GABON

Allocution De


Monsieur Didjob DIVUNGI DI NDINGE
Vice-Président de la République Gabonaise


Devant La Conférence Mondiale Contre le Racisme, la Discrimination raciale,
la Xénophobie et l'Intolérance qui y est associée.

Durban (Afrique du Sud) 31 Août - 7 Septembre 2001.


Monsieur le Président,

La délégation gabonaise que le Président de la République, Chef de l'Etat, S.E. El Hadj Omar BONGO, me fait l'honneur de conduire, est heureuse de vous adresser, par ma voix, ses sinceres et chaleureuses félicitations pour votre brillante élection à la présidence de cette troisième Conférence Mondiale contre le racisme.

Ma délégation est persuadée que votre grande est persuadee que votre grande experience, vos talents et votre sagesse contribueront immanquablement au succès de nos délibérations, et elle vous assure de son entière collaboration.
Il m'est également agréable d'exprimer notre gratitude à Madame Mary Robinson, Haut Commissaire aux Droits de l'Homme et Secrétaire Général de la Conférence, non seulement pour son engagement indéniable pour la promotion des droits de l'Homme mais aussi, pour sa disponibilité et le travail accompli dans la préparation de ces assises.

Cette Conférence Mondiale est le lieu de rendre un hommage et de marquer toute notre reconnaissance à l'Organisation des Nations-Unies qui, soutenant cette réflexion, a pris sur elle de nous accompagner tout au long des différentes étapes que nous avons pu franchir ; pour permettre enfin, nous en formons le vœu, qu'à l'issue de nos travaux, des initiatives courageuses et réalistes suscitant l'adhésion de tous, et ouvrant la voie à des programmes d'action, soient annoncées.

Monsieur le Président, Excellences, Mesdames, Messieurs,

L'importance de ces assises de Durban ne fait aucun doute dès lors qu'elles constituent une étape décisive dans la formulation d'une nouvelle vision, partagée par tous, celle d'un devenir plus harmonieux de l'humanité et des sociétés qui la composent, un devenir qui rende à chacun tout ce qui lui est dû en tant qu'Homme.

Il s'agit à l'évidence, d'un événement d'égale dimension au moins, avec les Conférences Mondiales qui l'ont précédée, sur les Droits de l'Homme à Vienne, sur la Terre à Rio, sur les Femmes à Beijing, sur le Développement Social à Copenhague ou avec le Sommet Extraordinaire sur le Sida qui s'est tenu, récemment à Abuja au Nigeria.

Et le Gabon salue le choix de l'Afrique du Sud pour abriter cette Conférence, tout comme la désignation de S.E. Monsieur Nelson MANDELA, comme Parrain de Conference,des choix qui sont charges de symboles et qui somment comme une interpellation forte â l'endroit de tous les peuples du monde.
En foulant le sol de ce très beau pays qu'est l'Afrique du Sud, on ne peut écarter de la mémoire les images hideuses et affligeantes de ce que fût le régime d'apartheid,emanation emblematique des idees de supériorité de la race blanche, aui ont du reste servi d justifier l'esclavage et la colonisation. Et d'être frappé par la remarquable leçon de vie que l'évolution politique de ce pays administre au monde entier.
C'est donc pour nous autres africains, un sentiment de légitime fierté que nous ressentons et voudrions exprimer de devoir rechercher ici à Durban,
des approches susceptibles d'apporter des solutions appropriées à un problème aussi douloureux et consternant, véritable injure à la raison humaine et qui suscitera toujours des passions.

