Capital-investissement : assurer l’envol des entreprises

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Capital-investissement : assurer l’envol des entreprises

En Afrique, les fonds prennent pour cible les sociétés avides de capitaux
Afrique Renouveau: 
Photo: Alamy / Tina Manley
Train station in Mombasa, KenyaGare ferroviaire de Mombasa au Kenya. En 2011, une entreprise égyptienne a investi dans la société qui exploite le chemin de fer reliant Mombasa à l’Ouganda. Elle a ainsi réalisé la plus grande opération de capital-investissement de l’année en Afrique de l’Est.
Photo: Alamy / Tina Manley

L’Afrique se développe, et pour en faire autant, les sociétés africaines ont besoin d'argent. Les investisseurs veulent être de la partie, surtout compte tenu de la faiblesse actuelle des rendements dans de nombreuses autres parties du monde. Mais avec si peu d'actions et d'obligations, et l’insuffisance de liquidités pour ces actifs, comment les investisseurs peuvent-ils s’implanter ? Et comment les entreprises africaines accèdent-elles à l’argent dont elles ont tant besoin ?

Intervient alors le capital-investissement — un investisseur privé achète une participation dans une société non cotée sur un marché boursier. La société peut utiliser l’argent de la vente pour se développer ou pour réaliser d'autres types d'investissement. En échange, le propriétaire renonce à un certain contrôle et le nouveau partenaire obtient un siège au conseil d'administration ou, dans les entreprises plus petites, joue un rôle consultatif. Par la suite, les investisseurs gagnent de l’argent en revendant leurs actions ou en percevant des dividendes.

Des opportunités à profusion

En Afrique, le capital-investissement fait fureur. « Examiner toutes les opportunités, » déclare David Jeromin, associé-directeur chez Global Mean Capital Partners basée aux États-Unis, c’est un peu vivre le « cauchemar » d’une personne souffrant de trouble déficitaire de l’attention. « Il y a tellement de choses. »

On annonce régulièrement la création de nouveaux fonds de capital d'investissement en Afrique. En février, la Banque africaine de développement (BAD) a annoncé une prise de participation de 50 millions de dollars au fonds du Groupe Carlyle basé aux États-Unis, lequel prévoit d'investir pas moins de 500 millions de dollars en Afrique subsaharienne. En mai, la banque d'investissement brésilienne BTG Pactual a lancé un fonds de capital d'investissement d’un milliard de dollars axé sur l’Afrique. En 15 mois, de janvier 2011 à mars 2012, huit nouveaux fonds destinés à l’Afrique orientale et australe ont été lancés.

L’Afrique de l’Est compte à elle seule 16 fonds dédiés, sur 53 en activité dans la région . En mars, Deloitte, un cabinet-conseil international et Africa Assets, un cabinet de recherche et de conseil privé, ont publié une enquête menée auprès des délégués d’environ trois douzaines de fonds. Cette enquête a révélé que près de quatre cinquièmes d’entre eux prévoyaient d’accroître leurs dépenses l’an prochain.

Les chiffres globaux sont impressionnants, bien qu'un peu volatiles. Les opérations de capital-investissement en Afrique subsaharienne sont passées de 741 millions de dollars en 2003 à 1,3 milliard de dollars l’an dernier, avec des phases ascendantes et descendantes entretemps, selon l’Emerging Markets Private Equity Association.

Divers montants

Les montants des placements en capital-investissement varient. L’an dernier, le placement le plus important en Afrique de l’Est a été réalisé par Citadel Capital, une société égyptienne, lorsqu’elle a investi 287 millions de dollars dans Rift Valley Railways, l’opérateur du chemin de fer qui relie le port maritime de Mombasa (Kenya) à l’Ouganda. La BAD, dont le portefeuille de capital-investissement s'élève à 1,1 milliard de dollars, investit régulièrement dans des fonds indépendants faisant des placements de capital-investissement en Afrique. Ces fonds ont investi dans 294 sociétés, 54 de ces placements ont dépassé 15 millions de dollars et 163 ont été inférieurs à 1 million de dollars.

L’infrastructure, le secteur bancaire, l’exploitation minière, le pétrole et le gaz, et d'autres matières premières attirent généralement les poids lourds de l’investissement. À l’opposé, le capital-risque se concentre sur les sociétés naissantes ou plus jeunes, généralement de petite taille et souvent dirigées par des entrepreneurs charismatiques.

La start-up Cheetah Palm Oil fait partie de ces sociétés. Fondée au Ghana par le célèbre économiste George Ayittey, elle bénéficie du soutien de Global Mean Capital Partners. Au lieu d'acheter des terres et d'exploiter des cultures, elle travaillera en collaboration avec une coopérative de producteurs afin d'aider à commercialiser les produits au niveau international et de veiller à ce que les agriculteurs obtiennent des prix équitables, des services de microcrédit et de vulgarisation agricole. Le projet a la capacité d'englober 50 000 petits producteurs avec des fermes couvrant 75 000 hectares de terres.

