SENEGAL

Intervention sur le quatrième et cinquième points de l'ordre du jour
Présentée par Alioune NDIAYE,
Magistrat, Secrétaire Permanent du
Comité Sénégalais des Droits de l'Homme


Madame la Présidente,

Je vous remercie d'avoir bien voulu me donner la parole devant cette auguste assemblée au nom du Comité Sénégalais des Droits de l'Homme que je représente ici pour vous adresser mes plus vives félicitations dans la manière parfaite avec laquelle vous dirigez les débats.

Je profite de cette belle occasion pour remercier le Bureau du Haut Commissariat des Nations Unies pour leur assistance technique ainsi que le Gouvernement d'Afrique du Sud et la Commission Sud Africaine des Droits de l'Homme, son dynamique Président Monsieur Barney PITYANA, pour l'accueil chaleureux qui nous a été réservé depuis notre venue dans ce beau pays dont l'histoire douloureuse couronnée par la victoire contre l'apartheid a fait le tour de la planète

Madame la Présidente,

Mon intervention sera axée sur les quatrième et cinquième points de l'ordre du jour de cette plénière et sur un simple constat.

En effet le fait que l'aversion du dissemblable n'existe pas chez les jeunes enfants nous prouve le caractère acquis et non inné du préjugé de race. Nos efforts juridiques n'ont pas suffi pour endiguer le mal, ils nous orientent vers l'éducation, vers l'information pour véhiculer les idées qui militent en faveur du respect du droit à la différence avec l'autre.

Comme l'affirmait Peter Brook: « Personne n'a compris le racisme: l'Inde à l'Afrique, je ne vois pas disait-il ces différences fondamentales qui font qu'on désigne un homme du nom de Black ou de Blanc » .

La Déclaration de l'UNESCO sur la race et les préjugés raciaux, adoptée le 27 novembre 1978, reprend les principes fondamentaux de l'égalité de tous les êtres humains et par voie de conséquence de l'unité de la race humaine.

L'article premier de ladite Déclaration est ainsi libellé : « tous les êtres humains appartiennent à la même espèce et proviennent de la même souche. Ils naissent égaux en dignité et en droit et font tous partie intégrante de l'humanité... ».

Toutes les doctrines fondées alors sur la différentiation entre les races et sur la supériorité raciale ont été reconnues comme scientifiquement fausses, moralement condamnables et socialement injustes.

Juridiquement, la traite négrière transatlantique, tragédie humaine unique en son genre et sans commune mesure dans l'histoire de l'humanité a été un fait dommageable, générateur de l'appauvrissement de l'Afrique et de l'enrichissement de l'Occident.

Pour l'histoire, faut-il rappeler que, l'apartheid, érigé en système politique dans ce pays a été déclaré comme crime contre l'humanité. Peut-il en être autrement pour l'esclavage ?

En terre sénégalaise, la Maison des Esclaves de Gorée montre encore les vestiges tenaces de la cruauté humaine et dont les souvenirs ont déjà enregistré les demandes de pardon du Pape Jean Paul II et de l'ancien Président Bill Clinton. Ces pardons, qui constituent un réconfort au plan moral, pour être efficaces, doivent être accompagnés de la reconnaissance par la Communauté Internationale de l'esclavage comme crime contre l'humanité.
Ce crime constitutif d'une violation massive des droits de l'homme accentue les déséquilibres économiques existant dans les relations internationales avec pour effet principal d'exacerber le phénomène

En effet 80 % des ressources mondiales sont contrôlées par 20% de la population mondiale dont une partie a encore l'esprit des préjugés raciaux. Phénomène dont l'ampleur transcende au demeurant les idéologies racistes inquiétantes véhiculées par le biais d'Internet et consacre l'avènement au pouvoir dans des pays occidentaux de groupes de pression xénophobes et racistes.

D'ailleurs le Rapporteur spécial sur la question, notre frère Maurice Glele, a sonné l'alarme pour montrer combien la discrimination raciale continue de sévir dans plusieurs régions du monde avec le développement des activités de l'Etrême droite et des mouvements néo-nazis et imprègne les relations humaines contemporaines dans tous les domaines politique, économique, social et culturel.

Pourtant dès février 1992, le Docteur Salim Ahmed Salim alors Secrétaire Général de l'OUA n'avait pas manqué de constater que, je cite, : « de tout temps, les pays, les peuples ou les communautés victimes des faits de guerre ont réclamé des réparations pour les préjudices subis ; souvent leurs causes ont été entendues et ils ont obtenu des compensations matérielles ou morales... »

Pour cause, les juifs, premières victimes du racisme, dans un élan de solidarité et de dynamisme, ont su infléchir les conceptions les plus tenaces pour une réparation des préjudices subis durant la seconde guerre mondiale.

Aussi, au-delà de la résolution CM 13-35 de la 54 ème session du Conseil des Ministres de l'OUA, tenue à Abuja du 27 mai au 1" juin 1991, pour la détermination de l'ampleur et de la responsabilité des auteurs en vue de définir les stratégies pour obtenir réparation, il faut maintenant créer les mécanismes de la réparation ou de compensation. La réparation pourrait s'inscrire dans le cadre des efforts de mobilisation des investissements étrangers directs (I.E.D) vers l'Afrique.

L'annulation de la dette publique peut et doit être également une mesure de compensation. Au plus, la conversion de la dette peut être faite en programme global d'investissements avec primes ou garantis.

Je vous engage chers collègues et participants dans cette voie et vous remercie de votre aimable attention.