Monsieur le Président, Excellences, Mesdames, Messieurs,

Il y a plus d'une moitié de siècle que «Nous, les peuples des Nations-Unies », proclamant notre foi dans la dignité et la valeur de la personne humaine, nous sommes engagés notamment à maintenir la paix et la sécurité internationales, à réaliser la coopération entre les pays et régions du monde en résolvant les problèmes d'ordre économique, social, intellectuel ou humanitaire, en développant et en encourageant le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion.
Il convient aujourd'hui de nous interroger sur les résultats concrets de tant d'années de sensibilisation à travers forums et autres réunions organisées dans le cadre de la promotion et du respect des droits de l'Homme avec d'une part l'adoption de nombreux instruments internationaux protégeant les droits humains, à l'instar

- de la Convention pour la prévention et répression du crime de génocide du 9 décembre 1948 ;
- de la Convention sur l'élimination de toutes formes de discrimination raciale du 21 décembre 1965 ;
- de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants du 10 décembre 1984 ;
- ainsi qu'à l'instar de la fin de la légalisation du répugnant système de l'apartheid en Afrique du Sud, même si elle ne signifie pas encore anéantissement du racisme et de la discrimination raciale, de la xénophobie et de l'intolérance.

Excellences, . Mesdames, Messieurs,

Le racisme est un mutant. Et ses formes larvées et insidieuses de rejet et d'infériorisation des autres se maintiennent, se développent, sous nos yeux, de façon inquiétante et arborant des oripeaux nombreux et multiformes.
Et il nous faut en particulier veiller à ce que les moyens contemporains de la communication électronique n'offre à ce fléau un refuge inespéré.
S'il est un outil utile à cet égard, le droit seul ne suffira pas pour venir à bout de cette abomination. Il lui faut, en effet, afin que son effectivité advienne, être porté par une adhésion pleine et massive à l'idée que le racisme est une imposture dont la fausseté originelle a de longue date été mise en lumière, et que nous sommes différents parce que nous sommes le monde.
Entre la personne raciste et sa victime, il n'y a pas de vie, mais au bout la mort.
Le racisme est une somme d'illusions servies par des préjugés que véhiculent, si l'on n'y prend garde, l'éducation, ainsi que certains autres éléments culturels tels que le langage et la littérature, le cinéma et le théâtre, la publicité et différentes autres formes de réclame propres à nos sociétés de consommation.

C'est dire, que la lutte contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance est une entreprise qui doit demeurer déterminée et résolue, et viser tous les publics, chacun devant se sentir concerné par son succès.
Mais par dessus tout, l'implication des gouvernements, de tous les gouvernements, restera notre atout principal.

Il en va de même du dévouement, que nous voudrions solennellement saluer, des organisations gouvernementales et non gouvernementales, africaines et internationales, des médias, ainsi que de toutes les autres instances s'investissant dans le bannissement des barrières entre les peuples et entre les Hommes.

Monsieur le Président, Excellences, Mesdames, Messieurs,

Le Gabon mon pays, faut-il le rappeler ici, qui fut un des plus grands sanctuaires de l'esclavage des Africains, ainsi qu'en témoignent les vestiges de très nombreux comptoirs consacrés à l'entreposage des esclaves tout au long de la côte et de nos différents cours d'eau, a toujours choisi d'assumer cette tranche de sa destinée marquée au fer rouge, jusque dans la dénomination de notre capitale : LIBREVILLE.
Ce nom au passé évocateur renvoie à lui seul constamment à la face du monde l'expression d'une histoire en marche, prenant acte d'une humiliation faite par l'homme à l'homme, et se destinant à réconcilier l'Homme avec l'Homme, sachant que l'ordre des choses advient toujours et que la liberté est un;humanisme.

Le monde avance, sous nos yeux. Soyons unis pour lui imprimer les marques de notre civilisation actuelle et aidons-le à aller de l'avant, en ayant le souci de la paix et de la concorde entre les nations.
L'envergure du chantier est incommensurablement grande. Elle commande que la Communauté Internationale dans son ensemble se mobilise. C'est pourquoi, nous voudrions solennellement exprimer nos regrets par rapport à l'absence à ces assises de certains pays et non des moindres.

Que dire à toutes ces grandes Nations qui hésitent, tergiversent à s'engager dans la même voie que le plus grand nombre au nom de considérations aussi variées que - « tous les pays européens n'étaient ni esclavagistes ni colonisateurs, ils n'ont donc pas de responsabilité directe dans le fait de l'esclavage et ses conséquences » ; ou que « l'esclavage et le commerce transatlantique étaient davantage l'affaire de quelques commerçants, voire de quelques familles, qui ont pu ainsi insolemment se constituer des fortunes colossales, et que les Etats modernes n'ont donc pas forcément de responsabilité à assumer » ; ou encore que - « les africains eux-mêmes étaient partie prenante dans le commerce des esclaves, bon nombre d'entre eux en ont tiré d'énormes avantages ».