Ici, il ne s'agit pas du capital-risque sophistiqué à la manière de la Silicon Valley. « Vous devez venir en aide à l’entrepreneur en mobilisant des ressources et en construisant des infrastructures, » explique M. Jeromin, dont l’entreprise est solidement établie dans le domaine du capital-risque. « Cela demande énormément de temps. »

Le capital-risque reste un petit sous-ensemble de toutes les opérations de capital-investissement en Afrique, en partie parce que cette activité requiert beaucoup de travail. « Beaucoup de personnes ne veulent pas se salir les mains, » se lamente M. Jeromin.

Un chemin défoncé

Même pour les investisseurs plus grands, la voie de la rentabilité peut ressembler bien plus à un chemin de terre défoncé qu'à une autoroute fraîchement goudronnée. « Dans le domaine du capital-investissement, il n’est pas difficile de trouver des opportunités d’investir, » déclare Larry Seruma, directeur du placement et directeur général chez Nile Capital Management, basée dans l’état américain du New Jersey. « C'est même un jeu d'enfant. Le problème c’est de gérer l’entreprise. Souvent, le talent manque pour passer à l’étape supérieure. Si vous êtes actionnaire minoritaire, vous risquez de ne pas trouver les personnes qu’il faut pour vous représenter au conseil d'administration, par exemple. »

Pour ce qui est du talent, M. Seruma, lui-même originaire de l’Ouganda, reprend espoir grâce au retour de ceux qui ont participé à la fuite des cerveaux. « La diaspora africaine est énorme, » dit-il. « Les gens instruits reviennent. L’emploi n'est plus au beau fixe dans les marchés développés, et l’Afrique progresse. Le talent local fait son retour. »

Les investisseurs sont également préoccupés par leurs « stratégies de désengagement, » un euphémisme qui désigne la façon d’obtenir un rendement de leurs investissements. Après tout, ce sont des capitalistes en quête de profits, et non des philanthropes.

Les investisseurs en capital-risque comme M. Jeromin se tournent parfois vers de plus grandes sociétés de financement par capitaux propres pour acheter leur participation à mesure que leurs protégés se développent. Une autre option est connue sous le nom de « vente commerciale, » la vente de tout ou partie d'une entreprise à une société multinationale énergique cherchant à se développer. Parmi les acheteurs potentiels il pourrait y avoir des acteurs majeurs des pays voisins, qui cherchent un développement transfrontalier afin de profiter de la libéralisation de la circulation des biens et services au sein de blocs commerciaux régionaux.

Récemment, Aureos Southern Africa Fund a vendu la participation de 49 pour cent qu'il possédait dans le capital du premier producteur d'œufs de table de la Zambie, Golden Lay, au Fonds d’investissement pour l’agriculture en Afrique, un fonds privé géré par Phatisa investissant dans les entreprises de denrées alimentaires durables du continent africain. « Cela dénote un investissement et un désengagement réussis pour Aureos, » déclare Ron den Besten, son directeur associé. « Golden Lay a réalisé de grands progrès au cours des cinq dernières années. La capacité de production a plus que doublé à la suite de notre stratégie d'investissement dans de nouveaux poulaillers de ponte ultramodernes, ce qui a donné l’impulsion pour une croissance financière exponentielle durant notre période d'investissement. »

Peu d'introductions en bourse

L’introduction en bourse est une stratégie de désengagement populaire ailleurs, en particulier aux États-Unis. Il s’agit pour un investisseur de vendre au moins une partie de sa participation lorsque la société met ses titres en vente sur un marché boursier. Mais les marchés boursiers africains ont tendance à être étroits et illiquides (voir Promouvoir la croissance grâce aux marchés financiers africains), et donc les introductions en bourse ont été relativement rares, mais pas inexistantes.

M. Jeromin remonte dans l’histoire des États-Unis pour citer une autre stratégie. « Si vous revenez aux années 1800, avant qu’il y ait des marchés liquides, les investisseurs obtenaient leur argent sous forme de dividendes. Vous pouvez mettre en place une structure d'actions privilégiées, » qui donne un droit prioritaire à certains actionnaires lors de la distribution de dividendes.

Le capital-investissement n'est pas sans inconvénient. Les propriétaires de sociétés et les entrepreneurs ne sont pas toujours enchantés de la pression que peuvent exercer sur eux leurs nouveaux partenaires. Et les investisseurs peuvent se désintéresser si leurs stratégies de désengagement s’avèrent limitées.

Mais il semble que le capital-investissement commence à combler un vide que les banques ne peuvent pas gérer seules. « Pour la plupart des sociétés en Afrique, mobiliser des fonds, c'est devoir aller à la banque, » explique David Levin, associé directeur principal chez Nova Capital Global Markets à New York. « Nous proposons un niveau de financement différent. »     

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