CONGO

PRÉSIDENCE DE LA REPUBLIQUE DU CONGO


ALLOCUTION DE
SON EXCELLENCE MONSIEUR DENIS SASSOU NGUESSO,
PRÉSIDENT DE LA REPUBLIQUE DU CONGO

A LA CONFÉRENCE MONDIALE CONTRE LE RACISME,
LA DISCRIMINATION RACIALE, LA XÉNOPHOBIE ET L'INTOLÉRANCE QUI Y EST ASSOCIES.

DURBAN, 31 AOUT - 7 SEPTEMBRE 2001


Madame la Présidente,
Messieurs les Chefs d'État et de Gouvernement,
Monsieur le Secrétaire Général des Nations Unies,
Madame le Haut-Commissaire aux Droits de l'Homme,
Mesdames et Messieurs,

En vous adressant mes vives félicitations, à Vous-même Madame la Présidente ainsi qu'à vos collègues du bureau, je voudrais vous dire toute ma joie de participer à la présente Conférence au nom de mon pays, le Congo, qui s'est toujours inscrit aux premières loges du combat contre le racisme, la discrimination raciale et la xénophobie.

Je suis heureux que cette importante conférence dont l'objet est de réfléchir aux voies et moyens les plus efficaces pour que soient définitivement éradiqués le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance qui y est associée, ait lieu ici à Durban, en Afrique du Sud, théâtre, il y a une décennie encore, de la discrimination raciale la plus ignoble : l'apartheid.

Madame la Présidente,

Le vingtième siècle a été marqué par de grandes actions contre le racisme et la discrimination raciale. D'éclatants succès que notre mémoire n'a pas encore refoulés dans l'oubli ont été enregistrés. La victoire sur le nazisme, l'intégration raciale aux Etats-Unis d'Amérique et l'effondrement de l'apartheid en sont les illustrations les plus concrètes.

Ces succès doivent continuer à irriguer notre mémoire collective à travers l'éducation de notre intelligence et de notre sensibilité.
Mais ces résultats notables n'ont pas, hélas, suffi à débarrasser le fléau de ses bourgeons. Puisque de temps en temps, l'amnésie prend le dessus sur le souvenir. Nous avons oublié que des peuples sans mémoire, sont des peuples sans espoir, sans espérance du futur.
La lutte contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance, en somme la défense des Droits de l'Homme, font justement partie de ces valeurs essentielles qui fondent notre combat politique.

C'est le combat pour la réhabilitation de l'homme, pour l'affirmation de l'humanité réelle de l'homme. Un combat contre les velléités réductrices qui, en ces temps de globalisation des sociétés, ont tendance à faire de l'homme un pur produit de la nécessité, sans liberté, et sans responsabilité, dont le sort et le destin peuvent être disposés par plus puissant ou par plus fort.

Nous aurons compris la pérennité de la lutte contre le racisme et ses ramifications si chacun de nous réalise une fois pour toutes que chaque homme, chaque femme, est un être unique et irremplaçable, qui a valeur par lui-même, qui est libre de ses choix et de sa vie.

Madame la Présidente,

II n'y a pas pire mépris de l'autre que le racisme. Ce sentiment de dédain et d'indifférence est depuis toujours source d'injustice, de conflit, de violence.
La meilleure parade contre le racisme passe par la priorité que la communauté internationale doit donner à l'instauration d'une nouvelle morale, d'un nouvel humanisme qui aurait valeur d'un nouveau contrat social et culturel pour le vingt-et-unième siècle : un contrat basé sur une culture de paix et une éthique du futur.

Madame la Présidente,

Cette conférence a été précédée par un grand débat aussi vain que stérile sur l'opportunité ou non de reconnaître la traite négrière et l'esclavage comme crimes contre l'humanité.
Nous sommes tous d'accord que le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance qui y est associée sont une violation flagrante des Droits de l'Homme. Nous sommes tous d'accord également que la traite négrière et l'esclavage, qui sont la forme achevée du racisme, de la discrimination raciale et de la xénophobie, constituent la violation des droits de l'homme la plus ignoble jamais commise.

Des voix nombreuses s'élèvent pour dire que l'Afrique doit pardonner. Bien sûr, l'Afrique doit pardonner. Mais pour que le pardon de l'Afrique soit réel et sincère, il faut qu'il y ait reconnaissance du dommage causé. II faut qu'il y ait repentir. Plus d'un siècle après la fin de l'esclavage, la mémoire collective du peuple noir porte encore la douleur de cette tragédie parce que la vérité, toute la vérité n'a pas été dite sur les millions de Noirs morts au cours de leur déportation, dans les plantations.

Le 8 septembre 2000, à New-York, lors du Sommet du Millénaire, j'avais suggéré, afin de tourner définitivement cette page sombre de l'histoire de l'humanité, que cette grave atteinte à la dignité humaine soit reconnue comme crime contre l'humanité.

Aujourd'hui encore, du haut de cette tribune, je voudrais reformuler le même voeu en ne demandant pour seule contrepartie, pour seule réparation, que la reconnaissance, le repentir et surtout, la solidarité des pays riches. Afin que notre planète cesse d'être un monde à deux vitesses, source d'inégalités , de disparités et de tensions.

Etant donné l'ampleur du préjudice causé par ces actes, il est essentiel que la déclaration finale de cette conférence exige, à l'instar des conclusions de la réunion africaine de Dakar, que ses auteurs en assument la responsabilité.

Cette conférence nous offre une opportunité historique pour le faire. Saisissons-la sans hésiter!

Je vous remercie.