expiration en 2015. Les délégués ont convenu de constituer d’ici l’an prochain un groupe de 30 membres travaillant sous la bannière de l’Assemblée générale des Nations Unies pour faire rapport sur ces ODD mondiaux. En outre, il y aura un processus intergouvernemental, supervisé par l’Assemblée générale, qui d'ici à 2014 préconisera des formes de financement d’une stratégie en faveur de la durabilité.

Martin Khor, Directeur exécutif du Centre Sud, organisation intergouvernementale de pays en développement établie en Suisse, affirme que « La formulation des ODD, et la manière dont ceux-ci s’articulent avec le programme de développement d'après 2015, constituera l’une des plus importantes actions de suivi engagées par le sommet Rio +20. » « Au moins, le monde s’est mis d’accord pour continuer à promouvoir le développement durable, » ajoute Manis Bapna, Président par intérim du World Resources Institute, un groupe de réflexion sur l’environnement basé aux États-Unis.

Les entreprises et la société civile

Contrairement à l’approche progressive apparemment favorisée par les gouvernements, il semble que les entreprises, les organisations non gouvernementales (ONG), les groupes de la société civile, les universités et d'autres se redynamisent. L’ONU indique qu’avec les gouvernements, ces groupes ont annoncé, lors du sommet, environ 700 engagements volontaires s’élevant à plus de 500 milliards de dollars. Sur cette somme, 50 milliards de dollars seront utilisés dans le cadre d’une initiative du Secrétaire général visant l’accès universel à l’énergie durable d'ici à 2030.

Bindu Lohani, président de la Banque asiatique de développement, a rappelé aux délégués que huit banques de développement allaient investir 175 milliards de dollars en faveur du transport durable dans les pays en développement.

José María Figueres, ancien président du Costa Rica, a déclaré : « Ce sont les gouvernements qui vous ont lâchés M. Sha, et non pas les chefs d'entreprise, ni les ONG. » Il s’adressait ainsi à Sha Zukang, qui a présidé le secrétariat de la conférence et qui est le Secrétaire général adjoint de l’ONU aux affaires économiques et sociales.

Un récent sondage réalisé par le MIT Sloan Management Review et le Boston Consulting Group auprès de 3 000 chefs d'entreprise a révélé que 70 % d’entre eux intégraient la durabilité dans leur stratégie commerciale. L’enquête a également révélé qu’un grand nombre d'organisations réduisent désormais leurs émissions de gaz à effet de serre et soutiennent la biodiversité.

Les participants du Sommet se sont aussi engagés en faveur de la plantation de 100 millions d'arbres d'ici à 2017, de l’autonomisation de 5 000 femmes entrepreneurs dans les entreprises de l’économie verte en Afrique et du recyclage annuel de 800 000 tonnes de polychlorure de vinyle, un plastique très utilisé.

Difficile à quantifier

Alors que certains dirigeants africains gardent espoir, l’Africa Progress Panel, un groupe d’éminentes personnalités présidé par l’ancien Secrétaire général de l’ONU Kofi Annan, estime que les engagements souscrits lors de la conférence étaient trop vagues : « Le manque d'engagements concrets et mesurables envers des objectifs définis et quantifiables de développement durable est une issue profondément troublante du sommet de Rio +20. Nous avons une obligation envers les plus pauvres et les plus vulnérables de la planète qui subissent le poids de la crise écologique mondiale. »

D'autres pensent que la conférence ne reflète pas suffisamment un certain nombre de développements positifs dans le monde. Selon M. Bapna, « Il suffit de voir le passage de l’Allemagne à l’énergie propre, les efforts du Niger pour reverdir son paysage ou le réseau de transport rapide par bus récemment lancé à Rio. »

Il est certain que la conférence n'a pas répondu à toutes les attentes. Le prochain défi consistera à faire en sorte que les dirigeants du monde entier, les entreprises et les ONG tiennent leurs promesses. « Les discours sont terminés, maintenant commence le travail, a conclu M. Ban. Rio +20 a confirmé les principes fondamentaux, renouvelé les principaux engagements et nous a donné une nouvelle orientation. »    

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