Il faut le redire: le racisme est une menace grave pour la paix et la sécurité internationales.
Les Hommes doivent donner une orientation nouvelle à l'histoire et lui restituer son ennoblissement relatif, en cette époque, inouïe pour l'humanité contemporaine, de début de siècle et de début de millénaire.
Ainsi qu'il est mentionné dans la Déclaration visionnaire de la Conférence dont son Excellence, le Président Nelson MANDELA est le Parrain, chaque société doit se poser certaines questions relatives à son existence, son bien-être et son avenir au début d'un siècle nouveau ; et la question qui nous rassemble ici, à savoir combattre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance qui y est associée est l'une de ces questions essentielles.

Le Gabon, pense qu'il y a erreur à nier toute relation entre l'esclavage, la traite transatlantique des
noirs et le colonialisme d'une part, avec la pauvreté endémique, l'éclatement des liens sociaux et familiaux, ainsi que les conflits multiformes que connaissent nos pays d'autre part.

A n'en pas douter, les tourments actuels qui caractérisent la marche du Continent Africain sont en partie liés avec cette histoire.
C'est pourquoi, nous considérons comme une démarche humaniste et grandement louable de la part des pays esclavagistes et colonisateurs, la reconnaissance intellectuelle et éthique des actes et des souffrances qui en ont résulté, en tant que crimes contre l'humanité ; leur repentance sera vécue comme le signal fort d'une humanité retrouvée, réconciliée avec elle-même et se promettant sans rancœur et sans haine d'aller toujours vers plus d'humanisme, c'est-à-dire aussi plus d'harmonie dans la grande famille humaine que ronstltl.lent tous les pe1iples de la terre;

Comme l'ont relevé les Ministres Africains, réunis à Dakar du 22 au 24 janvier 2001 dans le cadre préparatoire à la présente Conférence, « d'autres groupes qui ont enduré d'autres fléaux et injustices ont reçu à diverses reprises les excuses de différents pays ainsi que d'amples réparations, sur une base bilatérale, de source publique et privée, et dernièrement par l'intermédiaire de certaines Organisations Internationales. ».
L'Afrique, qui a sans doute payé le plus lourd tribut du racisme et de la discrimination raciale, faut-il d'ailleurs s'exprimer au passé ? - mérite aussi qu'on lui rende justice.

Nous estimons, comme le proposait le Ministre Sud-Africain des Affaires Etrangères, Son Excellence Madame NKOSOZANA, lors de la deuxième session du Comité préparatoire que : « ex-colonisateurs et ex-colonisés trouvions, par le biais de la négociation, un terrain d'entente de telle sorte que les réparations prennent la forme d'amélioration concrètes sur le plan de l'Pduration et dit développement »z
On pourrait imaginer, à cet égard, des solutions variées.

Mais, il nous faut être clair: Et je voudrais dire du haut de cette tribune que ce que l'Afrique réclame, ce n'est pas la compassion, la pitié ou la charité ; ce que l'Afrique sollicite, c'est la reconnaissance de sa dignité dans le temps et de tout temps.

Excellences, Mesdames, Messieurs,

Disons avec le Secrétaire Général, Son Excellence Monsieur KOFFI ANNAM, je cite: « le fanatisme, la haine, les préjugés, voici les horribles symptômes d'une maladie dont l'humanité a toujours souffert, partout dans le monde. Le racisme peut, doit et sera mis en échec ».
Encore faudrait-il peut-être qu'au delà du droit des Hommes et des peuples, des volontés et des résolutions des institutions nationales ou internationales, l'Homme face à l'Homme applique sans considération de région, de pays, de race, de sexe,: de langue ou de religion, ce simple commandement

« Tu aimeras ton prochain comme toi-même ».